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Comment Michel Talata, originaire de Dreux, crée une mémoire commune autour de l'histoire coloniale

La boîte symbolise la mémoire, sur le bord du chemin gît une couronne, un personnage aux mains démesuré semble être le gardien.... Document Talata Créations.

Le plasticien est l'auteur de " A la croisée des mémoires ". Un film d'animation très poétique et symbolique pour aborder la douloureuse question de la France en Algérie et des Harkis. Il poursuit son oeuvre de réconciliation.

Michel Talata est un enfant de Harki. Il a grandi à Dreux, il y travaille encore comme artiste plasticien. Il s'est penché sur l'histoire coloniale de la France, notamment en Algérie. Patiemment, il a accumulé des documents, des recherches, pour tenter d'aborder une page de l'histoire de France encore très douloureuses pour toutes les parties. Avec " A la croisée des mémoires ", il poursuit son travail de réconciliation. Il vient de présenter son court-métrage aux élèves de la classe média du collège Louis-Armand.

Quelle est l'origine de ce film ?

Le film fait suite à une commande de la préfecture. Il a été réalisé en septembre 2022 pour les 60 ans de la fin de la guerre d'Algérie et accompagnait une exposition sur l'arrivée des Harkis à Dreux montée par l'ONAC et la sous-préfecture.

Tout le film tourne autour de l'histoire de la colonisation qui croise celle de Dreux, expliquez-nous ?

Je me suis rendu compte que nous vivions à Dreux à côté de la chapelle royale. Un monument érigé par le dernier roi des Français, Louis Philippe, dont le gisant est d'ailleurs toujours dans cette nécropole des Orléans. Or, ce roi est celui qui a lancé la colonisation de l'Algérie en 1870.

De cette colonisation découle également l'histoire des Harkis. Il se trouve que de nombreuses familles de Harkis sont arrivées à Dreux, en 1964, suite aux accords d'Evian et à la fin de la guerre d'Algérie." Michel Talata 

C'est singulier que l'histoire de ce roi et celle de nos familles se rejoignent, ici, à Dreux. Je suis partie de cette coïncidence qui n'en est d'ailleurs pas forcément une pour bâtir ce film.

Vous avez choisi de faire un film d'animation. Mais, il est surtout très symbolique, voire ésotérique et poétique, pourquoi ce parti pris ?

L’idée est d’évoquer l’histoire coloniale de la France qui est encore un sujet très sensible, très douloureux pour toutes les parties : Les Algériens ont souffert de la colonisation. À l'indépendance, les pieds noirs ont dû tout quitter et notamment laisser leurs morts derrière eux, les Harkis ont été massacrés par leurs frères révolutionnaires puis ont souffert à leur arrivée en France qui n'était pas souhaitée.

Pour éviter les maladresses, les incompréhensions, j’ai choisi de traiter cette partie de l’histoire sous la forme d’un film d’animation très symbolique, très métaphorique. C’est une manière pour moi, mais aussi pour celui qui regarde le film, de prendre de la distance. L'art permet cela.

Derrière cette prise de distance, on sent la volonté de travailler à la réconciliation des mémoires.  Un sujet qui vous tient à cœur ?

Mon objectif depuis très longtemps est d’apporter ma pierre à la réconciliation des mémoires. C'est un chemin difficile qui demande un effort puisqu'il faut se mettre à la place de l'autre, comprendre ce qu'il a souffert, reconnaître ses propres fautes ou défaillances.

Être harki, être enfant de harki, c’est être entre deux camps. L’identité harkie émane de cette dualité. Cette caractéristique pousse à essayer de réconcilier les mémoires. "

Mais, ce film est une invitation à toutes les parties d'emprunter ce chemin, encore une fois difficile, mais indispensable si l'on veut bâtir une mémoire commune pour une société apaisée.

Quel destin souhaitez-vous pour ce film ?

Je ne suis pas pressé. Il a été montré en septembre 2022. Là, je le fais découvrir à des collégiens et j'en parle avec eux.

Je voudrais bien sûr qu'il soit vu, surtout qu'il suscite des échanges, un dialogue. Mais, il faut lui laisser du temps, qu'il suive un cheminement pas à pas comme celui que j'ai fait depuis que j'ai découvert le rôle de Louis Philippe il y a 15 ans jusqu'à la réalisation de ce film.

La rencontre avec les élèves. Après 30 minutes de film, les collégiens se lancent : d'abord des questions sur la politique coloniale de la France, la guerre d’Algérie, puis on passe à des questions plus personnelles : « Comment un plasticien décide-t-il de faire un film ? A-t-il vécu du racisme parce qu’il était fils de Harki ? »

Michel Talata avec délicatesse, mais sans détours, raconte comment « le silence des pères a été difficile à vivre pour les enfants de Harkis », comment « ces silences trop lourds ont conduit à la colère les adolescents », comment lui « qui s’appelait Ahmed à la maison était Michel à l’extérieur, et mes yeux verts qui m’ont épargné les insultes racistes, mais je les ai entendues pour d’autres ».

Il raconte aussi son arrivée aux Beaux-Arts « alors que je croyais que c’était un lieu inaccessible pour un enfant comme moi ». Il leur raconte son voyage presque initiatique en Algérie dans le village de sa famille.

Des histoires qui touchent les collégiens dont les identités sont multiples et qui construisent chaque jour une mémoire commune pour vivre ensemble dans leur classe.

19/05/2023

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