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L’amère patrie des harkis à Mas-Thibert (13)

Ce village de Camargue fut le refuge, après 1962, de milliers de harkis parvenus à fuir l’Algérie. Pendant soixante ans, ils furent confrontés au mépris et à l’ingratitude de la France. Aujourd’hui, un projet de loi prévoyant une réparation financière représente pour eux un début de considération.

Un poisson tatoué nage entre les rides, le long de la main gauche d’Abdelkader Aliaoui. Dessiné à l’encre bleue, il est surmonté d’un mot, inscrit en lettres capitales : « LIBERTÉ ». « Le poisson, il est libre d’aller où il veut, d’un côté ou de l’autre de la mer. » Né en 1931 en Algérie, le vieil homme s’est assis, chèche noué sur le haut du crâne, à une table d’Ô Bistrot, l’unique café-épicerie de Mas-Thibert.

Situé à quinze minutes au sud du centre-ville d’Arles, le village de près de 2 000 habitants est rattaché administrativement à la sous-préfecture des Bouches-du-Rhône, plus vaste commune en métropole. Dans toute la région, le lieu est connu pour être « le village des harkis ». Ancien soldat d’origine algérienne ayant combattu dans l’armée française de 1956 à 1962, Abdelkader Aliaoui explique, pouce vers le haut : « Toute la vie ça a été la démerde, mais Mas-Thibert, c’est comme ça. »

Soixante ans ont passé depuis la fin de la guerre d’Algérie. Le 25 janvier, le Sénat a adopté à l’unanimité, en première lecture, le projet de loi portant « reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie (…) et réparation des préjudices subis par ceux‑ci et leurs familles ». Si le texte est voté, l’Etat indemnisera les personnes ayant séjourné dans des camps de transit et des hameaux forestiers (construits pour employer les harkis à des travaux de reboisement), entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975. Deux mille euros pour un séjour de moins de trois mois, 3 000 pour plus de trois mois, augmentés de 1 000 euros par année supplémentaire.

Entassés dans des baraquements sordides

Combien percevra le brigadier-chef Aliaoui, débarqué du jour au lendemain en France avec femmes (il en a épousé deux) et enfants, pour éviter d’être assassiné par le pouvoir algérien comme plusieurs dizaines de milliers de harkis ? Il est conduit d’abord dans le camp de Rivesaltes, près de Perpignan, qui servit à enfermer des réfugiés espagnols puis des juifs sous Vichy, déportés ensuite à Auschwitz.

« Venez en Provence, à la limite de la Camargue et de la plaine de la Crau, il y a un endroit qui ressemble à chez vous. »

Les harkis y sont parqués dans des conditions indignes, entassés dans des baraquements sordides entourés de fils barbelés. Une prison sans toilettes, sans douches, sans eau courante. Rien n’a été prévu pour eux au printemps 1962, quand l’Algérie accède à l’indépendance. Les autorités françaises ont abandonné ces soldats à leur sort tragique. Mais, selon les historiens, entre 80 000 et 90 000 d’entre eux ont réussi, comme Abdelkader Aliaoui, à gagner la France. Souvent, ils ont été aidés par des officiers qui refusaient de les laisser derrière eux, malgré l’indifférence des autorités.

05/02/2022

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Dates des rassemblements, pour la Reconnaissance, la mémoire, et la culture.
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A
Les conditons d'accueil furent détestables : cela demeure une tâche indélébile sur celui qui présidait notre pays. Dans le même moment un homme exceptionnel se dévouait totalement à la cause des harkis au mas Thibert et son nom n'est curieusement pas cité dans cet article du Monde, c'était le bachaga Boualem. J'en témoigne, car travaillant dans la région, j'ai eu pnusieurs fois l'occasion de constater que dans l'adversité, les harkis pouvaient donner à beaucoup des exemples de courage peu communs!
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