5 Septembre 2017
Dernière minute
Alice Zeniter petite-fille de harkis remporte
le prix des libraires de Nancy
L'Art de perdre, fresque historique sur les harkis
Le prix des libraires, parrainé par l'hebdomadaire Le Point, sera décerné à la romancière vendredi après-midi à l'occasion du Livre sur la Place de Nancy, première grande manifestation littéraire de la rentrée.
Une très bonne nouvelle pourAlice Zeniter et son éditeur : le prix des libraires de Nancy a prédit trois fois d'affilée le futur Goncourt. Cela a été le cas en 2013 avec Pierre Lemaitre pour "Au revoir là-haut" (Albin Michel), en 2014 avec Lydie Salvayre pour "Pas pleurer" (Seuil) et en 2015 avec Mathias Enard pour "Boussole" (Actes Sud).
L'an dernier, le prix avait récompensé Jean-Baptiste Del Amo pour "Règne animal" (Gallimard), récompensé ensuite par le prix du livre Inter (dont Alice Zeniter fut lauréate en 2013).
Un roman sur les non-dits de la guerre d'Algérie
Paru le 16 août et salué unanimement par la critique, "L'art de perdre" est un récit puissant sur les non-dits de la guerre d'Algérie qui raconte avec une rare empathie le destin d'une famille française dont le grand-père fut harki.
L'histoire est racontée du point de vue de Naïma, jeune française d'aujourd'hui, qui ignore tout ou presque du pays de son grand-père contraint à l'exil au moment de l'indépendance du pays.
Alice Zeniter, 31 ans, était en lice face à dix autres auteurs. Son roman figure dans plusieurs autres sélections littéraires dont le prix du journal "Le Monde" qui sera décerné mercredi.
05/09/2017
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Comment se définir quand on n'a pas de mots à mettre sur son passé ? C'est tout l'enjeu de ce roman dans lequel la trentenaire revient sur la guerre d'Algérie dans une France traversée par les questions identitaires. À travers le personnage de Naïma, dont le grand-père kabyle est mort avant qu'elle ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un « Harki », dont la grand-mère parle une langue inconnue, et dont le père, passé par les camps de transit français, ne veut pas parler du passé, la romancière nous emporte dans une vaste fresque qui nous questionne autant qu'elle nous instruit sur une France qui voudrait renvoyer chacun à ses origines. Écoutez-les donc, nos libraires enthousiastes :
« Dans L'Art de perdre, Alice Zeniter , à travers une brillante lecture historique, revient sur la guerre d'Algérie, l'indépendance et la fuite des Harkis. Entre les non-dits du père et le passé enfoui de sa famille, l'auteur nous emporte dans la quête de ses origines dans un récit saisissant qui nous questionne et nous instruit.»
Emma Navarro – Librairie l'Autre Rive
« Inspirée par sa propre histoire familiale et revisitant une nouvelle fois les bouleversements engendrés par la grande histoire sur le destin en l'occurrence d'une famille de Harkis, Alice Zeniter nous confirme d'œuvre en œuvre sa maîtrise romanesque et théâtrale dans L'Art de perdre. Naïma, jeune femme représentant la troisième génération, née en Normandie, essaie de comprendre d'où elle vient par sa famille kabyle. Mais son père Hamid ne veut pas remuer le passé de son enfance, de la trahison et de l'exil. Dès lors, l'Algérie est pour elle une terre fantasmée, avec une mémoire dépossédée. Alice Zeniter nous fait prendre conscience avec beaucoup d'acuité la double peine de la culpabilité et du rejet xénophobe depuis cinquante ans en France. Un roman ample et prenant avec des personnages aussi exacts que romanesques. »
Marc Didier, Librairie Didier
« Indéniablement, L'Art de perdre nous éclaire avec force sur la relation complexe que l'Algérie et la France ont depuis un siècle.
Des hommes et des femmes pris dans le tourbillon de l'Histoire, en quête d'identité et de liberté.
Un des romans les plus puissants de la rentrée sur un sujet sensible, à mettre entre toutes les mains ! »
Géraldine Petry – Hall du livre
« C'est une grande saga qui commence en Algérie au début des années 30 et qui nous dresse le portrait d'une famille kabyle sur plusieurs générations.
Une épopée familiale qui emporte le lecteur entre l'Algérie et la France. Un roman dense et remarquablement fluide, plein de sincérité que l'on prend à pleines mains pour ne pas le lâcher. »
Marie Nardin – La Taverne du livre
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Raconter les harkis sur trois générations : "L'Art de perdre", le quatrième roman d'Alice Zeniter , est ambitieux. Il est surtout absolument réussi. Coup de cœur.
"L'Algérie de papa est morte." C'est sur cette citation du général de Gaulle que s'ouvre le nouveau roman d'Alice Zeniter . A elle d'en vérifier la justesse sur trois générations. Fresque historique sur les harkis, avec en son centre un personnage de jeune femme moderne, signée par une normalienne d'à peine 30 ans : tous les signaux s'allument pour un livre à prix littéraire, ambitieux et sage, politique juste ce qu'il faut. Et on ne lui enlèvera pas ça : si le style pèche parfois par son côté scolaire, Alice Zeniter tient son sujet de bout en bout, avec un double talent pour garder l'œil sur l'Histoire qui avance et sur ses personnages dans la vérité de l'instant.
A l'origine, il y a Ali, fermier kabyle, qui revient de la Seconde Guerre mondiale plein de médailles. C'est lui, le harki originel qui se rend coupable de complicité à trop fréquenter les Français et le paiera en abandonnant ses oliviers pour s'exiler en France. Collabo, vraiment ? Alice Zeniter montre les minuscules rivalités de villages qui décident, presque par hasard, du destin politique de ces civils qui, d'une guerre à l'autre, se trouvent pris entre deux feux, sommés de choisir, toujours traîtres, toujours perdants. Vient ensuite son fils Hamid, ex-enfant chéri au pays tout à coup propulsé dans la boue du camp de Rivesaltes. Il est le premier à aller à l'école française tout en nourrissant une honte sociale et historique.
Cette mémoire algérienne que nous possédons sans vraiment la connaître. Sa fille, enfin, se prénomme Naïma, elle travaille dans une galerie d'art, couche avec des garçons et se réveille avec la gueule de bois. Elle ne s'était jamais penchée sur ses origines algériennes jusqu'à ce qu'une vague d'attentats lui rappelle avec force que malgré sa mère française, elle a une gueule d'Arabe.
Sous son beau titre, L'Art de perdre, s'assemble d'un coup avec la brutalité de l'évidence une myriade de détails épars de notre culture, de cette mémoire algérienne que nous possédons sans vraiment la connaître, et qui devient ici la nôtre, page après page, comme une histoire de famille qu'on se raconte enfin.
L'Art de perdre d'Alice Zeniter (Flammarion, 512 pages).
Par Marguerite Baux Le 03 septembre 2017
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