2 Mai 2024
Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire. © Crédit photo : archives Bertrand Guay / AFP
Le gouvernement revoit sa copie et s’aligne sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a condamné l’État français. Les harkis des camps de Bias et de Saint-Maurice-l’Ardoise (Gard) sont concernés
Les indemnités versées aux harkis qui ont séjourné dans les camps de Bias (Lot-et-Garonne) et de Saint-Maurice-l’Ardoise (Gard) seront nettement revalorisées, a annoncé, à « Sud-Ouest », Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire. Le gouvernement a pris cette décision à la suite de la condamnation de l’État français par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui avait été saisie par Abdelkader, Zohra, Aïssa et Brahim Tamazount, des anciens pensionnaires du camp de Bias.
La juridiction européenne, comme l’avait jugé le Conseil d’État français en 2018, a estimé à son tour que les conditions de vie des harkis dans les camps d’accueil ouverts dès la fin du conflit en 1962 n’étaient « pas compatibles avec le respect de la dignité humaine ». Et la CEDH de considérer que « les montants accordés par les juridictions internes en l’espèce ne constituent pas une réparation adéquate et suffisante pour redresser les violations constatées ». Allusion au régime indemnitaire créé par la loi du 23 février 2022 et la volonté d’Emmanuel Macron qui a en 2021, au nom de l’État français, demandé pardon aux harkis.
Cette loi avait été jugée par certains membres de la communauté harki comme « un pas historique ». Insuffisant pour d’autres. « Elle a reconnu l’erreur de l’État mais, sur les réparations, les sommes étaient modiques, loin du réel droit de réparation », avait confié à « Sud-Ouest » Charles Tamazount, président du Comité harkis et vérité, et frère des quatre requérants devant la CEDH. Cette dernière, dans son arrêt, a accordé au minimum 4 000 euros par année de camp, mais s’est limitée à la période 1974-1975 (la France n’a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme qu’en 1974). Or, la loi du 23 février 2022 fixe une somme de 1 000 euros par année de camp, auxquels vient s’ajouter un montant forfaitaire oscillant, selon le temps passé dans ces structures, entre 2 000 et 3 000 euros.
Premiers versements en 2025
Autrement dit, les harkis qui ont séjourné au moins quatre-vingt-dix jours dans un camp ou un hameau de forestage peuvent espérer une indemnité allant de 2 000 à 17 000 euros, pour ceux qui y ont vécu plusieurs années. Après l’arrêt de la CEDH, et pour couper court au contentieux de masse dans lequel, à raison, les harkis se seraient engouffrés, le gouvernement français a décidé de s’aligner sur cet arrêt et d’aller même un peu plus loin. « Nous allons ajouter 3 000 euros d’indemnité par année de camp, confirme Patricia Mirallès. Mais nous ouvrons cette indemnisation à l’ensemble de la période, de 1962 à 1975. Tous les dossiers qui ont été déjà traités seront repris, avec les premiers versements espérés en février 2025 », précise la ministre.
« Notre volonté est d’apaiser les mémoires. La France a reconnu ses erreurs et elle s’emploie à les réparer »
Une restriction pourrait toutefois susciter débat : seuls les camps de Bias et de Saint-Maurice-l’Ardoise sont concernés. Les hameaux de forestage sont exclus du dispositif. « Dans les camps concernés, les gens étaient privés de leurs droits. Ce n’était pas le cas ailleurs. » Patricia Mirallès rappelle enfin qu’« aucun gouvernement n’était allé aussi loin » dans la réparation faite aux harkis. « Notre volonté est d’apaiser les mémoires. La France a reconnu ses erreurs et elle s’emploie à les réparer. »
02/05/2024
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