28 Septembre 2022
Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, la Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, Patricia Miralles, elle-même enfant de rapatriés, se livre à Valeurs actuelles.
Cérémonie d’hommages aux Invalides dimanche 25 septembre présidée par Patricia Mirallès en présence du Chef d’Etat Major des Armées, le Général Burkhard. Photo © Ministère des Armées
Valeurs actuelles. Hier dimanche 25 septembre était la journée nationale d’hommage aux harkis. Quels messages leur avez-vous adressés ?
Patricia Mirallès. Le premier message, c’est aussi celui adressé à tous les Français, de rappeler en priorité que les harkis sont des anciens combattants de la France. Trop de gens ignorent ce qu’ont été les harkis. Ces membres des harkas ont combattu aux côtés de soldats de métropole. Ils font donc partie de la grande famille de l’armée française.
Ce dimanche est aussi un moment très important à titre personnel. J’ai grandi aux côtés d’enfants de la communauté harkis, j’ai été à l’école et partagé des terrains de foot avec eux. Une fois devenue députée, j’ai été rapporteure du projet de loi portant sur la reconnaissance des harkis. Officier ce 25 septembre dans cette grande cour des Invalides m’émeut et me rend fière de la mission que le président de la République et la Première ministre m’ont confiée. J’ai voulu montrer à la Nation que nous avons un regard particulier sur les harkis et leurs familles. J’ai conscience de leur douleur, des traumatismes qu’ils ont connus, du ressentiment et parfois de la colère qu’ils peuvent encore ressentir. A ce titre, comme pour tous les anciens combattants conformément à l’engagement du Président de la République, le ministre des Armées Sébastien Lecornu et moi-même avons un regard attentif à leur juste reconnaissance.
Pourquoi cette colère ? Pour les associations d’harkis, la loi de février 2022, qui reconnait la responsabilité de la France et introduit un droit à réparation pour ceux qui ont séjourné dans des camps, est insuffisante ?
La réparation matérielle à elle seule n’est pas suffisante et c’est pour cela, qu’en parallèle, nous poursuivons notre engagement par un travail constant de reconnaissance symbolique et de recueil des mémoires. Leur histoire a engendré une mémoire douloureuse car elle est transmise par les grands-parents, parents ou frères et sœurs qui sont nés dans les camps. Mais comme l’a dit le Président de la République, même si l’histoire est douloureuse il faut toujours regarder l’histoire en face. Nous ne devons pas avoir peur. Le fait de demander pardon constitue déjà une grande reconnaissance.
« Il faut continuer de travailler à constituer une mémoire commune et apaisée, fédératrice, celle qui permet à nos jeunes, d’où qu’ils viennent, d’être plus solides, de s’enraciner dans la patrie. »
Combien sont-ils à avoir déposé des dossiers d’indemnisation ?
Le gouvernement s’est engagé de manière forte et sans précédent avec une volonté d’agir très vite : la loi a été promulguée le 23 février 2022, le décret d’application le 18 mars et dès début avril, la commission Bockel s’est réunie. Depuis, environ 20 000 dossiers ont été déposés, un peu moins de 3 000 dossiers ont déjà été traités ; parmi eux plus de 2 800 dossiers sont favorables à la réparation. Le montant moyen reçu est de plus de 8 000 euros. D’ici à la fin de l’année, nous estimons qu’environ 5 000 dossiers auront été traités. Je veux saluer ici le travail formidable de recherche réalisé par les services centraux et départementaux de l’ONACVG. A Avignon par exemple, où j’étais la semaine dernière, le travail de dentelle du directeur départemental des anciens combattants a permis une meilleure connaissance de la chronologie de deux hameaux de forestage et d’années supplémentaires passées dans les camps jusqu’alors méconnues. Avec la commission, nous traiterons jusqu’au dernier dossier. Je ferai un prochain point d’étape en février.
Que doivent retenir nos jeunes de cet épisode douloureux de l’Histoire ? Quelles valeurs doivent-elles leur être transmises ?
Je veux que les jeunes s’intéressent à cette période trop méconnue. Il faut faire comprendre que même si des mémoires douloureuses naissent de l’Histoire, il faut la travailler. C’est toujours un devoir d’enseigner l’Histoire de France, y compris celle qui est liée à la colonisation et à la guerre d’Algérie. Nous ne devons pas en avoir peur.
Il faut continuer de travailler à constituer une mémoire commune et apaisée, fédératrice, celle qui permet à nos jeunes, d’où qu’ils viennent, d’être plus solides, de s’enraciner dans la patrie. Quand je rencontre les cadets de la Défense et de la Gendarmerie, je mesure combien ils sont heureux de connaître notre passé. Connaître son histoire permet de la transmettre et, finalement, de faire Nation. Il faut que nos jeunes aient confiance en leur pays, cela passe par le fait de regarder en face notre Histoire, pour savoir d’où l’on vient. Voilà donc en deux mots ce que je pense qu’il faut transmettre à nos jeunes : le courage de la vérité conjugué à la confiance en leur pays.
26/09/09/2022
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N'oubliez pas ce soir
À voir sur France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur, dans l'émission Enquête de région diffusée mercredi 28 septembre 2022 à 23 h 15.
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