4 Octobre 2014
Après cinq ans d’enquête, Michel Messahel a écrit un ouvrage sur l’histoire de ses parents, Harkis, venus s’installer dans le Libournais (33) à la fin des années 60.
Michel Messahel, 46 ans, demeure toujours à Lussac (33).© Photo J.-C. G.
Ni larmes ni ressentiments. Simplement le récit d'une vie bouleversée, tellement banale et si extraordinaire, triste puis belle, celle d'un couple d'Algériens forcé de quitter sa terre par fidélité pour la France, celle d'Ali et Khédidja, débarqués dans le Libournais à la fin des années 60, condamnés ou presque à ne plus jamais fouler, de nouveau, leur sol natal. Le Lussacais Michel Messahel s'est replongé dans l'histoire parentale et en a tiré un ouvrage, dense et poignant, intitulé « Itinéraire d'un Harki, mon père » (1).
Cinq ans d'enquête, de rencontres et d'investigations lui ont été nécessaires pour reconstituer et raconter le parcours de ses parents, deux de ces Harkis auxquels la nation rend hommage demain.« Devoir de mémoire », livre le fiston de 46 ans, né à Libourne (33) en juin 1968. « J'ai voulu me mettre dans leur peau et raconter leur histoire, donner une voix à ces sans-voix, explique l'auteur. Les Harkis étaient illettrés pour la plupart. De mon côté, je m'interrogeais, j'avais besoin de savoir. Et j'avais envie de laisser une trace écrite. »D'une cinquantaine de pages destinées au cercle familial, l'enquête s'est muée en un véritable ouvrage de plus de 300 pages. Michel Messahel a interrogé ses parents bien sûr mais aussi des proches, des militaires. Le récit part de Borély-la-Sapie, petit village algérien puis vient la guerre et le départ vers la métropole.
Soit le FLN soit la France« Un beau jour, le pays a commencé à être secoué par des actes terroristes, raconte l'auteur. Mes parents ne pensaient pas que tout ça allait conduire à une guerre. Mon père s'est retrouvé face à une urgence, on ne leur laissait pas le choix. Soit ils allaient combattre avec le Front de libération nationale (FLN) soit avec la France. »Ce fut la France. Et puis seulement la France. Le camp de transit de Saint-Maurice-l'Ardoise puis la Dordogne, Saint-Seurin-sur-l'Isle et Lussac, enfin.
Le livre conte l'histoire de ce déracinement mais aussi celle d'une intégration : « Mes parents ont réussi à se reconstruire malgré l'exil, malgré une vie dans un pays dont ils ne maîtrisaient pas la langue. C'est une belle histoire malgré le drame. »Ni larmes ni ressentiments. Michel Messahel souligne « l'attachement aux valeurs républicaines » de ces parents et le bon accueil reçu à Lussac, « chaleureux et tolérant. » Selon lui, « s'il y a une leçon à tirer de cette histoire, c'est que c'est possible. Il faut arrêter de braquer les projecteurs sur ce qui va mal. » Pas une thérapie Demain, se tiendra la Journée nationale d'hommage aux Harkis. Pour la première fois depuis 2001, Ali Messahel, le papa héros, décédé il y a trois mois, n'y prendra pas part.
Un homme qui, depuis son départ de Borély-la-Sapie, dans les années 60, n'a jamais revu l'Algérie. Michel, son fils, lui non plus, n'a pas franchi la Méditerranée, « par respect pour mon père ».Il ne dit pas s'il y ira un jour. Reste qu'il a l'impression, avec son ouvrage, d'avoir accompli sa tâche. « Je me posais des questions, dit-il. Je ne dis pas que c'est une thérapie mais j'avais besoin de le faire. Aujourd'hui, je suis bien et j'ai le sentiment, à mon modeste niveau, d'avoir apporté ma pierre à l'édifice. » (1)
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« Itinéraire d'un Harki, mon père », aux éditions l'Harmattan, dans la collection Graveurs de mémoire. L'ouvrage est disponible dans de nombreuses librairies dont la Fnac ou Mollat. Prix : 36 euros. 354 pages.
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