12 Avril 2022
Message
À la commission nationale indépendante
de reconnaissance et de réparation
" Une enfance brisée "
Madame, Monsieur les membres de la commission,
Qu’en est-il de ma dignité humaine ? Je vous parle ici du sentiment de différence dont j’ai souffert, le rejet, l’exclusion, l’interdiction de m’intégrer dans le système éducatif mais également dans le système social.
J’ai vécu et subi la peine, la souffrance et l’humiliation, moi jeune enfant de 2 ans.
Saviez-vous qu’à l’âge de 2 ans et demi je fus transférée dans un hôpital car gravement malade ? Saviez-vous que pendant une année entière mes parents n’ont pas pu me voir, moi enfant de 2 ans, arrachée à ses parents pendant une année entière ? Saviez-vous que mon pays a alors pris la décision de m’envoyer en famille d’accueil, sans que mes parents n’aient eu leur mot à dire, sans que mes parents ne puissent me récupérer, sans que quiconque ne les aide à venir me voir ?
La stèle du hameau forestier du Plô de Mailhac. MC
Ils étaient en effet internés dans le camp du Plo de Mailhac….j’étais moi envoyée à St Maurice l’Ardoise.
Savez-vous que mon père a finalement réussi à me récupérer de cette famille d’accueil avec l’aide des gendarmes…famille qui refusait de me rendre à mes parents ?
Non vous ne le saviez pas.
Pouvez-vous aussi imaginer mon retour dans mon foyer, à l’âge de 3 ans, après une année arrachée à ma famille ? J’étais traumatisée, je ne reconnaissais pas ma famille, je me cachais et ne me laissais pas approcher…
Non vous ne pouvez pas l’imaginer.
Ce mal être, toujours présent aujourd’hui et qui relève presque de l’indicible tant il est grand et impalpable, ne pourra jamais être apaisé par une somme d’argent…dérisoire.
Alors peut-être par la reconnaissance ? Tellement tardive !
Trop tardive : en effet, mes parents ne sont plus de ce monde aujourd’hui….eux n’auront donc jamais pu être témoins de cette reconnaissance du pays pour lequel ils se sont battus et qu’ils ont tant aimé.
Alors le seul sentiment qui est sûr est celui qui dit qu’absolument rien, aucun acte ni aucun mot, n’effacera cette souffrance.
J’attendais plus de la part de mon pays pour m’aider, m’accompagner et m’apaiser.
Je tenais enfin à remercier Monsieur le président de la République française pour cette « reconnaissance ».
Avec tout mon respect.
Mme Hadjira Gharbi, enfant de Harkis.
*******
NEWSLETTER