29 Septembre 2017
Ce lundi 25 septembre 2017, il participe, à Maizières-lès-Metz, à la journée d’hommage aux harkis. Ahmed Mehraz, président de l’Union départementale des harkis rapatriés, livre ses souvenirs.
Ahmed Mehraz, président de l'union départementale des harkis rapatriés, ses filles Aïcha (à gauche) et Zohra, membres de l'association. Photo RL
Pourquoi ce choix d’être harki ?
Ahmed MEHRAZ, ancien harki : « Nous étions français depuis 1832. Le seul drapeau que nous connaissions était le drapeau français. Mon père, Mohamed, né en 1901, a servi dans l’armée française pendant 17 ans. Il a fait la guerre de 39-45 et celle d’Espagne. Pendant la guerre d’Algérie, il était adjudant-chef, à la tête d’une harka de 70 hommes. Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1958. »
Comment s’est déroulée votre guerre d’Algérie ?
« En 1954, j’avais 14 ans. Deux ans plus tard, je suis devenu harki comme mon père pour combattre aux côtés de l’armée française dans sa lutte contre le FLN (Front de Libération Nationale). J’étais caporal dans l’infanterie à Orléansville. On allait parfois en opération pendant plusieurs jours dans le djebel. C’était dur. On a eu souvent peur. Il y a eu des morts. On ne distinguait pas les fellaghas des civils parce qu’ils n’avaient pas d’uniforme. »
Qu’avez-vous fait en 1962 ?
« Le 26 mai 1962, après une attente de vingt jours, je suis venu en France, par bateau, avec ma femme, mes deux enfants, mes parents, mes dix frères et sœurs et des cousins.
Nous étions 36. Rester en Algérie, représentait pour nous un danger de mort. Beaucoup de harkis ont été tués après le cessez-le-feu. Nous avons laissé tous nos biens. À notre arrivée à Marseille, des camions nous ont conduits jusqu’à Mas-Thibert près d’Arles où nous avons été accueillis par le bachaga Boualam, haut dignitaire, vice-président de l’assemblée nationale.
Sa maison ne pouvant nous accueillir tous, nous avons vécu sous des toiles de tente, pendant quatre mois puis dans une maison à Tarascon. Nous avons eu la chance d’échapper aux camps dans lesquels les harkis étaient parqués à leur arrivée en France. »
Ensuite, comment s’est écoulée votre vie ?
« J’ai cherché du travail. Ce n’était pas facile pour moi, car je ne savais ni lire ni écrire. Je ne suis jamais allé à l’école ; elle était à trente kilomètres de notre ferme.
À Gérardmer, mes cousins ont été embauchés dans la menuiserie Houot dans laquelle j’ai travaillé pendant sept mois. Le 30 octobre 1963, je suis entré à la Sollac au laminoir à chaud de Sérémange en tant que mécanicien ajusteur.
J’y ai travaillé jusqu’à la retraite. Nous avons habité à Uckange puis, pendant 31 ans, dans une HLM à Thionville dans le quartier de la Côte des Roses. Avec ma femme, nous avons élevé nos huit enfants du mieux possible. On voulait qu’ils travaillent bien à l’école pour avoir un beau métier. Notre vie a été simple malgré des moments difficiles. »
Et maintenant ?
« Je n’ai jamais oublié ces années. Je me réveille souvent la nuit et je fais encore des cauchemars. J’ai été nommé chevalier de l’Ordre national du Mérite. J’ai obtenu le titre de combattant, de reconnaissance de la nation, croix du combattant volontaire, les médailles d’argent et vermeil du travail, la croix de l’Europe. En tant que porte-drapeau, je participe aux différentes cérémonies commémoratives.
Le statut de harki ne m’autorise pas à aller en Algérie. Je fais partie, depuis 2001, de l’association départementale de l’union des harkis rapatriés dont je suis devenu le président en 2016. Je suis maintenant grand-père et arrière-grand-père.
Je m’inquiète pour ces jeunes dans un monde devenu difficile. La journée d’hommage aux harkis est très importante pour moi. Nous attendons encore aujourd’hui une reconnaissance morale et matérielle, plus particulièrement pour nos enfants. C’est l’un des objectifs de notre association. »
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