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« La demande de pardon présidentielle doit ouvrir un chemin de vérité pour la tragédie des harkis »

photo d'illustration

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Le projet de loi de reconnaissance et de réparation envers les supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie est beaucoup moins ambitieux que ce qu’avait annoncé Emmanuel Macron en septembre 2021, regrettent, dans une tribune au « Monde », neuf personnalités parmi lesquelles Claude Bébéar et Dalila Kerchouche.

Tribune. Parce que le drame de ces Français appelés « harkis », abandonnés sur le sol algérien après les accords d’Evian (1962), puis parqués et maltraités dans des camps sur le sol français, touche à l’honneur de notre pays, nous, personnalités du monde économique, culturel et juridique, demandons une mission d’étude sérieuse, approfondie et rigoureuse sur ce pan de notre histoire, qui comporte de grandes zones d’ombre. La demande de pardon présidentielle doit ouvrir un chemin de vérité.

Pour Maurice Allais (1911-2010), Prix Nobel d’économie (1988), le drame des harkis représentait « une ignominie, une des plus grandes hontes de toute l’histoire de France » (L’Algérie d’Evian, L’Esprit nouveau, 1962). Parce qu’il touche à l’honneur de notre pays, le sort de ces anciens soldats de la République, abandonnés à un destin tragique, concerne chaque citoyen français. Fait exceptionnel dans l’armée française, après les accords d’Evian, , ce drame a conduit de nombreux officiers à désobéir à la hiérarchie militaire pour sauver leurs frères d’armes.

Le 20 septembre 2021, à l’Elysée, le président de la République a décoré le général François Meyer, qui fut l’un d’entre eux. Surtout, il a demandé pardon, au nom de la France, aux harkis et à leurs familles, pour les avoir abandonnés sur le sol algérien après le 19 mars 1962. Et pour les rescapés des massacres, de leur avoir fait subir l’enfer des camps dans le sud de la France durant près de deux décennies. Il a suscité un immense espoir : que le mal fait par l’Etat français aux harkis et à leurs familles soit enfin pleinement reconnu et réparé.

Hélas, les mesures prévues par le projet de loi de reconnaissance et de réparation, censé incarner cette demande de pardon, se révèlent très en deçà du discours historique du président de la République. Le texte propose une réparation symbolique, forfaitaire et a minima, sans aucun outil pour progresser sur le chemin de la vérité. La majorité des harkis et de leurs enfants le rejette.

La nécessité d’une véritable démarche mémorielle

Pourquoi un tel malentendu ? « La réconciliation doit combiner vérité et pardon », affirmait l’archevêque sud- africain Desmond Tutu (1931-2021). Le passé récent nous enseigne qu’un pays qui veut affronter et assumer une période taboue de son histoire doit se donner le temps nécessaire à un examen de conscience rigoureux et approfondi.

Sans nullement comparer les drames, après le discours historique de Jacques Chirac sur le Vél’ d’Hiv, en juillet 1995, la mission Mattéoli, nommée en 1997, a procédé à un état des lieux exhaustif de l’étendue des préjudices subis par les juifs de France durant l’Occupation. Au début des années 2000, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur durant l’Occupation (CIVS) a ensuite répondu aux attentes de réparation des victimes.

Dans le drame des harkis, la méthode choisie, expéditive, omet le maillon central et essentiel :

L’indispensable travail préalable de vérité et de détermination des préjudices de toute nature, ainsi que leur évaluation. Elle ne répond donc pas à la dialectique nécessaire entre pardon et vérité. Pour cela, un travail historique doit être conduit, à l’instar de la mission Mattéoli, avec un état des lieux précis des archives concernant les harkis.

Récemment, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie des conséquences de ce drame par trois enfants de harkis, a demandé à la France de lui adresser ses explications. Ne laissons pas à une juridiction européenne le soin de mener ce travail de justice et de vérité. Cette histoire est la nôtre. Il est de notre devoir de la regarder en face. Voilà pourquoi nous demandons solennellement qu’une véritable démarche mémorielle soit instaurée. Qu’une mission d’étude et d’évaluation du drame des harkis soit créée. Cette vérité, l’Etat la doit à la nation tout entière.

Serge Barcellini, président général du Souvenir français

Claude Bébéar, président d’honneur du groupe Axa et de l’Institut Montaigne

Michel Bernos, maire (LRM) de Jurançon

 Aude de Thuin, fondatrice du Women’s Forum for the Economy and Society (Deauville) et de Women in Africa

Philippe Faucon, réalisateur

Thierry Garé, professeur de droit privé à l’université Toulouse-I-Capitole

Franz-Olivier Giesbert, écrivain, auteur de « Le sursaut. Histoire intime de la Ve République » (Gallimard, 2021)

Dalila Kerchouche, grande reporter, scénariste et autrice de « Mon père ce harki » (Seuil, 2003)

Alain Madelin, ancien ministre de l’économie et des finances.

10/02/2022

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Dates des rassemblements, pour la Reconnaissance, la mémoire, et la culture.
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A
Si vous appelez cela un "malentendu", vous faites fausse route...et les Harkis n'attendent pas non plus une loi mémorielle, mais des actes concrets pour rétablir ce qu'un homme a de plus précieux, pour lui et pour ses descendants : LA DIGNITÉ !
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A
Je souhaiterais être aide dans mes démarches car papa est décédé en 1996 nous n'avons jamais eu d'aides alors que papa était supplétif ancien combattant harki
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P
Bonjour Ada, aujourd'hui il faut voir avec ONACVG de ton département pour les aides en faveur des enfants et veuve de harki.<br /> Bon courage