5 Janvier 2013
Rossella Spina, chercheuse Italienne, publie un livre sur le sujet des harkis, dont l’idée lui est venue quand elle étudiait à Tours.
En septembre 2001, Rossella Spina a 20 ans quand elle quitte sa Calabre natale pour venir étudier le français, à Tours, après avoir gagné une bourse Erasmus.
Fin octobre 2005, deux ados de Clichy-sous-Bois, Zyed et Bouna, meurent par électrocution en essayant d'échapper à un contrôle de police. Devenue prof d'Italien dans trois lycées tourangeaux, Rossella s'intéresse à l'affaire. De près. Elle s'interroge sur son traitement dans les médias et les révoltes de banlieues que ce fait divers suscite. Elle étudie les cultures du Maghreb, la guerre d'Algérie, les immigrés d'Afrique du Nord et les générations descendantes.
Au bar « Au temps des Rois », repère estudiantin du Vieux-Tours, Rossella entend parler pour la première fois des harkis. « Je ne connaissais même pas le nom » dit celle qui, après avoir rédigé un mémoire sur l'œuvre complète de Tahar Ben Jelloun, consacrera en 2010 une thèse de doctorat en sciences sociales — en français — à l'institut Maghreb-Europe de l'université Paris 8, intitulée Enfants de harkis et enfants d'émigrés : parcours croisés et identités à recoudre.
" On a supprimé ma bourse "
Parler des harkis, quand on est une jeune Italienne, et qu'on a tout découvert de leur existence — ou presque — dans les livres, relève de la gageure. Surtout pour un sujet toujours aussi sensible : « On a essayé de me dissuader de mener ce projet de recherches ; jusqu'à me supprimer ma bourse » sourit la jeune femme, âgée de 31 ans, qui vit aujourd'hui entre Paris et Rome.
Pour ce pavé de 400 pages, la jeune chercheuse italienne a sillonné la France, en quête de témoignages et de documents. Elle a croisé les destins de personnages publics comme Smaïn, Mehdi Charef, Leïla Sebbar, Fatima Besnaci-Lancou, Dalila Kerchouche, Zebda, Grand Corps Malade. Elle a aussi recueilli les confidences d'anonymes, enfants de la deuxième génération.
La thèse de sociologie est devenue un livre, dans lequel Rossella compare les parcours personnels et identitaires des descendants de migrants algériens des deux groupes. « Quand certains cachent encore qu'ils sont fils et filles de harkis, d'autres affichent avec fierté leur filiation avec les libérateurs de l'Algérie. Pourquoi ces " icissiens " comme dirait Jamel Debbouze, car nés ici, revendiquent-ils souvent une identité qui ne leur appartient pas ? Sans jugement de valeur, j'ai voulu comprendre pourquoi ce déficit de reconnaissance sociale frappait toujours les beurs et les enfants de harkis. Sarkozy avait promis qu'il allait reconnaître le massacre des harkis. Il ne l'a pas fait. Le président Hollande l'a promis à son tour. Osera-t-il enfin ? » s'interroge Rossella.
Une question demeure : pourquoi une jeune universitaire italienne s'est-elle intéressée à ce sujet qui lui était totalement étranger jusqu'à ce qu'elle découvre l'histoire du drame algérien ? Réponse : « Un jour au supermarché, à Tours, une caissière m'a tutoyé. En voyant ma carte d'identité italienne, elle s'est excusée. Elle m'avait prise pour une Arabe… »
Article Source : La nouvelle République.fr Pascal Landré
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l'Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins , et le site http://www.harkisdordogne.com/ Périgueux