11 Novembre 2016
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Eugénie de Montijo accueille les Harkis à Biarritz (64), station balnéaire mondialemnent connue
M. VIAL Louis
Aujourd’hui, je suis très honoré de représenter Monsieur le Maire de Biarritz à cette exposition du souvenir et d’hommage aux Harkis et je suis très heureux pour moi-même, car il s’agit de réhabiliter les victimes d’un pan d’Histoire et je suis fier, à ma modeste place, de pouvoir leur rendre leur Honneur, à eux et à leurs descendants.
Je n’avais que 12 ans lors de la fin de la guerre d’Algérie, et je ne me souviens que « du quarteron de généraux », du 1er Ministre en pyjama, de l’arrivée des Pieds Noirs à Marseille, de la défaite et quelque part, dans ma mémoire, de la débâcle ! Mais de harkis : point.
Et puis, un jour, de nombreuses années plus tard, je suis entré dans une librairie par hasard. Mais je sais bien que, selon les grecs anciens, le hasard est le nom que se donnent les dieux pour se cacher des hommes ! Donc dans cette librairie où je cherchais sans but déterminé, j’ai trouvé un livre qui s’intitulait « Mon père, ce harki » de Dalila Kerchouche. Intrigué par la 4ème de couverture je l’ai pris et je l’ai lu.
Voilà maintenant un livre que je recommande fortement autour de moi et, plus particulièrement peut-être à tous ceux qui n’ont pas connu ou reconnu cette période. Nous sommes nombreux à qui l’Education Nationale a présenté « les événements d’Algérie » de façon neutre et sans saveur, presque comme un non-événement et surtout sans la charge émotionnelle qui aurait convenu pour cette part de notre histoire. Il s’agit d’une période qui a meurtri, détruit les âmes et les familles, sans distinction de couleur, de religion au même titre que la Shoah ou le Génocide Arménien et, de part et d’autre de la méditerranée, a laissé une chape de plomb se poser sur elle.
Mon commentaire peut choquer, je l’admets. Acceptez que les tempêtes de l’Histoire, cette fois avec un grand H puissent détruire l’histoire des petits, des « sans grade ». Acceptez, acceptons, la responsabilité de la France vis à vis de tous ceux qui ont eu foi en Elle. C’est le plus sûr moyen, en leur rendant leur honneur et leur dignité, de retrouver l’Amour qu’ils lui ont toujours porté. Sans haine et sans esprit de vengeance, simplement parce que l’oubli serait l’offense suprême. Cette souffrance-là, nous nous devons de ne pas l’infliger.
Ce témoignage intense m’a interpellé avec une telle puissance qu’aujourd’hui encore, lorsque j’y repense, j’ai mal à mon pays. Pourquoi un tel mépris, un tel abandon mortifère ? Ce livre, profond, est plein de révélations sur un passé ténébreux pour le citoyen français que je suis devenu mais il est surtout et avant tout lugubre pour le vécu de ces femmes, de ces hommes condamnés pour avoir été loyaux et pour ces enfants condamnés, eux, seulement parce qu’ils étaient les filles et les fils de leurs parents.
« Enfant, j’ai adoré mon père. Adolescente, je l’ai détesté. Parce qu’il était harki, parce qu’il a soutenu l’armée française pendant la guerre d’Algérie, j’ai longtemps cru que mon père était un traître. Il n’a jamais nié, il n’a jamais rien dit ….Dans ce voyage au bout de la honte, j’ai découvert une horrible machinerie d’exclusion sociale et de désintégration humaine…En Algérie j’ai poursuivi ma quête…J’ai enfin percé le silence qui règne sur cette histoire ».
