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Festival de Couthures-sur-Garonne (47) : les femmes harkies, passeuses d’histoire

Une famille harkie dans les années 1960-1970 au camp de Bias (Lot-et-Garonne) © Crédit photo : Lucien Delporte, archives « Sud Ouest »

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Historienne des harkis, la Girondine Katia Khemache racontera au Festival de journalisme de Couthures-sur-Garonne (47) le rôle des femmes dans la transmission de la mémoire de cette communauté rapatriée d’Algérie

« Dans la transmission de la mémoire harkie, les femmes ont joué un rôle essentiel car la plupart des hommes sont restés mutiques. » Katia Khemache a choisi, pour sa deuxième participation au Festival de journalisme de Couthures (Lot-et-Garonne), de centrer son propos sur la place et le rôle des femmes (mères, veuves, filles) dans l’émergence du fait harki en France après la guerre d’Algérie et le déplacement de dizaines de milliers de ces supplétifs algériens (militaires et civils) et de leurs familles en France (1).

L’historienne Katia Khemache, en 2018, à la librairie Martin Delbert d’Agen à l’occasion de la sortie de son livre « Harkis un passé qui ne passe pas ». Thierry Breton/ « Sud Ouest »

Un sujet que cette fille de harkis, née en 1980 à Sainte-Foy-la-Grande (33), aborde en historienne. « Depuis mes études d’histoire, j’ai toujours voulu aborder la question dans une démarche scientifique, explique la jeune femme. Je n’ai jamais fait partie du monde associatif ni choisi de faire du militantisme, même si le choix de mon sujet de thèse rejoignait sans conteste une quête identitaire personnelle. » Avec l’empathie liée à son histoire familiale et la rigueur de la chercheuse, Katia Khemache a publié en 2018 un ouvrage remarqué sur l’émergence du fait harki (2).

L’émancipation des filles

Poursuivant le sillon creusé depuis son doctorat consacré à « la relation entre les pouvoirs publics français et la population harkie lot-et-garonnaise depuis 1962 », l’historienne vient de réaliser le documentaire « Harkies », avec la journaliste Dalila Kerchouche, née au camp de Bias et auteure d’un roman autobiographique qui a fait date, intitulé « Mon père ce harki ». Ce film, coproduit par France-3 et qui sera diffusé le 25 septembre prochain, s’appuie en partie sur des archives du camp lot-et-garonnais.

Une manifestation des familles harkies dans le camp de Bias en 1975. Lucien Delporte – Archives « Sud Ouest »

Doublement enfermées dans un pays qu’elles ne connaissaient pas et dans les limites d’un camp d’accueil, les femmes et veuves de harkis débarquées en 1962-1963 vécurent avec leurs enfants une vie difficile. « Je veux insister sur la spécificité de la parole de ces femmes pour la construction de la mémoire harkie, mais aussi de la trajectoire d’émancipation de leurs filles », avance Katia Khemache. Car si le combat revendicatif pour les droits des harkis, mené vigoureusement à partir des années 1980, a été une affaire d’hommes et de garçons, c’est par les femmes que s’est forgé le récit qui a soudé la communauté.

Pas de communauté séparée

Une famille harkie au camp de Bias (Lot-et-Garonne) dans les années 1960-1970 Lucien Delporte, archives « Sud Ouest »

Au demeurant, le groupe social des harkis ne s’érige pas en communauté séparée. « Les fils et filles de harkis sont conscients de leur identité mais pleinement rentrés dans la République française et si leur intégration peut encore être questionnée, c’est sur des critères économiques et sociaux », affirme l’historienne. Ce qui lui fait dire que le passé harki, avec sa dimension de déracinement tragique, finira pas passer : « Je ne sais pas dans quel délai, mais le moment viendra où cette histoire se fondra dans le roman historique national. »

En revanche, de l’autre côté de la Méditerranée, où l’Algérie célèbre les 60 ans de son indépendance, la page n’est pas tournée : « On continue d’y enseigner aux enfants algériens que harki égale traître, déplore Katia Khemache, car l’éducation est portée par un État qui puise toujours sa légitimité dans la guerre d’Algérie et éprouve toujours le besoin de mettre des antihéros en face de ses héros. » Mais si le discours officiel algérien reste inchangé, elle souligne que les harkis et harkies qui ont pu revisiter le pays ancestral y ont toujours été bien reçus.

2021, la demande de pardon

En France, la date du 20 septembre 2021 a marqué un tournant pour les harkis. Emmanuel Macron a prononcé ce jour-là une demande officielle de pardon. « Les paroles du président de la République étaient très attendues et ont été très bien accueillies par la communauté », note Katia Khemache, même si ce geste présidentiel n’a pas réglé, tant s’en faut, les questions liées à la réparation des préjudices endurés par des gens qui s’étaient battus aux côtés de la France et ne reçurent pas la reconnaissance que devait leur valoir ce combat.

Mais au-delà des considérations matérielles et d’un combat juridique qui se poursuit, l’historienne se félicite que la multiplication des témoignages des descendants de harkis – particulièrement des femmes – ait édifié, pierre à pierre, un récit historique qui permet de « sortir du silence » une population qui souffrait du rejet de sa société d’origine, et n’avait pas trouvé le soutien suffisant dans sa société d’accueil.

(1) Vendredi 15 juillet à 11 h 30, « Harkis, les femmes sortent de l’ombre », apéro « Sud Ouest » animé par Coralie Morin.

(2) « Harkis, un passé qui ne passe pas » (Éditions Cairn).

08/07/2022

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Dates des rassemblements, pour la Reconnaissance, la mémoire, et la culture.
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J
Le documentaire " Harkies "va certainement me rappeler bien que je l'ai peu connue le souvenir de Fatima. .Encore enfant en 1962 elle s'adressait à moi à nous pour nous dire qu'il fallait se surpasser lorsque l'on est tristes. Elle était toujours positive et souriait beaucoup. Dans le village d'Issigeac qui avait accueilli sa famille : son père, ses enfants elle décida d'inviter le plus grand nombre pour un méchoui mémorable. 60 ans plus tard je faisais la connaissance de sa petite fille à qui j'ai relaté ce souvenir. Emue aux larmes j'ai essayé de la réconforter. Nous nous sommes promis de nous revoir pour partager un moment. Il y a environ deux mois après aussi 60 ans j'ai retrouvé mon Ami Saïd et là c'est exceptionnel, nous allons faire un grand chemin ensemble oui peut-être jusqu'à la Kabylie mais aussi ici. Nous nous apprécions beaucoup.
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