Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

« Je m’y suis mariée, mes cinq enfants y sont nés » : un camp de harkis va être reconnu dans les Yvelines

 Cette légitimation ouvre la porte à des indemnisations pour ceux qui ont vécu sur place. Pour le moment, le cas de la ville de Buchelay est le seul dans le département.

Buchelay (Yvelines). Aujourd'hui rasé, le camp des Chaumines a accueilli des centaines de personnes jusqu'en 1984. DR

L’un des rares camps de harkis d’Île-de-France est en passe d’être officiellement reconnu. L’État devrait publier dans les prochaines semaines un décret admettant l’existence du camp de transit de Buchelay, près de Mantes-la-Jolie (Yvelines). Ouvert de 1968 à 1984, le centre des Chaumines a accueilli des centaines de personnes fuyant l’Algérie à la fin de la guerre (1954-1962). Ce serait, pour le moment, le seul des Yvelines à en faire l’objet.

Constitué de 23 maisonnettes accueillant chacune deux à trois familles, ce « hameau » a été construit sur les hauteurs de la commune, en bordure de forêt. Il n’a de transit que le nom, certaines fratries y ayant vécu de nombreuses années. « Jusqu’à trois générations s’y sont croisées », rapporte Marie Gougache, vice-présidente de la section Île-de-France de l’association Ajir pour les harkis, à l’origine de la « découverte » du camp il y a presque deux ans. Des couples s’y sont formés, des enfants y sont nés.

Un quasi-bidonville aujourd’hui disparu

Avec ce décret, il s’agit, pour le gouvernement, de reconnaître les manquements de l’État dans l’accueil des « Français musulmans ». Alors qu’ils avaient choisi de se battre au côté de la puissance coloniale, ils ont échoué, à leur arrivée en France, dans des bidonvilles. Les conditions de vie étaient rudes. Et les bâtiments, censés abriter des rapatriés de manière provisoire, n’offraient que peu de confort.

« J’y suis arrivée à 14 ans, témoigne Nadia, une ancienne résidante. Je me souviens des cafards, des cabanons, de l’humidité, du froid. Nous faisions nos besoins sous la maison. Nous étions complètement abandonnés. Pourtant, c’est là que je me suis mariée, que mes cinq enfants sont nés. Ma jeunesse, mon adolescence, une partie de ma vie sont intimement liées à ce camp. »

Il faudra au préalable démontrer y avoir vécu, grâce à des attestations de présence émises par les autorités de l’époque ou des documents notifiant l’adresse du centre des Chaumines. Puis déposer une demande sur le site national des combattants et des victimes de guerre.

L’adoption de ce décret devrait aussi réconcilier Buchelay avec sa mémoire collective. Ce grand village a longtemps jeté un voile pudique sur cette partie de l’histoire locale. Il a fallu toute la ténacité d’Ajir et l’attention du maire, Stéphane Tremblay (sans étiquette), pour la mettre au jour.

« Une vingtaine de familles issues des Chaumines vivent encore dans notre commune, confie l’élu. Ce camp fait partie de notre histoire, même si c’est un sujet assez méconnu. Moi-même, quand j’étais au collège, des camarades de classe en étaient issus. Pour toutes ces personnes, cette officialisation, c’est la reconnaissance d’une appartenance à quelque chose. J’ai remué ciel et terre pour la faire aboutir. »

Le sujet reste sensible, même localement

Mais la « réconciliation » est encore loin, tant la souffrance des anciens résidents reste vive. Nadia explique ainsi n’accorder « aucune importance » à l’argent qu’elle devrait toucher : « J’aimerais juste que la France reconnaisse aujourd’hui ses manquements, les mauvaises conditions d’accueil. Un discours, un symbole fort, un mot du président pourrait un peu réparer ce que nous avons subi. »

En outre, le sujet continue de diviser et se heurte, de manière inexplicable, à des résistances idéologiques. « Ma démarche n’a pas toujours été comprise, y compris parmi les membres de mon équipe, poursuit Stéphane Tremblay. Quelqu’un dans mon opposition a même critiqué mon action, déplorant qu’on en fasse plus pour les Chaumines que pour la construction d’une mosquée ! »

07/05/2025

C-est-ici.gifhttps://www.harkisdordogne.com/

- Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter pour être informé -

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article