27 Juillet 2019
- Mise à jour le 27/07/2019 à 15 h oo -
« Je vis vraiment une aventure superbe », confie Fairouz Nouari. photo T. D.
Le premier roman de cette éducatrice spécialisée, traitant du destin de sa grand-mère sur les chemins de l’exil, a su convaincre un éditeur d’orchestrer une sortie nationale.
Quand elle était petite fille, Fairouz Nouari recevait parfois un livre pour cadeau de la part de son père. Avec cette phrase pour l’accompagner : « Un livre, c’est une liberté que l’on s’achète. » Elle en sourit encore. « Je faisais souvent la tête car, évidemment, j’aurais préféré avoir des jouets ».
Aujourd’hui, la trentenaire, devenue éducatrice spécialisée en protection de l’enfance, a compris le message, et a même franchi une barrière suprême : celle d’être publiée. Le 13 juin, son livre intitulé « Exilés d’une autre France » (1) a reçu l’honneur d’une sortie nationale orchestrée par la maison d’édition Balland.
« Jamais je n’aurais imaginé ça de toute ma vie. C’est fou parfois les limites que l’on se fixe de manière plus ou moins inconsciente… Mon livre a plu très vite à cet éditeur sur lequel beaucoup se cassent les dents pendant de longues années. »
Besoin de distance
Ce premier ouvrage, écrit en 2018, est un roman très largement inspiré par le parcours de vie de sa grand-mère maternelle, décédée en 2007, 45 ans après être arrivée sur le territoire français.
« Je lui donne le prénom de Nedjma (qui signifie étoile en arabe) par pudeur pour ma famille et pour prendre un peu de distance car sinon, ça aurait été sans doute un petit peu trop fort émotionnellement. »
Elle a aussi pris soin de ne pas mettre en avant ce destin de famille harkie pour insister sur le terme d’exilés, « beaucoup plus rassembleur, dit-elle. J’ai d’ailleurs beaucoup de retours de familles Pieds-noirs mais aussi des communautés espagnole ou portugaise, de ces gens qui ont dû fuir leur pays. On oublie trop souvent qu’une personne, avant d’être immigrée, a été émigrée. Avec ce que ça peut impliquer en difficultés. »
"Au fond, c’est un livre de bons sentiments, sur la mémoire, sur l’amour d’une mère"
Pour rendre compte du destin de Nedjma et de son mari combattant, Fairouz s’est aussi largement documentée sur le quotidien « très dur » dans les trois camps de harkis dans lesquels sa grand-mère a vécu, le dernier a été celui de Bias.
« Au fond, c’est un livre de bons sentiments, sur la mémoire, sur l’amour d’une mère, sur la confiance en soi et la valorisation qu’elle a reçue étant jeune, durant les premières années pendant lesquelles elle était bergère. Car je suis bien placée pour savoir, avec les enfants, l’importance de la confiance pour se construire correctement. En cela, c’est aussi un roman pédagogique, sur l’ouverture d’esprit qu’on se doit d’avoir face à ces gens qui fuient leur pays ».
Un deuxième en cours
Fière des premiers retours, l’auteure fait de grands yeux en évoquant les premières ruptures de stock chez Amazon et l’écho positif venu des collégiens de Crochepierre où elle a travaillé. « Le téléphone arabe joue son rôle… Je suis aussi de Villeneuve et assez connue, forcément, dans le milieu social et éducatif. Beaucoup me disent leur émotion. Je vis vraiment une aventure superbe. »
À tel point qu’elle est en train d’en écrire un second, traitant cette fois du destin, là aussi très riche en sentiments et péripéties, d’un jeune bénéficiant de la protection de l’enfance. « Selon mon éditeur, on n’écrit jamais aussi bien que lorsqu’on maîtrise des sujets, qu’on les ressent. Je mets donc en pratique ce conseil. »
09/07/2019
(1) Aux éditions Balland, 147 pages, 13 euros.
À l’école, l’histoire des Harkis est survolée. Alors, adolescente, j’essayais de comprendre cette grand-mère autrement qu’avec les mots. Je l’ai longtemps observée, regardée, imaginée, et j’ai pu attraper au vol, des mots, des phrases, des proverbes, puis j'ai tenté de tisser le fil de son histoire.
Ce récit veut faire connaître cette période où des gens qui se sont battus pour la patrie, auxquels on a promis un avenir meilleur, qui ont cru et fait confiance, se sont retrouvés dans ces camps, à la périphérie des villes, jusqu’en 1975. Tout au long de leur existence, ils ont conservé ce goût si particulier que l’on éprouve lorsque l’on croque dans un fruit amer, cette déception que ma grand-mère a tenté de ne jamais transmettre à la génération qui l’a suivie.
Je me sens garante d’une histoire qui doit se raconter, se savoir, afin qu’elle serve de réflexion pour l’avenir.
Parmi mes missions professionnelles, je suis amenée à m’occuper de jeunes issus d’autres camps, dans d’autres contextes. Cette histoire personnelle d'exil et de rejet éclaire les migrations d'aujourd'hui d'une manière toute particulière.
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