Les Harkis n’ont jamais été traités comme des hommes. Le seul moyen de « justifier » l’attitude des autorités françaises à cette époque était bien de nier toute humanité à ces victimes ou, à tout le moins, leur imposer l’état de « sous hommes » ce qui permet, dès lors toutes les abominations dont ils ont été « récompensés » pour leur choix. Indigènes pour les colons, traîtres pour les algériens, marginaux pour les sociologues, dépressifs chroniques pour les psychiatres, …mais soldats fidèles et dévoués, corps et âmes, à ce qu’ils croyaient être leur Patrie, la France . Qui a vu, à ce moment-là, qu’il s’agissait de jeunes gens, des pères, des mères avec leurs angoisses, leurs émotions, leur peurs et leurs espoirs, leur déception suivi de la résignation appuyée sur un fatalisme pseudo-culturel, leurs illusions et leur déchirement…
Plus de 50 ans après l’indépendance de l’Algérie, l’abandon et le drame des harkis demeurent une blessure pour notre Honneur et notre Histoire. Ces hommes, qui ont pris les armes pour servir avec fierté et bravoure la Nation, furent lâchement abandonnés, livrés au massacre ou à l’exil. Cet exil leur fut imposé, de plus, dans des conditions inhumaines, en les parquant dans des camps insalubres dans l’indifférence et le mépris.
Ce soir est, pour moi, une occasion unique d’exprimer avec force ma reconnaissance à leur encontre, en utilisant le terme de reconnaissance au sens strict, c’est-à-dire de les « reconnaître » comme miens. Cela me permet enfin de regarder en face et en public l’une des pages les plus sombres de notre histoire. En réveillant les consciences sur le sort tragique de ces familles qui ont tant donné à la Patrie, cette soirée nous invite à assumer nos responsabilités dans cet abandon indigne.
L’histoire des Harkis est notre histoire, comme celle des « pieds-noirs », victimes eux aussi d’un exil forcé. Ces hommes, ces femmes, leurs enfants et leurs petits enfants font partie intégrante de notre mémoire aujourd’hui, mais aussi de notre avenir demain. Aimer et défendre tous ceux que l’on a appelé du nom pudique de « rapatriés », c’est ainsi aimer la France et défendre son avenir. Trop longtemps la République ne s’est pas montrée digne du sacrifice des Harkis. Aujourd’hui leurs enfants attendent une reconnaissance des souffrances et des humiliations de leurs parents. La République a failli, il est temps qu’elle répare, que nous réparions, et que nous les soutenions dans leur quête de Vérité, de Dignité et de Justice.
Enfermés dans une précarité indigne à leur arrivée en métropole, les Harkis ont été les oubliés des gouvernements qui se sont succédé, droite et gauche confondues. Il fallut attendre 1994 et la Loi Romani pour que s’exprime, pour la première fois, la reconnaissance officielle de la République et lancer un plan d’indemnisation et d’intégration. 50 ans après !!
Ces efforts sont insuffisants et la situation sociale des Harkis reste notoirement très préoccupante en particulier ceux qui demeurent dans des zones rurales ou, encore plus, dans les territoires désindustrialisés.
Il est impératif que l’Etat assume ses responsabilités. Il doit agir, vite et fort, dans les domaines prioritaires et plus particulièrement dans celui du traitement, avec dignité, des questions relatives à l’indemnisation et surtout régler le cas des veuves isolées. Par ailleurs comment peut-on comprendre et tolérer que le taux de chômage dans « la communauté harki » soit encore et toujours supérieur à la moyenne nationale ? Comment peut-on justifier qu’ils soient exclus des dispositifs mis en place dans les zones prioritaires ? Ils sont Français au même titre que les autres, pas plus, et, surtout, pas moins.
A un moment où notre pays s’interroge, nostalgie d’un passé doré qui n’a jamais existé réellement, et peur d’un avenir que de mauvais augures nous présente comme sombre, les Harkis sont un rappel de la valeur de la citoyenneté, un souvenir douloureux qui rappelle que la France n’est pas infaillible, mais qu’elle se grandit à chaque fois qu’elle ose affronter son histoire.
De leur abandon, les générations de Harkis et vous, leurs descendants, ont tiré une force de caractère qui fait mon admiration. C’est pour cela que je souhaite leur intégration pleine et entière dans la communauté nationale et qu’il soit possible, parlant de la Patrie, de dire enfin : NOTRE PATRIE.
Ce sera le témoin de l’Honneur retrouvé de la France, c’est une question de Justice mais surtout d’Humanité.
Merci mesdames et messieurs, d’avoir pris le temps de m’écouter.
Biarritz le mercredi 12 Octobre 2016
M. VIAL Louis
Conseiller Municipal de Biarritz Délégué à la Sécurité
Référent Défense
Président du Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance
Président de la Commission Communale de Sécurité pour l’Incendie et les Secours
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