16 Décembre 2021
La juridiction a demandé au gouvernement français, le 17 septembre, de soumettre ses observations avant le 12 janvier 2022 afin de répondre à des requêtes déposées par des fils de harkis.
La tombe d’un harki du camp de Bias, au cimetière municipal de Bias (Lot-et-Garonne), en septembre 2018. GEORGES GOBET / AFP
Après le pardon présidentiel et les débats parlementaires, voici venir le temps de la justice. Le 17 septembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a communiqué au gouvernement français une demande passée inaperçue, l’invitant à soumettre ses observations – avant le 12 janvier 2022 – afin qu’il puisse répondre à trois requêtes déposées par des fils de harkis, marquant ainsi le début d’une longue procédure.
Deux d’entre elles sont portées par Abdelkader et Aissa Tamazount, qui accusent l’Etat d’avoir violé six articles de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’ils ont vécu, de leur naissance à leur adolescence, derrière les barbelés du camp de Bias (Lot-et-Garonne), après la fin de la guerre d’Algérie (1962), pays que leurs parents ont fui pour avoir servi l’armée française.
Pour ces deux frères, âgés d’une cinquantaine d’années, la France a gravement manqué à ses devoirs en ne respectant pas leur droit à la vie, à leur intimité, en leur infligeant un traitement inhumain ou dégradant. Mais aussi en détournant le versement des allocations familiales de leurs parents pour faire fonctionner le camp, en leur interdisant l’accès à l’école de la République et, enfin, en les empêchant de tout procès équitable.
« Conditions de vie indignes »
Ces requêtes ont été déposées par leur petit frère, Charles Tamazount, né au camp de Bias en 1974. « Voir la CEDH s’emparer de la question des harkis, je trouve cela émouvant et grandiose », souligne-t-il. Depuis des années, ce redoutable juriste, président du Comité harkis et vérité, a une obsession : faire reconnaître le drame de ces combattants français devant les tribunaux et obtenir pour eux – et leurs enfants – une véritable réparation financière « à la hauteur des horreurs et des traumatismes vécus », insiste-t-il. Pour comprendre son action devant la CEDH, il faut revenir une décennie en arrière.
Face à la difficulté de faire reconnaître « l’abandon » des harkis par la France au lendemain de la fin de la guerre d’Algérie, et leur « accueil indigne » dans des camps ou des hameaux de forestage, Charles Tamazount décide, en 2011, de demander au tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) de condamner l’Etat à verser 1 million d’euros à son frère Abdelkader – qui réside dans ce département –, en réparation du préjudice subi durant son enfance passée dans les camps de transit. Trois ans plus tard, la cour rejette la requête. Même décision en 2017 devant la cour d’appel de Versailles.
Mais le 3 octobre 2018, Charles Tamazount obtient gain de cause auprès du Conseil d’Etat – dont le rapporteur était Arno Klarsfeld –, qui condamne l’Etat à verser 15 000 euros à son frère au titre des « préjudices matériels et moraux subis ». Dans un communiqué de presse, la plus haute juridiction administrative française avait estimé que « la responsabilité pour faute de l’Etat doit être engagée » pour « les conditions de vie indignes réservées aux familles de harkis dans les camps où elles ont été accueillies en France après l’indépendance de l’Algérie ».
15/12/2021
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