Commémoration de l'Abandon des Harkis à Jouques (13)

- Commémoration du 12 mai 1962 Dimanche 12 mai 2024.

En ce 12 mai 2024, les associations Mémoire du Camp du Logis d'Anne, représentée par M. Kamel SADJI, et "Terre du Soleil" de Pertuis, dirigée par M.Mehabdi BENCHERKI, ont organisé une cérémonie commémorative au Mémorial National des Harkis à Jouques (13).

Cette commémoration, en hommage à la guerre d'Algérie, a débuté par l’intervention du maître de cérémonie annonçant le début de la commémoration et le déroulé de la cérémonie. M. SADJI a ensuite pris la parole devant une trentaine de personnes, principalement issues de la communauté, en présence de deux porte-drapeaux, dit « Mechmech» et M. Amar NAHAL, président de l’Association des Rapatriés Anciens Combattants d’Afrique du Nord (ARACAN) de Manosque.

Monsieur Kamel SADJI a débuté le discours de la commémoration en invitant l’assemblée à entendre deux télégrammes datés de 1962 en provenance de France et arrivant à Alger. Il en a été fait lecture des télégrammes datant du 12 mai 1962 de Pierre Messmer, alors ministre des Armées, et du 16 mai 1962 de Louis Joxe, Ministre d'Etat et des Affaires Algériennes.

La poursuite du discours met en lumière les événements tragiques vécus par les Harkis et leurs familles lors de l'indépendance de l'Algérie. Le texte rappelle le contexte des accords d'Evian, du cessez-le-feu et du désarmement des Harkis aux mains de l'armée française, suivi par l'abandon de ces alliés sur ordre de Paris, entraînant leur massacre en masse par l'ennemi.

Ce discours souligne les souffrances endurées par les Harkis et leurs descendants, leur marginalisation en France et les conditions inhumaines dans lesquelles ils ont dû vivre. Il met en avant la nécessité de construire la mémoire des Harkis, de transmettre leur histoire sans oublier leurs souffrances, mais en cherchant à avancer et à vivre avec détermination et espoir.

M. Kamel SADJI insiste sur la résilience des Harkis, les encourageant à transformer leurs traumatismes en force pour construire un avenir meilleur. Il évoque la création d'un Conservatoire national de la mémoire des Harkis, un projet scientifique et culturel visant à préserver et promouvoir la mémoire de cette communauté. Ainsi, le discours appelle à l'unité, à la solidarité et à la fraternité, soulignant que la France doit continuer de se référer à ses valeurs de liberté, égalité et fraternité pour construire une société plus juste et inclusive.

Le président de l'Association Mémoire du Logis d'Anne exprime sa gratitude envers les associations et les participants présents, encourageant la transmission de cette mémoire aux générations futures avec espoir et engagement. Après le discours, les co-organisateurs ont déposé une gerbe devant le Mémorial et en mémoire des victimes, ils ont invité l'assemblée à observer une minute de silence. Nous avons clôturé la cérémonie par un verre de l’amitié offert par les organisateurs.

Et, nous avons poursuivi notre rencontre par un pique-nique convivial pour in fine échanger sur l’actualité politique et judiciaire concernant le volet indemnisation de la communauté. Tout cela s’est d déroulé dans une ambiance de recueillement et de cohésion.

DISCOURS DU 12 MAI 2024 CELEBRATION COMMEMORATION 12 MAI 1962 AU LOGIS D’ANNE (JOUQUES-13)

Chers compatriotes, Chères sœurs et chers frères Il y a exactement 62 ans, le 12 mai 1962, deux télégrammes arrivaient à Alger en provenance de France. L'un était signés de Pierre Messmer, ministre des Armées et l'autre de Louis JOXE, Ministre d’État des affaires algériennes. Pour nous, Harkis, filles et fils de Harkis, ces messages des Ministres symbolisent le choix d'abandon des Harkis par la France. Je vous invite à les entendre. [Faire lire les deux extraits des deux télégrammes].

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Deux mois avant ce télégramme, les accords d'Evian prévoient un cessez-le-feu qui est entré en vigueur le 19 mars 1962. Puis il y a eu le référendum sur l'auto-détermination de l'Algérie. La Métropole a entériné le processus d'Evian avec 90 % de « Oui ». Quand les « télégrammes de l'abandon » arrivent, le 12 mai 1962, Paris croit au cessez-le-feu. L'indépendance de l'Algérie est un événement programmé.

