6 Mai 2024
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Qui n’a pas entendu parler de la présence des harkis de 1964 à 1971 qui ont résidé à Is-sur-Tille en Côte-d’Or, à quelques encablures de la Haute-Marne ? Mais qui sont les harkis ? Et connaît-on vraiment leur histoire, eux qui se sont battus aux côtés des Français lors de la guerre d’Algérie et de leur hameau aujourd’hui disparu ? Récit de leur histoire pas si lointaine.
Certains harkis de cet ancien hameau et en particulier la famille Benredjem se souviennent « Nous étions des militaires servant au sein de la 8e compagnie nomade, une harka. Nous étions 30 000 en 1959. Nous avons joué un rôle important comme auxiliaires des troupes françaises en Algérie de 1954 à 1962. Un grand nombre fut massacré après l’indépendance, quelques milliers se réfugièrent en France. Nous sommes arrivés en France en 1962 après un séjour dans un camp à Rivesaltes, et c’est une quinzaine de familles qui arrivèrent d’abord à Is-sur-Tille en 1964 pour y rester jusqu’en 1971 », explique Saci Benredjem très ému.
« Il faut savoir qu’en 1962, les accords d’Evian mettent fin au conflit en Algérie. La puissance coloniale, c’est-à-dire la France reconnaît l’indépendance du pays qu’elle a occupé depuis 1830 et nous sommes arrivés en France en 1962, et aujourd’hui j’ai vraiment envie de dire “La France à jamais !” », ajoute Hamida Benredjem.
La ville d’Is-sur-Tille (ainsi que Vanvey et Baigneux-les-Juifs, en Côte-d’Or également) sera alors plus concernée qu’elle ne l’imagine par la cessation officielle des hostilités, car elle va accueillir sur son territoire un hameau de harkis, des Algériens qui avaient pris le parti de la France plutôt que celui de la lutte armée pour arracher l’indépendance. Leur pays une fois libéré de la tutelle coloniale, confrontés à l’esprit de vengeance de leurs compatriotes, ils n’avaient pas d’autres choix que de partir. La France avait alors l’obligation morale de les faire venir sur son sol et de les aider à trouver une place dans ce pays qu’ils ne connaissaient pas où ils devront apprendre la langue, assimiler sa culture, etc.
Une nouvelle vie commence
En tout sept maisons basses et longues, fabriquées en bois, avaient été construites pour recevoir les familles de harkis à Is-sur-Tille sur le coteau du Bas du Meulay. Le centre du village et ses commerces se trouvaient non loin et la ville était située au cœur d’un pays de forêts. Elle était capable d’absorber une main-d’œuvre sans qualification et a paru être un site adapté pour l’implantation de cette population déracinée.
Il restait à l’administration à procéder à l’installation de quelques familles mais sans froisser les sensibilités locales, sans forcer la main des élus municipaux. Un terrain communal fut loué au service départemental pour ces rapatriés qui se trouvait à l’emplacement actuel des établissements des transports Cordier. Les harkis auront la mission de travailler dans 8 ha de forêt à des tâches de reboisement et d’entretien d’exploitation des bois entre autres sous la responsabilité de l’administration des Eaux et Forêts.
Une page se tourne
En 1971 ce fut le démantèlement des habitations. A savoir qu’en 1968, un total de 86 personnes habitait au hameau. Mais, c’est dès 1966 que la liquidation du hameau des harkis était envisagée. Un sursis leur sera cependant accordé grâce à une initiative d’un ingénieur du génie rural des Eaux et Forêts. Ce cadre de l’ONF indiquait qu’il avait suffisamment de travail d’entretien et d’équipement dans les forêts domaniales pour occuper le groupe d’Is-sur-Tille pendant au moins cinq ans, faisant part de la difficulté à recruter de la main-d’œuvre forestière. Leur plein-emploi garanti pour quelques années, les harkis d’Is-sur-Tille purent prolonger leur séjour.
Cependant, peu à peu les familles choisirent de partir pour se fixer dans les environs. La commune d’Is-sur-Tille reprit possession de son terrain. Ainsi, s’acheva une période d’adaptation pour une population fragile qui sut gagner son autonomie pendant toutes ces années passées dans ce hameau forestier.
Ce n’était certes pas la fin des problèmes pour ces familles qui estimèrent souvent insuffisante l’aide accordée par l’Etat. La voix des anciens harkis se fait toujours entendre aujourd’hui grâce à leur association des anciens harkis de Côte-d’Or créée en 2002. Son double objectif est de développer l’entre aide et la solidarité parmi ses adhérents, dont de nombreux membres de la famille Benredjem (Saci Benredjem, François Benredjem, Hamida Benredjem, Rémy Benredjem entre autres) et de les représenter et défendre leur cause auprès des pouvoirs publics, car à la première génération d’anciens harkis a succédé celle de leurs enfants.
De nombreux hommages à Is-sur-Tille
Si le hameau a complètement disparu depuis bien longtemps, les harkis sont mis à l’honneur régulièrement. Par exemple le 23 septembre 2023 pour le 60e anniversaire de leur arrivée en Côte-d’Or, une cérémonie commémorative a été réalisée, place Jean-Durant, à Is-sur-Tille.
Un panneau d’informations et d’hommages évoquant la création de hameaux de forestages accueillant les harkis en Côte-d’Or, et notamment à Is-sur-Tille, a été inauguré. En décembre 2023, l’association des anciens harkis de Côte-d’Or a remporté le trophée de la citoyenneté du Conseil départemental. « C’est pour nous une fierté et une reconnaissance », a confié Rémy Benredjem.
Le panneau représentant là où était le hameau des harkis issois.
Tout dernièrement, un autre évènement commémoratif exceptionnel a eu lieu le 30 mars 2024 avec le baptême d’un chemin appelé “ Chemin des Harkis soldats de France ”, juste à côté de l’endroit où avait été construit l’ancien hameau forestier d’Is-sur-tille (1964-1971), mais également l’inauguration d’un panneau indiquant l’emplacement de l’ancien hameau forestier d’Is-sur-tille (1964-1971) suivi de la plantation symbolique d’un chêne du midi.
Le petit panneau avec la plantation de l’arbre du midi.
Lors de la plantation de l’arbre symbolique.
Guerfi Messaioud et Saci Benredjem, lors de l’inauguration de panneaux d’information lors du 60e anniversaire de l’arrivée des harkis au Hameau issois.
En 1970, quelques hommes du hameau des harkis. (Photo association des anciens harkis de Côte-d’Or).
Des maisons en bois avaient été installées sur le coteau du Bas du Meulay à Is-sur-Tille. (Photo association des anciens harkis de Côte-d’Or).
05/05/2024
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