6 Avril 2024
Charles Tamazount, président du Comité harkis et vérité et frère des quatre requérants. © Crédit photo : dr
Des enfants de harkis ont obtenu la condamnation de l’État par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour leurs conditions de vie, enfants, au camp de Bias (47). Leur frère Charles Tamazount s’en réjouit
Le président du Comité harkis et vérité a porté la requête d’Abdelkader, Zohra, Aïssa et Brahim, ses frères et sœurs qui ont grandi ou sont nés, comme lui en 1974, au camp de Bias. Pour ce juriste, une nouvelle ère vient de s’ouvrir.
En 2018, votre frère Kader obtenait du Conseil d’État la condamnation de l’État – c’était déjà une première – du fait des conditions dans lesquelles il a vécu de 1964 à 1975 au camp de Bias. Cela ne suffisait il pas ?
Non, car pour nous cette décision a fait œuvre de vérité. Elle a reconnu des faits graves pour la France mais elle n’a pas fait œuvre de justice. Elle a reconnu l’erreur de l’État mais, sur les réparations, les sommes étaient modiques, loin du réel droit de réparation.
Des harkis du camp de Bias, en février 1963. archives LUCIEN DELPORTE / SUD OUEST
Quel sens donnez-vous à l’arrêt rendu ce 4 avril par la Cour européenne des droits de l’homme ?
C’est un arrêt historique. Justice nous est rendue. C’est une injonction faite à la France de revoir intégralement son action de reconnaissance et de réparation du drame harki. On ne peut pas réparer avec des sommes modiques de telles atteintes aux droits de l’homme. La France a été condamnée en raison de la violation de l’article 3 qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. C’est très rare, c’est le plus grave pour un État démocratique. La France a été en dessous de tout.
Comment interpréter les dommages et intérêts (moins de 20 000 euros) que la France est condamnée à verser aux quatre requérants de votre famille ?
Cela ne concerne que la période allant de 1974 à 1975, car la France n’a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme qu’en 1974. La Cour ne peut pas être compétente sur la période antérieure. Dans l’arrêt, en revanche, elle donne des indications à la France : au minimum 4 000 euros par année de camp. On va maintenant solliciter l’État français pour obtenir des réparations sur l’intégralité de la période d’ouverture du camp.
Abdelkader Tamazount, sa requête en main, devant la cour européenne des droits de l’homme, le 17 mars 2019.dr
« La France est condamnée pour atteinte à la dignité de personnes. Rendez-vous compte… »
Votre combat n’est donc pas terminé…
Il va falloir une remise à plat. Un contentieux de masse va s’ouvrir. On va se rapprocher du gouvernement pour voir comment il entend traduire les injonctions faites par les juges strasbourgeois.
Pourquoi aucune action d’ampleur, réunissant d’autres associations, n’a-t-elle été envisagée ?
Mener des actions en justice est coûteux, difficile. La seule qui en avait les moyens, c’est le Comité harkis et vérité, association essentiellement composée d’avocats et de juristes. On a pu avancer avec efficacité. Et il reste encore une dizaine de requêtes qui vont être jugées, d’autres familles que l’on accompagne.
C’est un camouflet pour Emmanuel Macron et son « pardon ».
Mon frère Abdelkader parle d’une gifle mémorielle infligée par la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut aussi relever un point : c’est la première fois que cette facette de la fin de la guerre d’Algérie est jugée par des non-Français et des non-Algériens.
04/04/2024
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