21 Novembre 2019
- Mise à jour le vendredi 22 Novembre 2019 à 13 h 15'
avec extrait vidéo de Arte -
- Article complet à jour -
Présentation du hors-série du pays d'art et d'histoire en collaboration avec la revue Ancrage "grand Villeneuvois, carrefour de souffrances et d'espoir" Joël Combres, Marie-Christine Gourgues et Charline Gazeau- Julien Pellicier ( Musée de Gajac)
Samedi 23 Novembre 2019
17 h 30
à Sainte-Livrade-sur-Lot (47)
L’Utopie programme « Résistantes », samedi. La projection du film, qui parle de femmes proches du FLN, est perçue comme une provocation. Chahut à prévoir.
« Est-ce qu’un harki aurait le droit d’aller tourner un documentaire en Algérie ? » André Asni est en colère et multiplie les arguments pour tenter de justifier l’action – injustifiable – que des membres de la communauté harkie entendent mener au cinéma l’Utopie de Sainte-Livrade.
Les AOC (Apéros d’Origine Contrôlée) de l’Égalité, organisés par l’Association du Lien Interculturel Familial et Social (Alifs), basée à Bordeaux, prévoient samedi, à 17 h 30 (1),
une projection du documentaire « Résistantes », de Fatima Sissani. Un film qui présente le regard croisé de trois femmes engagées aux côtés du FLN sur la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne. « Des résistantes ? Ça dépend de quel côté on se place. Pour nous, ce sont des terroristes », enrage le président de l’association Les Harkis et leurs amis qui voit dans cette programmation, « en plein fief harki », une insulte ou une provocation.
Lui n’a pas vu le film, sorti en mars dernier, qui traite d’un pan de l’histoire de la Guerre d’Algérie et dont la projection est un préalable au débat. Et tant pis si cette journée est organisée avec l’aide de la revue « Ancrage », qui entretient « la mémoire des métissages du Sud-Ouest » et a, dans ce cadre, souvent donné la parole à la communauté harkie.
Menaces de censure ?
« Ils veulent le diffuser ? Ils peuvent. Mais à leurs risques et périls »
André Asni, connu pour user d’une totale liberté d’expression, entend ne pas l’accorder pleinement, même s’il s’en défend, à ceux qui veulent témoigner d’un autre point de vue : « On ne va rien interdire. Nous sommes dans un pays de droit… Le film sera projeté mais chahuté. On va payer notre place, entrer… Ils veulent le diffuser ? Ils peuvent. Mais à leurs risques et périls. »
À l’extérieur, il promet des banderoles, voire des drapeaux algériens brûlés. « Ça va être chaud », jure-t-il. Directeur de la publication d’« Ancrage », Joël Combres a « essayé de lui expliquer les choses pendant deux heures ». En vain, semble-t-il. Il connaît bien le personnage, depuis longtemps, et ne pense pas être en mesure de le changer : « André Asni fait beaucoup de ramdam. Il m’a dit qu’il voulait venir avec une étoile jaune sur son blouson… »
Pour ce premier AOC de l’Égalité décentralisé, le magazine s’est engagé auprès de l’Alifs, organisatrice, à « accueillir samedi matin au Café de Sainte-Livrade une délégation de militants qui viennent de Bordeaux afin de leur expliquer le contexte et leur montrer le camp de Bias ». « Ancrage » assistera ensuite à la projection, renvoyant les opposants à leurs responsabilités.
« Boaza Gasmi, qui est un peu l’autorité de la communauté, sera là, reprend Joël Combres. Je lui ai détaillé les fondements de l’AOC et la démarche apaisante qui est celle de l’association. Quant au film, il ne s’agit pas d’un film anti-harkis mais d’un film sur les femmes engagées dans les combats en Algérie. C’est une manifestation propice pour mettre en avant un certain nombre de sujets, ça peut être une bonne tribune pour les femmes harkies. C’est dommage car, là, cela dessert leur cause. On espère que l’on pourra quand même débattre. »
Suspicion permanente
Le président du Comité National de Liaison des Harkis (CLNH) semble y être décidé. Un peu apaisé par les explications reçues de l’Alifs (lire ci-contre) mais toujours sur la défensive : « On aurait dû être contacté en amont pour comprendre, pour éviter tout ça. On ne connaissait pas le contenu du film, on aurait pu tout imaginer… » Boaza Gasmi ne s’en cache pas : « J’ai prévenu les autorités et dit au responsable du cinéma que sa salle allait brûler si les harkis étaient insultés. »
Le maire et « les RG » ont aussi été informés des vives tensions entourant cette projection. « Venir ici chez nous, en France, à 5 km du camp, on l’a pris pour une provocation. Imaginez que je fasse un film sur les massacres du FLN et que j’aille le présenter sans rien dire à personne en Algérie… »
Rassuré par l’association, Boaza Gasmi reste tout de même en alerte et sera présent sur place, samedi. « Si ça parle juste du rôle des femmes pendant la guerre d’Algérie, il n’y a pas de problèmes pour le débat. Ça peut même faire naître un dialogue. Si ce n’est pas le cas, si les harkis sont insultés, ça va s’enflammer. »
Près de soixante ans après les faits, défiance et méfiance sont toujours de mise. Une suspicion permanente qui n’empêchera pas ce dernier, ainsi qu’André Asni sans doute, de faire visiter le camp samedi matin…
(1) À 17 h 30, projection du film « Résistantes ». Tarif : 5 euros. Renseignements au 05 53 40 27 83. À 18 h 30, débat animé par Patrick Figeac avec Fatima Sissani, la réalisatrice et en présence de Chama Messaoudi, éleveuse berbère réfugiée en France en 1968, la directrice du CCAS de Marmande et l’ancienne députée PS de Lot-et-Garonne, Lucette Lousteau, qui est née à Oran.
Anne-Cécile Gordard coordonne ces AOC, « des manifestations culturelles et citoyennes qui rassemblent quelque 60 partenaires en Nouvelle-Aquitaine qui ont tous envie de questionner la bonne mise en œuvre des valeurs de la République, à commencer par l’égalité ». L’objectif du rendez-vous de samedi est comme toujours de « déclencher la discussion en se basant sur un support artistique et en veillant à croiser les regards ». La parole, donc, sera libre. Il s’agira de « mettre en lumière le parcours de femmes qui, dans le contexte de la Guerre d’Algérie, ont décidé de s’engager, parfois de mettre leur vie en danger. C’est un détour par le passé qui permet de parler aussi de ce qu’il se passe aujourd’hui en Algérie, où la révolution du sourire doit beaucoup aux femmes.» La discussion, elle en est consciente, se déroulera « sur un territoire chargé d’histoire ». L’intervention de représentants de la communauté harkie y est donc naturelle.« Avec “Ancrage”, nous nous sommes dit qu’il aurait fallu associer dès le départ les personnes concernées, regrette Anne-Cécile Godard. Mais ce sera peut-être le début de quelque chose à venir, à une nouvelle proposition qui associera tout le monde bien avant, dès le départ.»
21/11/2019
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