11 Janvier 2022
Témoignage. « La France a sacrifié les harkis sur l’autel des accords d’Évian, signés le 18 mars 1962. Après le départ des Français, 60 000 à 80 000 harkis seront massacrés en Algérie. »
« Sans les harkis, les pertes humaines du côté des soldats français auraient été plus importantes. » | FABIEN HILLAIRET
Comme moi, c’est toute une génération qui s’est retrouvée sur une terre inconnue pour défendre notre patrie et pour combattre un ennemi, la plupart du temps, invisible (guerre sans visages et sans images). En résumé, nous avons donné les deux plus belles années de notre vie !
En ce qui me concerne, j’ai été versé dans une unité combattante en 1957 et j’ai participé aux actions de combat qui se sont déroulées dans les massifs de l’Oranais. Au sein de ma compagnie était rattachée une section de harkis. Mis à part un nombre très restreint de déserteurs, ils ont connu comme nous la chaleur, la soif, la faim, le déracinement, la perte d’un camarade, les accrochages, les embuscades, etc. Mais sans leur présence, les pertes humaines du côté des soldats français auraient été bien supérieures. En effet, ils avaient la connaissance du terrain et de la langue pratiqués par l’ennemi. Si bien qu’ils ne refusaient pas de questionner les prisonniers afin d’obtenir parfois un très bon renseignement.
Au regard de tels services rendus, qu’a fait la France après la publication des accords d’Évian ? Elle a souillé sa réputation en se déshonorant. Seuls quelques commandants de compagnies ont fait face à leurs supérieurs et n’ont pas voulu embarquer sur le bateau qui les ramenait en France en l’absence des harkis de leur section.
Ne perdons pas de vue que l’article 2 des accords signés le 18 mars 1962 stipule :
- Les deux parties s’engagent à interdire tout recours aux actes de violence collective et individuelle.
- Toute action clandestine et contraire à l’ordre public devra prendre fin.
Très vite, ensuite, l’Algérie se trouve brutalement confrontée à des situations nouvelles et difficiles.
Le climat intérieur devient explosif : rivalité entre les chefs de la rébellion, fuite des élites, règlements de comptes entre particuliers, etc. Ne cherchons pas à sauver les apparences en ignorant que certains harkis ont même été jetés dans des marmites d’eau bouillante.
Près de soixante années se sont écoulées et voilà qu’aujourd’hui, nos gouvernants parlent, pour la première fois, de reconnaissance et de réparation envers les harkis et leurs familles.
Tout cela n’est qu’un marché de dupes au profit des politiciens, en quête de réélection. Une décision de ce poids demande beaucoup de réflexion, car les plaies ne sont pas encore refermées et les braises toujours brûlantes.
La France a sacrifié les harkis sur l’autel des accords définitifs d’Évian.
À notre retour à la vie civile, en parallèle avec celui, horrible, de la plupart des harkis, la France, notre mère patrie, nous a tous abandonnés. Il nous a manqué des oreilles attentives (cellules psychologiques) pour nous confier et évacuer ce « boulet » que nous avons traîné pendant des années.
Très vite, nous avons compris que ce conflit algérien ne reliait pas les générations entre elles. Personnellement, craignant avoir été acteur ou complice d’exactions, mon père et mon grand-père, combattants d’une guerre honorable, ne m’ont jamais posé une seule question sur mon vécu. D’ailleurs, meurtri dans ma chair (amputation de l’avant-bras droit), je ne vous cache pas qu’il m’a fallu me reconstruire et beaucoup de temps pour retrouver une mémoire apaisée.
15/12/2021
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