22 Novembre 2021
Les faits Un projet de loi va être examiné ce jeudi 18 novembre pour reconnaître la dette de la France envers les harkis et les préjudices qu’ils ont subis. Ce texte, voulu par Emmanuel Macron, ne satisfait pas pleinement les intéressés, ni leurs descendants, dont certains vont manifester à Paris.
Âgé de 84 ans, Serge Carel attendait ce moment « avec impatience ». « Cela fait 59 ans que l’on attend », poursuit cet ancien combattant harki. L’Assemblée nationale va examiner ce jeudi 18 novembre le projet de loi portant « reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis », ces 150 000 à 200 000 Algériens qui ont servi l’armée française entre 1954 et 1962.
Le texte se veut la traduction législative du discours d’Emmanuel Macron le 20 septembre dernier. « Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon », avait alors déclaré le chef de l’État. « L’essence même de ce projet de loi est la reconnaissance que la France a commis une faute », souligne Patricia Mirallès, députée LREM de l’Hérault, sa rapporteure.
Le texte contient sept articles. Il reconnaît la « responsabilité » de la France et les « conditions indignes de l’accueil sur son territoire » de quelque 90 000 harkis et de leurs familles, qui ont dû fuir l’Algérie et dont une partie a été reléguée dans des camps. Cela a « pu être source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables », ce qui induit une « réparation des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions de vie ».
« Il y a des avancées importantes, mais il y a aussi des manques »
Une somme forfaitaire, pouvant varier de 2 000 à 17 000 €, sera allouée en fonction du temps passé dans les structures d’accueil destinées à cette population déracinée. Une commission sera chargée de statuer sur les demandes déposées par les harkis et leurs épouses, mais aussi leurs enfants qui sont nés ou ont grandi dans ces lieux dont la liste sera précisée par décret.
Selon Patricia Mirallès, 6 000 dossiers pourraient être traités dès 2022. « Nous sommes tributaires du Sénat, qui pourrait examiner le textefin janvier, relève-t-elle. Mais nous allons tout faire pour que cette loi soit votée avant la fin du mandat. » Par ailleurs, des dispositions prévoient des mesures au bénéfice des veuves de ces anciens combattants.
Pour Serge Carel, qui a fait partie des personnes auditionnées lors de la préparation du texte, « cette loi a le mérite d’exister ». « Il y a des avancées importantes, estime-t-il. Pour la première fois, le fait que l’on a été abandonnés va être gravé dans le marbre. Mais il y a aussi des manques. » Notamment les cas comme le sien : les harkis qui ne sont passés par aucune structure et sont arrivés en France par leurs propres moyens. « Ils ont tout autant souffert, il faut une égalité de traitement », insiste l’octogénaire, qui s’est évadé d’Algérie en 1964 après avoir été torturé.
Certains harkis dénoncent la « frilosité » du projet de loi
Patricia Mirallès défendra un amendement pour ces situations particulières. De même, le texte originel pourrait être modifié pour permettre à la commission d’indemnisation d’élargir la liste des structures d’accueil concernées. « Si on a besoin d’aller plus loin, il n’y a pas de raison de ne pas le faire », indique la rapporteure, en précisant que cette commission devra publier « chaque année » un rapport sur son travail et sera aussi chargée d’un volet « mémoriel ».
Mais le texte limite l’indemnisation aux années 1962-1975, terme officiel de la tutelle exercée par l’administration française sur ces anciens combattants. « Dans les faits, elle a duré plus longtemps et des familles ont vécu dans des hameaux de forestage bien après », rappelle la juriste Claire Tassadit Houd, fille de harki, qui a cosigné une tribune dans Le Figaro du 17 novembre, avec Serge Carel et la journaliste Dalila Kerchouche, pour dénoncer la « frilosité » du projet de loi.
La « présomption de dommage » fait débat
Leur principal grief porte sur la méthode choisie pour fixer les indemnisations, fondées sur la « présomption de dommage » et le temps passé dans les structures d’accueil. « Ce n’est pas le caractère forfaitaire qui nous gêne. C’est surtout que le barème n’est assis sur aucune évaluation digne de ce nom du préjudice », souligne-t-elle. Les uns ont pu souffrir de l’enfermement, d’autres d’un traumatisme psychologique, d’autre encore d’une perte de chance scolaire ou professionnelle.
Avec d’autres harkis et leurs enfants, Claire Tassadit Houd ira manifester jeudi 18 novembre devant l’Assemblée nationale, au moment où les députés examineront le texte. « On a attendu 60 ans, plaide-t-elle, on peut bien attendre un ou deux ans de plus qu’une vraie commission d’évaluation, indépendante, puisse enfin faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. »
18/11/2021
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