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Guerre d’Algérie : dans l’Eure, un ancien Harki se bat pour la légion d’honneur

© DR Mohamed Flouhi, 86 ans, a combattu pour la France avant d'être incarcéré six ans dans l'Algérie indépendante. DR

Son enfance en Algérie, ce sont deux ou trois images d’Épinal – comme ramasser les olives en famille, surveiller les chèvres, travailler au champ – sur lesquelles Mohamed Flouhi, 86 ans, ne s’attarde pas vraiment. Au soir de sa vie, l’histoire qui compte ne commence pas dans les montagnes de la Grande Kabylie mais au sein de l’armée française, où il s’engage dès l’âge de 25 ans. Pour avoir combattu du côté de la France pendant la Guerre d’Algérie (1er novembre 1954 – 19 mars 1962), Mohamed Flouhi a fait six ans de prison et de travaux forcés dans les geôles du FLN (Front de libération nationale) de l’Algérie indépendante. Puis, après sa fuite hors du pays en 1968, une année de camp à Saint-Maurice-l’Ardoise, dans le Gard, où transitèrent près de 10 000 Harkis entre 1962 et 1976. « Les geôles du FLN et les camps français, c’était la prison dans les deux cas », tranche-t-il aujourd’hui, dans sa maison de Ménilles (Eure), lieu de résidence depuis plus de quarante ans de cet ancien employé de Renault.

Derrière les grillages, hommes, femmes, enfants et vieillards échappés d’Algérie vécurent dans les camps français dans des conditions carcérales, sans accès à l’extérieur. Toute cette souffrance et « rien en retour », estime le Normand, soixante ans après la fin de la Guerre d’Algérie. Depuis cinq ans, Mohamed Flouhi a néanmoins trouvé un moyen de se faire entendre. Aidé par des associations et appuyé par la députée de l’Eure, Séverine Gipson, l’ancien Harki convoite la plus haute distinction française : la Légion d’honneur. Elle lui a déjà été refusée par deux fois : « Au motif que je n’ai pas été blessé, c’est ce qu’on m’a expliqué dans un courrier. Pourtant, à la télé, je le vois : on la donne à des chanteurs qui n’ont souffert de rien du tout ! » Le courrier en question a depuis été jeté au feu par le nonagénaire en colère.

Et sa Croix de guerre a failli l’y suivre. Un refus qui attriste Fatima Besnaci-Lancou, historienne et fille de Harki : « Et je suis bien placée pour savoir ce qu’il a enduré, parce que j’ai rencontré Mohamed Flouhi dans le cadre de mes recherches. Il a quand même fait partie de ces engagés dans l’armée française abandonnés en Algérie, qui ont subi des tortures et qui, par pudeur, ne disent pas le quart de ce qu’ils ont vécu. » Selon l’historienne, ce sont surtout des représentants d’associations qui ont été promus par le passé, ou des figures sur le devant de la scène. Les autres se voient refuser la distinction, quand ils la demandent, et cela alimente aussi le sentiment de non-reconnaissance et d’injustice : « Certaines associations ont demandé par le passé à ce que la Légion d’honneur soit donnée à tous les Harkis encore vivants.

Moi je dis : pourquoi pas ? » Une manifestation à Évreux Le retraité fait partie de plusieurs collectifs, dont Générations harkis. En novembre dernier, Mohamed Djafour, président de l’association, ainsi qu’une dizaine d’autres membres de la communauté harkie, ont manifesté avec Mohamed Flouhi devant les bureaux à Évreux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) : « Mon père, aujourd’hui décédé, et Mohamed Flouhi étaient dans la même prison du FLN », raconte le militant. Combien vaut chaque année de souffrance donnée par ces Harkis ? Lui obtenir sa distinction est un devoir moral pour moi et s’il faut traverser la mer pour lui, je le ferai. » Un nouveau traitement de la demande serait en cours. « Si on obtient un autre refus, alors on reviendra manifester », indique Mohamed Djafour. À l’heure où des dédommagements financiers pour les Harkis sont en train d’être inscrits dans la loi, Mohamed Flouhi juge les années volées « inestimables ». Et l’idée d’une récompense symbolique pour demander pardon et « payer la dette » pas si folle que ça.

07/12/2021

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Dates des rassemblements, pour la Reconnaissance, la mémoire, et la culture.
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