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(La guerre ne laisse jamais rien de bon derrière elle) le harki Khemissi Dbili livre son histoire à cœur ouvert

Plus d’un demi-siècle plus tard, la plaie ne s’est toujours pas refermée dans le cœur de Khemissi Dbili. Photo Ca. B.

Engagé dans l’armée française durant la guerre d’Algérie, le Muyois, aujourd’hui âgé de 81 ans, revient sur un passé qu’il ne regrette pas, mais dont il garde de douloureux souvenirs...

L’année 1955 touche à sa fin. De l’autre côté de la Méditerranée, sur le territoire algérien, la guerre fait rage.

Et l’existence de Khemissi Dbili, dix-sept ans, est sur le point de basculer.

Sans ressources, orphelin depuis son plus jeune âge, l’adolescent est désemparé. Né dans une Algérie colonisée, et élevé par une famille corse “à la française”, Khemissi finit par rejoindre le combat, dans les rangs de l’armée tricolore.

Un choix qui n’est pas dicté par le cœur, mais par une volonté de survivre…

"À l’époque, j’étais seul et j’éprouvais les plus grandes difficultés à m’en sortir financièrement, raconte-t-il aujourd’hui. Mon père est décédé alors que je n’avais que trois ans. Militaire, au sein de l’armée française, il est tombé au front durant la Seconde Guerre mondiale. Et ma mère est partie deux ans plus tard."

"D’UN CÔTÉ COMME DE L’AUTRE, LA GUERRE NE LAISSE JAMAIS RIEN DE BON DERRIÈRE ELLE"

Khemissi marque un temps d’arrêt. Les souvenirs remontent dans son esprit et les mots peinent à sortir.

"Vous savez, reprend-il, d’un côté comme de l’autre, la guerre ne laisse jamais rien de bon derrière elle. Il ne se passe pas un jour sans qu’elle ne revienne me hanter. Je revois tous mes amis, “harkis” eux aussi, partis sous mes yeux."

Il s’arrête à nouveau.

"On peut me juger, penser ce que l’on veut mais, malgré tout, je reste profondément attaché à ma terre natale, à mon pays l’Algérie."

Et les souffrances qui lui ont été infligées bien après la fin du conflit n’y changeront rien.

L’homme ouvre son portefeuille et en sort une carte de couleur verte. En lettres noires, y figure l’inscription: “Carte de victime de la captivité en Algérie”.

Il lève les yeux. "En 1962, après la signature des accords d’Évian, les milliers de harkis qui n’ont pas eu le temps de partir ont été massacrés. D’autres ont été capturés et emprisonnés par le Front de Libération Nationale."

Khemissi Dbili était l’un d’eux.

Détenu dans des geôles de juillet 1962 à mars 1967, d’abord à Biskra, dans le nord du pays, puis au fin fond du Sahara algérien, Khemissi porte encore les stigmates de cette période douloureuse… Tant sur le plan physique que moral.

Ôtant sa coiffe, il révèle l’arrière de son crâne. "Je recevais régulièrement des coups, donnés avec des câbles en fil de fer, sur la tête et dans le dos. Pire, j’ai même été forcé d’enterrer des harkis…" Un calvaire que Khemissi a enduré jusqu’au 5 mars 1967, date à laquelle les bénévoles de la Croix-Rouge, envoyés par le général de Gaulle, lui ont "sauvé la vie".

"Ils m’ont libéré du camp où j’étais retenu prisonnier, confie-t-il. J’ai ainsi pu m’installer en France, du côté de Nîmes dans un premier temps, puis au Muy."

Père de dix enfants, maçon de profession, l’homme a trimé toute sa vie pour offrir une vie décente à sa famille. Celle-là même qu’il recherchait des décennies plus tôt.

Quant à l’apaisement, il ne l’a que partiellement trouvé, mais ne garde aucune rancune liée à son passé. "Ici, je suis considéré comme un étranger et de l’autre côté de la Méditerranée, on ne veut plus de moi. Je n’ai jamais pu y retourner car je suis fiché en tant que harki et donc interdit de territoire. À ma mort, je ne pourrais même pas reposer là-bas."

Un déchirement pour Khemissi qui poursuit, peiné: "J’aime la France. C’est mon pays d’accueil. Mais mon cœur est resté en Algérie. Toutes les nuits, je rêve d’un retour à mes racines… À défaut, je transmets cette histoire à mes enfants qui, aujourd’hui, ont tous réussi leur vie."

Une fierté pour Khemissi Dbili qui, il y a plus d’un demi-siècle, laissait derrière lui son histoire, son enfance, son identité…

En emportant avec lui l’essentiel, et ce qui fait aujourd’hui sa plus grande force: sa dignité!

26/09/2019

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