25 Avril 2025
Les 18 et 19 avril 2025 une rencontre honneur aux mamans, mamies s'est tenue à Épinal (88) dans la salle de quartier Madeleine Caserne Schneider. Cet événement a été organisé par Ajir Grand Est et L’Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins, suite au séminaire d'Ajir France de juin 2024, avec la présence de Mme Zekira Messaoudi de l'association UNVEHAC d'Épinal.
Nous adressons nos sincères remerciements à Fatum Laour, ainsi qu'aux mamans et aux mamies, et leur exprimons notre profonde gratitude pour l'accueil chaleureux qu'elles nous ont offert. Webmaster HD
Témoignage 1 de 6
- Extrait -
Témoignage de madame Zekira Messaoudi
Je suis madame Zekira Messaoudi, je suis née en 1951 à Grarem proche de Mila en Petite Kabylie.
Je suis Présidente de l’association « Union Nationale Veuves et Enfants de Harkis et Anciens Combattants ». Mon époux était Harki au 7e Régiment de tirailleurs Algériens basé à Batna. Mon père était agriculteur est ma mère s’occupait de la maison et surtout de ses nombreux enfants, 9 garçons et 2 filles. Je n’ai aucun souvenir qui précède le début de la guerre.
En 1955, voici ce qui est arrivé (propos tenus par mon père). Il a été pris par le FLN, torturé, laissé pour mort au bord d’une rivière. Ce sont les militaires Français qui l’ont sauvé. Et aussi mes oncles.
En tout, 27 membres de ma famille ont été assassinés dans des conditions atroces, la plupart égorgés, ils avaient de 12 à 50 ans. A Grarem, mon père et 2 cousins sont entrés dans l’armée Française en tant que Harkis. Ma famille et moi-même vivions proche de la caserne, nous restions cloitrés. Je me souviens des tirs du FLN vers le camp. C’était honteux ce qui s’est passé lors du désarmement, c’est comme si l’on déshabille quelqu’un. Nous avons su qu’un Harki de Grarem a été écartelé et qu’un autre a été lapidé. Il y a eu pas mal de rescapés. Ceux qui sont restés ont tous été tués. Nous, nous sommes Partis vers Bône en juin 1962 dans des camions de l’armée bâchés, on nous jetait des cailloux.
A Bône, nous sommes restés 3 jours dans une caserne avant d’être embarqués dans les cales d’un bateau, comme couchage, des couvertures au sol. Maman était enceinte. Des enfants sont tombés à la mer et personne n’en a parlé.
A Marseille, nous avons eu droit à l’appel pour nous recenser. Puis, à nouveau, en camions de l’armée bâchés pour nous rendre à Millau puis au plateau du Larzac. Nous étions logés dans une tente de l’armée pour 2 familles. Des lits de camp pour les adultes et des paillassons pour les enfants. Aucune hygiène, aucune intimité… C’est une honte. La nourriture que l’armée nous fournissait était crue. C’est nous qui devions nous débrouiller et trouver du bois pour le feu.
Environ 4 mois après notre arrivée au Larzac, direction le camp de Rivesaltes puis encore 4 mois et nous avons été transportés à celui de Saint Maurice l’Ardoise. C’est là que ma mère a accouché dans la neige et ensuite a dû être transportée à l’hôpital.
Nous étions logés dans une pièce pour 3 familles avec pour chauffage un fourneau au milieu de celle-ci. La vie dans ces camps ; c’était dégueulasse surtout pour les femmes qui étaient humiliées. Ensuite, nous sommes allés à Epinal en mars 1963. Mon père a alors trouvé un emploi à la mairie de cette ville et il a ensuite acheté une ferme à Ayolailles. Au début, il devait faire 12 km à pied pour aller travailler.
Je me suis mariée en 1967 avec M… L…, c’était un ancien harki. Nous avons eu 13 enfants, 10 filles et 3 garçons. Ils s’en sont tous bien sortis. Ils ont été élevés à l’européenne, ils ne parlent pas bien l’arabe. Ils se sont bien intégrés. Nous nous sommes adaptés et nos enfants aussi.
Ici, à Epinal, à notre arrivée, tout s’est bien passé avec la population de 1964 à 1975, nous étions entre-nous. Après, cela s’est dégradé, mal passé, nous étions mélangés, comparés aux immigrés.
Je suis chez moi ici, je suis Française.
A notre arrivée en France, on n’aurait pas dû nous demander de choisir notre nationalité, nous étions Français, moi, mes parents et mes grands-parents.
Je suis bien, je suis fière de mon parcours.
Tout ces témoignages sont recueillis par R.G , vidéos HD de
- L’Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins
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