5 Juillet 2020
Alors que l’Algérie célèbre aujourd’hui l’anniversaire de son indépendance et que le président algérien Abdelmadjid Tebboune dit attendre des excuses de la France pour la colonisation de son pays, la question se pose : quels ont été les gestes de la France pour reconnaitre ses torts ? On sait combien cette page d’Histoire, la France a du mal à la lire…
Car c’est la question mémorielle qui reste au cœur des relations conflictuelles entre la France et l'Algérie, où la perception est que la France ne fait pas assez pour se repentir de son passé colonial.
Restitution des crânes de résistants
Le geste de Paris le plus récent est celui de la restitution à Alger, vendredi dernier, des crânes de 24 combattants de la Résistance populaire, "des héros qui ont affronté l'occupation française brutale, entre 1838 et 1865, et que l'ennemi sauvage a décapités en représailles avant de transférer leurs crânes outre-mer", a déclaré Abdelmadjid Tebboune. Les dépouilles ont été enterrées aujourd’hui même, lors d’une cérémonie d’hommage dans le "carré des Martyrs" au cimetière d'El Alia à Alger.
Ces crânes étaient conservés depuis le XIXe siècle dans les collections du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. "Ce geste s'inscrit dans une démarche d'amitié et de lucidité sur toutes les blessures de notre histoire", a commenté vendredi l'Elysée.
Alger veut aussi remettre sur la table le dossier des "disparus" pendant la guerre d'indépendance (1954-1962) --plus de 2.200 selon Alger -- et celui des essais nucléaires français dans le Sahara algérien qui "ont fait et continuent à faire des victimes".
Le cas Maurice Audin, la France reconnait enfin la pratique de la torture
Autre geste considéré comme ‘historique’, en 2018, Emmanuel Macron reconnait la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin, tué en 1957.
Maurice Audin était un jeune mathématicien, membre du parti communiste algérien, fervent partisan de l’indépendance algérienne. Un intellectuel qui gravité dans le giron d’Albert Camus.
En juin 1957, en pleine guerre d’Algérie, il est arrêté à son domicile par l’armée française. Et depuis, sa famille ne l’a plus jamais revu. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il n’avait que 25 ans.
L’armée française dira à son épouse Josette Audin qu’il s’est évadé. Mais on connaissait bien le sort qui était réservé aux opposants d’une Algérie française, qu’ils soient français ou algériens. Les archives et les témoignages l’ont rapidement révélé : les enlèvements, les interrogatoires, et surtout la torture était une pratique courante de l’armée française.
Pendant plus de 60 ans, Josette Audin se bat pour établir la vérité et pour que la France reconnaisse officiellement l’emploi de la torture par son armée pendant la Guerre d’Algérie.
Le refus de plusieurs législatures, avant la reconnaissance
Elle s’est adressée à tous les Présidents, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, et c’est finalement François Hollande, en 2014, qui fait un pas vers la vérité.
Lors de la remise du prix de mathématique qui porte le nom de Maurice Audin, il annonce que le mathématicien ne s’est pas évadé, qu’il mort en détention. Sans préciser dans quelles circonstances… C’était un premier pas vers la vérité.
En 2018 donc, Emmanuel Macron ne s’arrête pas au cas Audin. Pour la première fois, la France reconnaît officiellement que l’Etat français a failli en permettant le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie.
Avant son élection à la présidence en 2017, lors d'une visite à Alger, Emmanuel Macron avait qualifié la colonie de 'crime contre l'humanité', ce qui avait provoqué un tollé à droite. François Fillon, notamment, avait jugé ces propos " indignes d’un candidat à la présidence de la République "…
Le sort des harkis
Une première en 2018 : suite à une plainte déposée par le fils d'un harki, le Conseil d’État juge que les conditions de vie des familles de harkis dans les camps, où elles ont été accueillies en France après la guerre d’Algérie, étaient "indignes" et engageaient "la responsabilité de l’État ".
Les harkis étaient les supplétifs de l’armée française durant la guerre. Ils ont lutté contre le Front de Libération Nationale (FLN) sous la responsabilité d’officiers français.
L'État est condamné à indemniser le plaignant (15.000 euros) afin de réparer "des préjudices matériels et moraux".
Alors qu’une Journée nationale d’hommage aux harkis est organisée le 25 septembre de chaque année, ces hommes et leurs familles attendent toujours de la France qu’elle reconnaisse solennellement "les massacres et l’abandon". Certains réclament une loi mémorielle et des réparations.
Des rancunes qui renvoient à la guerre et à ses atrocités
L’Algérie a été colonisée pendant 132 ans (1830-1962), cependant, c’est comme si tout ramènerait à la période de 1954 à 1962. Comme si elle résumait les cent trente ans qui précédaient. En France, cette période est présentée comme un tabou : la guerre a longtemps été occultée, la torture niée, même si personne n’ignorait sa pratique.
Ce tabou explique probablement pourquoi, aujourd’hui encore, des rancunes réciproques, renvoient d’une manière récurrente à cette guerre, et à ses atrocités.
Les fils de harkis se souviennent comment leurs pères ont été abandonnés par la France puis massacrés par les algériens, tandis que les pieds-noirs ou leurs enfants décrivent encore les jours de terreur du printemps 1962, notamment les tueries à Oran en juillet, au moment de l’indépendance.
Les algériens racontent eux, la terreur infligée à leur communauté par l’OAS (l’Organisation de l’Armée Secrète), une organisation clandestine proche de l'extrême droite qui décrète que l'Algérie doit rester française.
Sans oublier les massacres du 8 mai 1945 perpétrés par les forces de l'ordre françaises dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata, qualifiés de "crimes contre l'humanité". A ce jour, les chiffres ne sont pas les mêmes des deux côtés. Les Algériens parlent de 45 000 victimes. Les Français, eux, de 1 500 à 20 000 morts, dont 103 Européens.
05/05/2020
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