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« Une fondation pour les harkis permettra de connaître une histoire occultée en France, refoulée en Algérie »

Tribune de Mohand Hamoumou

Président de l’association AJIR (Association Justice Information Réparation pour les Harkis)

Mohand Hamoumou, président de l’association Ajir, qui représente des harkis et leurs descendants, se félicite de la volonté du gouvernement de créer une fondation pour la mémoire des harkis. Il esquisse les rôles que pourrait remplir cette fondation et applaudit le volontarisme d’Emmanuel Macron pour éclairer « les tabous de la guerre d’Algérie ».

Mohand Hamoumou, le 27/09/2023 à 17:00

Depuis 2001, chaque 25 septembre, la nation rend un hommage aux harkis, à leur courage, leur loyauté et leur dignité. L’État exprime sa compassion pour les épreuves endurées. La presse fissure la chape de plomb qui recouvre cette histoire tragique. Puis le silence retombe.

Mais depuis son élection, le président Macron s’est attaqué aux tabous de la guerre d’Algérie : vérité sur les affaires Audin et Boumendjel, commande d’un rapport à Benjamin Stora, « demande de pardon » aux harkis, rappel du drame du 5 juillet 1962, vote d’une loi reconnaissant l’abandon et l’accueil indigne réservé à ceux qui purent se réfugier en métropole, commission nationale de réparation.

Jamais un président n’était allé aussi vite et aussi loin sur ce champ mémoriel où un seul mot peut raviver des blessures. Il restait à pérenniser ce travail contre l’oubli par la création d’une fondation pour la mémoire des harkis. Ce 25 septembre, la secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire a annoncé le lancement d’une étude pour sa création. Elle répond à une demande ancienne de la fédération Ajir pour les harkis. Décision difficile, comme les précédentes, mais qui s’imposait.

La « rente mémorielle » algérienne

Difficile, d’où cette si longue attente, car même si l’Algérie répète régulièrement que les harkis sont un dossier franco-français, certains hésitaient face au risque d’irriter le pouvoir algérien pour qui la vérité historique sur les harkis va à l’encontre de sa « rente mémorielle ». Bercy avançait l’argument du coût, même s’il est infime par rapport à la dette morale du pays vis-à-vis des harkis. Une fondation est nécessaire pour faire connaître une histoire occultée en France, refoulée et falsifiée en Algérie.

Certes, depuis trente ans, l’histoire des harkis est mieux connue grâce à des livres et des documentaires, mais il reste beaucoup à faire, car les programmes scolaires lui consacrent très peu de temps. Cette fondation est donc une nécessité. C’est aussi une urgence. La majorité des anciens harkis sont hélas décédés. Les vivants sont très âgés. Il est urgent de recueillir leurs récits de vie pour constituer des archives orales indispensables pour de futurs travaux de recherche. Les mémoires individuelles ne sont pas une vérité indiscutable, mais elles apportent des visions précieuses que les historiens confrontent à d’autres sources.

Faire mieux connaître l’histoire

Cette fondation œuvrera à une meilleure connaissance de l’histoire des harkis, de la période coloniale dans laquelle elle s’enracine, des traumatismes et résiliences à la suite des déplacements forcés de populations. Elle évitera aux descendants d’être prisonniers d’une mémoire biaisée par l’incompréhension et la douleur dans lesquelles ont vécu leurs parents ou grands-parents. Cette fondation ne se résumera pas à un lieu mais se doit d’être une instance d’impulsion, de coordination et de facilitation de tous les projets allant dans le sens de sa mission. Elle proposera des partenariats avec la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et le mémorial du camp de Rivesaltes, car ces institutions remarquables seront complémentaires.

Quels en seraient les principaux champs d’intervention ? Rechercher, rassembler, conserver, mettre à disposition l’ensemble des archives concernant ces citoyens français à l’histoire singulière. Aujourd’hui les archives sont dispersées dans plusieurs ministères : défense, intérieur, affaires sociales, agriculture (l’ONF gérant les hameaux de forestage). Recueillir, enregistrer et conserver les témoignages de harkis et de leurs familles.

Appel aux mécènes

Rechercher et diffuser la vérité historique de la guerre d’Algérie notamment sur les harkis par l’accompagnement des travaux en faveur d’étudiants, de chercheurs, d’historiens en collaboration avec différents partenaires comme la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, le Mémorial du camp de Rivesaltes, le CDHA d’Aix, l’Onac, etc. Encourager la réalisation de mémoires et thèses universitaires, soutenir la publication de livres, coproduire des documentaires, des films, des expositions, organiser des colloques, lancer des projets culturels et artistiques. Intervenir en formation continue des enseignants, en accord avec l’éducation nationale, et participer à la formation d’intervenants bénévoles dans les collèges et lycées.

La fondation pourra aussi être un centre de ressources, un lieu de débats, d’information et de conseil. La reconnaissance d’utilité publique et une dotation en capital suffisante lui permettront d’agir. L’appel aux mécènes institutionnels et aux donateurs privés doit être lancé rapidement. Il n’y a aucun doute que la générosité sera au rendez-vous par gratitude à l’égard de celles et ceux qui ont servi la France au risque de leur vie et furent abandonnés. Il reste à souhaiter que cette fondation pour les harkis ne se fasse pas sans eux !

27/09/2023

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P
Boujour, oui surtout pas une fondation sans les harkis.
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