18 Février 2022
La ministre déléguée, Geneviève Darrieussecq, s'est rendue ce lundi après-midi au camp Saint-Maurice-l 'Ardoise, là où se dessine un projet de site mémoriel harkis, porté par l'Agglomération du Gard rhodanien. (Marie Meunier / Objectif Gard)
Geneviève Darrieussecq a déposé une gerbe devant la stèle à l’entrée du camp de Saint-Maurice-L ’ardoise puis s’est recueillie un moment. Elle est arrivée sur les lieux en compagnie de la préfète du Gard et a été accueillie par les élus du territoire et les associations harkis. (Marie Meunier / Objectif Gard)
Après cette visite, Geneviève Darrieussecq s’est rendue en préfecture du Gard pour rencontrer des associations d’anciens combattants avant de prendre la direction du camp de Saint-Laurent-l ’Ardoise, là où l’Agglomération du Gard rhodanien porte un projet de site mémoriel pour les harkis et leur famille. De 1962 à 1976, le site les a accueillis.
Souvent dans des conditions difficiles comme le raconte Abdel Aidoud, qui a fait « l’ouverture et la fermeture du camp. On avait une cuisine de 6 m2 pour sept personnes avec un évier dans lequel on faisait la vaisselle et on se lavait en même temps. Notre poêle à charbon servait à se chauffer mais aussi à faire cuire des plats. Les toilettes se trouvaient à 100 mètres. Nous vivions dans des baraques avec des cloisons de 60 centimètres d’épaisseur. On se gelait en hiver. On nous apportait l’eau alors que les gens de l’administration en avait à volonté. »
Des fouilles archéologiques vont aussi être menées pour trouver l’emplacement du « cimetière oublié » du camp Saint-Maurice-l ’Ardoise (Marie Meunier / Objectif Gard)
Beaucoup d’archives ont été perdues, même brûlées lors du soulèvement du camp. L’Inrap va avoir pour objectif de repérer, attester la présence de sépultures ou de témoignages de tombes, et essayer de délimiter le périmètre du cimetière. À cause des conditions précaires, le camp a été marqué par des morts infantiles (rougeole, froid…). Au-delà du cadre de vie indigne et d’une éducation très limitée, cette communauté a eu des difficultés pour s’intégrer en France.
Abdel Aidoud, qui fait aujourd’hui partie de l’association Aracan (Association des rapatriés anciens combattants d’Afrique du Nord) et sa famille ne pouvaient partir, faute d’endroit où aller: « On nous a demandé de partir de chez nous en Algérie. On a tout laissé, nos meubles et même la nourriture en train d’être cuisinée. Mais on s’est toujours dit mieux vaut être ici à l’abri dans un camp protégé que le couteau sous le cou. »
La ministre déléguée espère que ce site mémoriel va aider à faire davantage connaître l’histoire des harkis. Une histoire qu’elle veut voir restituer sans fard. (Marie Meunier / Objectif Gard)
C’est tout un pan de l’histoire du territoire du Gard rhodanien qui réside dans ce lieu à cheval entre Laudun-l’Ardoise et Saint-Laurent-des-Arbres. Un pan encore trop méconnu comme l’a redit Jean-Christian Rey, président de l’Agglomération du Gard rhodanien : « C’est notre devoir de préserver cette mémoire importante. Peut-être encore plus aujourd’hui quand on voit les tentatives de réécrire l’histoire à sa façon. » En venant ce lundi sur ce camp, Geneviève Darrieussecq, marque le grand lancement de projet de mémorial harkis sur le camp Saint-Maurice-l ‘Ardoise. Un projet resté au stade de l’esquisse depuis des années et qui après les mots du président de la République en 2019 a redémarré.
Mr Jean-Christian Rey et Mr Ali Laidaoui président de l’association des Harkis du Sud Aracan.
Après un dépôt de gerbe devant la stèle, la ministre a assisté à la réunion du comité de pilotage puis a signé l’autorisation temporaire des terrains avec Jean-Christian Rey et le 1er Régiment étranger de génie (REG). Un grand pas dans l’avancée du projet. Reste maintenant à valider le cahier des charges, à trouver le cabinet qui accompagnera et aidera à dessiner les contours définitifs du mémorial. Même si on sait déjà que cela devrait être un projet d’une taille intermédiaire entre Rivesaltes et Ongles, avec une reconstitution de baraquement et un espace muséographique. Un comité scientifique va donner son avis à chaque avancée.
Si chacun est d’accord sur la nécessité de transmettre, de faire perdurer la mémoire des harkis, le sujet reste encore sensible. À plusieurs reprises, la ministre déléguée a été interpelée par des descendants de harkis, qui ont pour certains vécus aussi dans le camp de Saint-Maurice-l ‘Ardoise. L’un d’eux, Rahib Benahi, a insisté pour que le mémorial retrace seulement l’histoire des harkis « sans qu’elle soit associée, mélangée à celle de nos bourreaux «. Ce sera « l‘objectif premier de porter la mémoire des harkis » a assuré la ministre, qui n’est toutefois pas décisionnaire sur le sujet mais qui fait confiance au comité scientifique qui va travailler sur le contenu.
La visite ministérielle de ce lundi s’est conclue par la signature l’autorisation temporaires des terrains. Un premier pas foncier vers la réalisation du mémorial. (Marie Meunier / Objectif Gard)
Sa visite intervient aussi la veille d’un important vote au Sénat lié au projet de loi sur la reconnaissance par la patrie des harkis et autres personnes rapatriées d’Algérie et sur la réparation des préjudices qu’ils ont subi. « C’est un vote qui parachève un long travail, un parcours que nous avons mené pendant cinq ans sur les harkis, leur famille et leurs conditions d’accueil en France. Ce parcours se termine ce mardi. » Et d’ajouter : « Ils ont vécu quelque chose d’assez unique qui les a marqués dans leur chair et leur cœur et qui a laissé des cicatrices importantes. Je souhaitais vraiment que cette histoire soit connue. Le projet qui va être développé ici dans le Gard va participer à cette meilleure connaissance de la population, à dire cette histoire sans fard, sans cacher la vérité. »
Plusieurs harkis ont aussi évoqué la question de l’indemnisation. Le texte prévoit 2 000€ minimum puis 1 000€ par année passée dans les camps. Un montant dérisoire aux yeux de certains : « Il n’y aura jamais de somme qui arrivera à enrayer cette douleur. Nous allons essayer de simplifier les choses avec cette loi, sinon la réparation n’aura jamais lieu. » 50 000 personnes pourraient en bénéficier.
15/02/2022
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