8 Mars 2017
Ahmed Alexandre Dakiche sur le site où il a passé sa jeune... Photo P.C.
Les terrains situés aux Bouillides ont été vendus à un promoteur immobilier. Ahmed Dakiche souhaite que l'histoire de ce site fasse partie de celle de la cité
De l'ancien camp de harkis qui a perduré jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, à l'entrée de Sophia Antipolis, il ne reste plus qu'une vaste friche en restanques où des vestiges d'escaliers mènent à quelques dalles défoncées. Seule trace d'une occupation humaine : un alignement d'eucalyptus géants et des arbres fruitiers qui font de la résistance entre les mimosas endémiques. Le lieu sert aussi de décharge sauvage pour ferrailles, gravats et déchets divers.
Pour Ahmed Alexandre Dakiche qui a passé sur ce site vingt ans de sa vie, la vision est insupportable. « Je me permets d'attirer votre attention [...] sur l'état d'abandon où se trouve l'ancien hameau forestage des harkis aux Bouillides. Plusieurs familles y ont séjourné durant des décennies avant d'en être expulsées [...] Ce lieu devrait être comme tant d'autres un lieu en hommage avec une stèle permettant à tous un recueillement » a-t-il écrit, photos à l'appui, début janvier à la mairie.
À travers la réponse de la première adjointe, Martine Bonneau qui précise que les familles n'ont pas été « expulsées » mais « relogées » à Garbejaïre, au Haut-Sartoux ou à l'Étoile du Sud, il a appris que la commune n'était plus propriétaire de ces terrains. Ils ont été vendus pour y faire des logements et des bureaux selon une décision entérinée par le conseil municipal de juin dernier.
DES SOUVENIRS INTACTS
Pour Ahmed Alexandre Dakiche cela a été un coup dur. Mais aussi une nouvelle occasion de se faire entendre car il y a désormais urgence.
« Ce que je souhaite, nous a-t-il expliqué lors d'une rencontre sur place, ce n'est pas la préservation de ce site qui a abrité des années de souffrance de mes parents et de la trentaine de familles qui y ont vécu à partir des années soixante-dix, mais que cette histoire fasse partie de celle de la commune. Que ceux qui passent devant en allant travailler à Sophia Antipolis sachent qu'ici il y a eu de la vie avant la création de la technopole!»
Lui-même, né en 1962, avec la fin de la guerre d'Algérie et l'exil forcé de ses parents, y est arrivé à l'âge de 11 ans après une décennie passée dans divers camps comme Rivesaltes ou Saint-André-des-Alpes.
Ses souvenirs de gamin sont intacts : les baraques, en dur ou en contreplaqué, mal isolées, le brasero allumé l'hiver à l'arrêt de bus pour se réchauffer, le camion épicerie qui ravitaillait le camp situé alors en pleine nature, les explosions de dynamite lors de la construction de Sophia Antipolis...
S'il reconnaît que la commune a fait « ce qu'il fallait » pour ces familles y compris la création du mémorial des combattants d'Afrique-du-Nord au Collet-d'Arbousson, Ahmed Alexandre Dakiche aimerait qu'aujourd'hui elle fasse un pas de plus. « Je crains que la troisième génération, celle de nos enfants, ne cache à son tour une souffrance si on la prive de son histoire », confie ce père de famille consultant en insertion sociale et professionnelle.
Une histoire qui s'écrit dans les cicatrices de ces restanques, certes en friche mais préservées à ce jour, dont les pelleteuses pourraient bien prochainement effacer définitivement la trace...
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