4 Octobre 2018
K.D. Bouneb : Docteur en Anthropologie, Psychanalyste et auteur notamment du "*Délit de faciès", en compagnie du général Meyer
Ces derniers temps, on a fait un grand tapage médiatique autour de l'attribution d'une vingtaine de décorations (ordre du mérite et légion d'honneur) et de 40 millions d'euros en direction des harkis. N'est-ce pas un peu tard ? La plupart des harkis ne sont plus de ce monde et les aînés de la seconde génération sont souvent retraités. Les harkis se disputent beaucoup à propos de la réparation légitime que la France leur doit. Certains veulent une réparation matérielle importante (de l'argent), d'autres veulent des médailles, il y en a qui veulent de l'argent et des médailles.
L'argent
Beaucoup ont réussi leur vie par leur acharnement dans le travail, mais ce n'est pas le cas de tous. Un effort est à faire envers les plus modestes (1° et 2° génération) et ceux dans le besoin (retraite insuffisante, problèmes de santé, de logement, jeunes en difficultés).
Il s'agit d'une réparation matérielle, légitimement dû aux harkis et à ceux qui ont vécu dans les camps.
Les médailles
Les médailles ont leur importance, c'est une reconnaissance et une réparation symbolique. D'autres les dédaignent, il y en a même qui ont demandé à rendre les médailles à l'époque où ils n'étaient pas décorés...
La légion d'honneur et l'ordre du mérite sont décernés par l'état français au nom de la République.
L'argent et les médailles
Et pourquoi pas les deux ? Après tout les harkis ont suffisamment subi des humiliations et des difficultés de vie. Plusieurs lois de réparation matérielle n'ont pas atteint leurs objectifs. Au delà des mesures sociales, il y a aussi des mesures politiques, comme par exemple la reconnaissance par le président de la république des tortures sur Maurice Audin. De même, le président de la république peut faire la même chose pour les harkis suite à leur désarmement et le massacre de certains en 1962. Une fois les mémoiresapaisées, rien n'empêche de continuer à entretenir la mémoire et la vie continue…
Ni l’argent, ni les médailles ne suffisent à effacer les souffrances subies, je pense à certains patients, certains compagnons d'infortune. Le but est de trouver sa place dans la société française, d'être acteur et pas seulement spectateur de sa propre vie. Nos parents ont combattu le FLN et pas leur pays d'origine l'Algérie. Nous ne devons pas rester des éternels colonisés, par exemple, lors d'un récent colloque à Ongles (04), un modérateur a empêché certains harkis de parler avec une élue de la nation…
Une introspection, un travail sur soi, un travail de groupe, des échanges culturels, des visites des lieux de mémoires (maison de la mémoire harkie àOngles, la seule en France), un investissement dans la vie associative, tout cela peut aider les harkis à dépasser leur ressentiment.
Cependant, ni l'argent, ni les médailles ne sont plus importants que des relations apaisées entre la France et l'Algérie. En effet, près de 60 ans après la fin de la guerre d'Algérie, il est grand temps que la France et l'Algérie reconnaissent les souffrances réciproques des uns et des autres. En attendant une réconciliation générale, les deux pays doivent absolument se projeter dans l'avenir et reconnaître mutuellement leurs erreurs. Les harkisont définitivement perdu l'Algérie et ils n'ont pas gagné la France.
Par exemple les rencontres organisées par les harkis aux Iles de Lérins (06) en hommage à l'émir Abdelkader (héros symbolique), sur les tombes musulmanes entretenues par les anciens harkis forestiers, sont une manière de se ressourcer et de se réapproprier son identité et son histoire. L'avenir des harkis est en France, mais leurs ancêtres sont en Algérie. Pour avancer dans la vie c'est très difficile de marcher sur un seul pied.
D'autres pays ont eu plus de courage. Ils ont attendu beaucoup moins longtemps pour établir des relations normales et pour dépasser des horreurs plus graves que la guerre d'Algérie.
Le chanteur français le plus connu dans le monde, Charles Aznavour était "cent pour cent français et cent pour cent arménien". Est-ce un exemple pour les harkis (cent pour cent français et cent pour cent algérien) ?
K.D. Bouneb
Pour information cliquez sur le *livre "Délit de faciès"
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La légion d'honneur, qu’est-ce que c’est ? en 10 questions
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