L'armée, organise le rapatriement et les évacuations vers la métropole. Paris a fixé une procédure administrative pour contrôler les candidats au voyage. Mais, sur le terrain, les situations d'urgence se succèdent et il faut sauver des vies. Les officiers doivent pouvoir prendre des mesures adaptées. Mais depuis Paris, Pierre Messmer et Louis JOXE ordonnent de laisser les Harkis sur place. Ce qui revient à les abandonner à leur sort, à la merci de l'ennemi. Ceux qui n'obéiraient pas s'exposent à des sanctions. Dans les faits, certains militaires suivent le protocole officiel alors que d'autres prendront des initiatives personnelles. Dans un comme dans l'autre, le dénouement fut dramatique.

Les Harkis abandonnés seront massacrés en masse, par famille, par quartier, par villages entiers. Pourtant les accords d'Evian stipulaient que nul ne doit être inquiété, poursuivi ou sanctionné en raison de son action durant « les événements politiques survenus en Algérie avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu ». Les Harkis qui échappent à la mort sont mal reçus en France. Nous avons été parqués et à la marge de la société dans des conditions inhumaines. Des enfants naissent et grandissent dans ces conditions indignes ; des conditions paradoxales parce qu'il s'agit de la France, il s'agit d'un des pays les plus riches et les plus puissants de la planète.

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Beaucoup de Harkis ont déjà disparu. Beaucoup d'enfants de Harkis ont perdu la vie trop tôt. Nous, les survivants, gardons des blessures collectives et des blessures individuelles qui se manifestent souvent après le camp. L’insertion scolaire ou professionnelle, exige l'adoption de codes sociaux. Pour tous, il a fallu une volonté supplémentaire dans l'espoir de réduire les retards accumulés dans les premières phases de nos vies. Je ne vais pas dresser la liste des griefs et des souffrances causées aux Harkis. Non ! L’heure n’est plus à la victimisation. L’heure n’est plus aux inculpations ni aux accusations.

La génération actuelle, notre génération, doit mener un travail de mémoire indispensable. Notre génération doit œuvrer à la construction du patrimoine ; un patrimoine mémoriel avec ses dates, autour de ses symboles. Nous devons identifier nos figures, nos espaces avec nos arguments jusqu'à installer notre patrimoine, à sa place, dans l'histoire de France. Nous avons le devoir d'ouvrir cette mémoire des harkis à l'ensemble des mémoires meurtries. En peu de mots, la mémoire des harkis est à construire. Le monument aux pieds duquel nous sommes ici réunis, est une preuve matérielle qui va au-delà du symbole. Ce mémorial n'est pas tombé du ciel, il est l’œuvre de nos aînés qui se sont réunis, se sont organisés pour travailler ensemble et nous offrir ce cadeau mémoriel. Hommage soit rendu à leur esprit d'initiative et leur persévérance dans l'action. C'est dans leurs pas que nous avançons.

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Cet exemple nous enseigne que la mémoire n'est pas une génération spontanée. La mémoire des Harkis ne se constituera pas toute seule. Elle a besoins d'idées. Elle a besoin d'ambitions pour voir le jour. Il faut ensuite des personnes pour passer des idées aux projets. Et il faut enfin des personnes pour porter les projets et trouver le moyen de les réaliser. Aujourd'hui, 62 ans après la guerre d'Algérie, nous commémorons la mémoire de tous les harkis abandonnés et leurs familles. Nous nous joignons à leur peine, à leur perte et prions le Tout puissant pour que leurs âmes reposent en paix.

Nous continuerons de commémorer le 12 mai 1962 pour résister à l'oubli et afin que plus jamais cela ne se produise en France. En ce jour de deuil, où nous pleurons nos morts, nous célébrons aussi les militaires qui ont pris des d'initiatives personnelles. Ils sont les braves qui ont honoré la France en sa fraternité citoyenne. Ils ont aussi honoré le drapeau dans sa fraternité d'armes. Grâce à eux des milliers de vies humaines ont été sauvées. Honneur et gloire à eux qui ont changé nos destins ; nous leurs seront reconnaissants à jamais.

Aujourd'hui, 62 ans après ces événements, le combat des harkis est loin d'être terminé. Nous savons que rien ne peut réparer certaines blessures du passé. Nous savons donc qu'il faut avancer et continuer de vivre avec détermination et dans l'espérance. Cela nous est possible par le pouvoir de résilience si cher à Boris Cyrulnik. La résilience, cette capacité humaine à transcender les traumatismes, est un long chemin. Un chemin individuel, un chemin collectif mais un chemin douloureux que nous devons parcourir afin de transmettre notre mémoire, sans transmettre nos souffrances.

