20 Avril 2015
Valeurs d'avenir. Guillaume Bernard est maître de conférences HDR à l’Institut catholique d’études supérieures. Pour lui, « les circonstances de l'indépendance des départements d'Algérie expliquent pourquoi, sans vérité historique, la page ne peut être tournée ».
Il n’est pas question de revenir ici sur les espoirs déçus qui accompagnèrent le retour de Charles de Gaulle au pouvoir, en 1958, ni de disserter sur sa possible connivence avec les auteurs du coup de force du 13 mai. Pas plus que de rappeler que l’antigaullisme de 1962 n’eut rien de commun avec celui exprimé vingt ans plus tôt, tant cela serait injuste pour un homme comme Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la Résistance, contraint à l’exil de 1962 à 1968 pour avoir été un activiste de l’Algérie française.
La conquête des territoires qui devinrent l’Algérie commença en 1830. Des départements furent créés par la IIIe République, en 1881, et leur statut fut revu, en 1947, par la IVe. Ainsi, les métropolitains s’y établirent-ils avec la conviction d’être en France et non dans une colonie. L’installation de notre pays outre-Méditerranée, au XIXe siècle, put être interprétée comme la réintégration en Occident d’une terre ayant appartenu à l’Empire romain.
Et ce, bien avant que les populations qui y dominent aujourd’hui n’y vinssent, à partir du VIIe siècle. Quant à leur présence en Afrique du Nord, les Occidentaux ont l’antériorité vis-à-vis des Arabes.
La rébellion éclata en 1954. De Gaulle défendit d’abord l’Algérie française, puis changea radicalement de position. Le 8 janvier 1961, un référendum fut organisé pour obtenir l’aval des Français quant au principe de l’autodétermination des départements d’Algérie. Le oui l’emporta avec 75 % des suffrages exprimés. Cette consultation annonçait l’acceptation gouvernementale de l’abandon de l’Algérie, puisque le principe de l’autodétermination était déjà inscrit dans la Constitution et n’avait nullement besoin d’être établi.
Le pouvoir négocia avec le FLN, de mai 1961 à mars 1962 ; cela donna les accords d’Évian. Cependant, même couramment employé, le terme d’“accords” est juridiquement impropre : il ne s’agissait pas d’un engagement international (les indépendantistes n’exerçant pas l’effectivité du pouvoir sur le territoire appelé à quitter l’ensemble national), mais d’une déclaration unilatérale du gouvernement français, qui fut d’ailleurs le seul à la signer.
Un second référendum fut alors tenu, le 8 avril 1962, pour l’approuver ou la rejeter : il y eut 91 % de oui parmi les exprimés. Or, ce scrutin porta atteinte tant à l’ordre constitutionnel (l’article 53) que législatif (la loi référendaire de janvier 1961), qui prévoyaient la consultation des populations concernées par un transfert de souveraineté sur un territoire.
En effet, le référendum d’avril 1962 fut organisé en métropole et en outre-mer, mais pas dans les départements d’Afrique du Nord. Affirmer que l’autodétermination fut organisée le 1er juillet 1962 n’est pas soutenable, car le référendum d’avril avait déjà scellé l’avenir de l’Algérie.
La déclaration du 19 mars ne se contentait pas d’envisager l’indépendance mais la prévoyait explicitement : « La formation, à l’issue de l’autodétermination d’un État indépendant et souverain paraissant conforme aux réalités algériennes […], le gouvernement français estime avec le FLN que la solution de l’indépendance de l’Algérie […] est celle qui correspond à cette situation. »
Par conséquent, exclure la population d’Algérie du référendum d’avril 1962, c’était l’empêcher de se prononcer sur la question du maintien dans la République. Tenu dans un climat de terreur, le scrutin du 1er juillet fut une mascarade, la décision de donner l’indépendance à l’Algérie ayant été déjà prise par d’autres que les personnes concernées. Les pieds-noirs et les harkis ne purent alors choisir que “la valise ou le cercueil”.
14/04/2015
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