27 Avril 2024
Après avoir attendu pendant 60 ans d’être officiellement reconnus comme victimes, les harkis doivent aujourd’hui patienter encore pour être indemnisés : les incompréhensibles lenteurs dans le traitement de leurs dossiers conduisent ayants droit et associations à l’exaspération.
AJIR pour les Harkis : Fatima Laouar est déléguée Grand Est de l’association Association Justice Information Réparation. Photo Fatima Laouar
Suite à un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme qui porte condamnation de la France dans le dossier Tamazount (4 avril 2024) , soulignant notamment que « les sommes allouées aux requérants sont modiques par comparaison avec ce qu’elle octroie généralement dans les affaires relatives à des conditions de détention indignes et déduit que ces sommes n’ont pas couvert les préjudices liés aux autres violations de la Convention. » La question de la reconnaissance et de l’indemnisation des harkis est de nouveau sur le devant de l’actualité.
Un front que connaît bien Fatima Laouar , présidente d’Association justice information réparation ( Ajir) pour les Harkis Moselle et déléguée Grand Est, celle-ci œuvrant au côté du président national du mouvement, Mohand Hamoumou, pour la défense des intérêts des harkis et de leurs ayants droit.
Lenteurs, erreurs
Car depuis la loi du 23 février 2022, si le principe de l’indemnisation des anciens supplétifs de l’armée française durant le conflit algérien est acté, ceux-ci ayant été reconnus comme victimes, les dossiers avancent beaucoup trop lentement, en Grand Est comme partout ailleurs en France : retards, erreurs, difficultés à joindre les organismes départementaux en charge de l’instruction des dossiers, les dysfonctionnements s’accumulent. De même, quelques « curiosités » sont pointées du doigt : par exemple le fait qu'une décision implicite de rejet intervient à l’expiration d’un délai de six mois alors que la règle générale est de deux mois. Ce qui ralentit les processus. « Au sein de l’ONaCVG, huit personnes sont en charge des dossiers et des recrutements sont en cours. Mais les choses ne progressent pas assez vite : sur 34 000 personnes éligibles environ, 15 456 dossiers ont été présentés à ce jour dont la grande majorité a reçu un avis favorable (13 683 dont 3 657 de la première génération et 10 026 de la seconde). Mais à ce rythme, il faudra encore quatre ans au moins pour épuiser l’ensemble. Or, les personnes concernées sont âgées, beaucoup sont malades. Surtout, nous ne comprenons pas pourquoi c’est si lent. C’est presque vexant, alors que la plupart des dossiers sont très simples : il n’y a que 792 cas qui font l’objet d’un recours actuellement », détaille encore Fatima Laouar , qui travaille sur ces cas particuliers avec les défenseurs des droits en Moselle, dans les Vosges et dans les départements alsaciens.
Courrier à Emmanuel Macron
Dans un courrier récent adressé à Emmanuel Macron, le président Hamoumou constate que « faute de moyens nous dit-on, les dossiers sont traités avec une lenteur exaspérante et des erreurs trop fréquentes. Les résultats de cette commission ne sont donc pas à la hauteur des attentes ». Cela, alors même précise encore Mohand Hamoumou que « L’arrêt récent de la CEDH, à la suite de la plainte de la famille Tamazount, rappelle clairement que la réparation proposée par la loi de 2022 n’est pas adaptée aux préjudices subis. » Et de rappeler : « Par ailleurs, quelles que soient les sommes allouées, certains préjudices sont irréparables au sens d’ineffaçables. Et à avoir trop attendu, la grande majorité des anciens harkis sont hélas partis sans avoir entendu votre demande de pardon ni avoir bénéficié de la loi de 2022. »
27/04/2024
- Abonnez-vous gratuitement -