En tant que Harkis, un collectif de citoyens, une mémoire apaisée est le plus beau cadeau que notre génération puisse offrir à nos enfants. Une mémoire sereine et documentée, inscrite dans l'histoire de France avec ses traits spécifiques, et surtout l’étendu de sa complexité. C'est pourquoi, depuis huit ans, l'Association mémoire du camp du Logis d'Anne se consacre à la mémoire des Harkis. Pour nous, cette question est la priorité de nos urgences. La mémoire est précisément une responsabilité qui incombe aux générations actuelles de Harkis. Nos générations de harkis et d'enfants de harkis ont connu la vie dans les camps. Nous avons connu la génération des parents, les harkis. Aujourd'hui, devenus adultes, nous avons le temps d'en parler, d'en témoigner avec un regard riche de nos expériences diverses. C'est une responsabilité individuelle et une responsabilité collective que nous portons devant l'histoire de harkis et devant l'histoire de France dans l'intérêt des jeunes générations.

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Au cœur de son action, Mémoire du camp du logis d'Anne a placé le projet de Conservatoire national de la mémoire des Harkis. Nous avons rêvé ce projet comme un lieu de mémoire vivante. Avec des expositions, des colloques, des conférences, des séminaires, des concerts, du théâtre, de la danse, des équipes de chercheurs capables de produire du savoir sur les harkis et sur l'ensemble des mémoires meurtries. Et, bien entendu, le Conservatoire prévoit des programmes d'accueil de groupes scolaires et d’un tourisme de mémoire. Le Conservatoire des Harkis est un projet inédit. Il est à la fois scientifique et culturel.

Il est tourné vers l'information du grand public. Il est aussi tourné vers la production de savoirs sur les Harkis dans leur mémoire comme dans leur actualité. Ces ambitions du Conservatoire continuent de surprendre nos interlocuteurs y compris certains acteurs associatifs harkis. Je tiens à remercier les responsables associatifs qui nous ont fait confiance et qui se tiennent à nos côtés chaque fois que nous les sollicitons. Leur clairvoyance nous encourage beaucoup dans nos missions. Certains sont ici présents. Au niveau national, ils sont au nombre de 80 associations dont 24 sont de notre région.

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Pour nous, Mémoire du Logis d'Anne, la mort de harkis n'est pas la disparition de nos anciens. La mort de harkis commence par la corruption de leur mémoire. Pour nous la mort des Harkis est possible par le silence de leurs descendants. Et la mort des harkis aura lieu quand il sera devenu impossible de transmettre notre patrimoine mémoriel aux nouvelles générations. Telle est notre approche de la question mémorielle.

C'est elle qui guide nos actions. Collecter la mémoire des harkis, la protéger et la promouvoir, tel est le combat que nous menons avec la même énergie que d’autres associations se battent pour l'intégration sociale ou la réparation. Les occasions sont rares pour se retrouver et partager des moments. Je suis donc heureux de votre présence ici et je tiens à vous encourager et vous remercier de votre présence. Je tiens surtout à vous inciter à partager ces moments avec vos enfants, et les enfants de vos enfants.

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Chers amis, les dates de commémorations des harkis sont nombreuses et cela est plutôt heureux. Chaque commémoration est une occasion de rappel de situations historiques où les harkis sont concernés, souvent en collaboration avec d'autres acteurs de la guerre d'Algérie. En ce 12 mai 2024, où nous commémorons le 12 mai 1962, il me plaît de dire que la France a beaucoup changé mais sa devise n'a pas changé. Notre pays se réfère toujours à ses rêves de liberté, d'égalité et de fraternité. La liberté pour chacun et l'égalité de tous ne sont pas conciliables sans un bon niveau de fraternité. Il y a 62 ans, en Algérie comme aujourd'hui en France, la fraternité se pose à nous comme un défi essentiel.

La fraternité appelle à la solidarité, la fraternité appelle au rassemblement et à l'union des cœurs et des pensées. Aujourd'hui plus qu'hier nous avons besoin d’une fraternité active, une fraternité nationale et une fraternité constructive. Chers amis, il nous plaît en tant que président de la Mémoire du logis d'Anne, en ce 12 mai 2024, de commémorer le 12 mai 1962 sous le sceau de la fraternité de nos pères, cette fraternité dont nos enfants ont aujourd'hui faim, la fraternité humaine, la fraternité universelle que les pères fondateurs ont qualifié de « fraternité républicaine ». Pour la mémoire des victimes, nous vous invitions à vous joindre à nous pour observer une minute de silence. Nous vous remercions de votre attention

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