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60 ans des accords d'Évian : les harkis demandent la reconnaissance de la cité de l'Herveline à Semoy (45)

Une loi de réparation a été votée en France en février pour indemniser les harkis qui après la guerre d'Algérie furent rapatriés dans des lieux indignes. Dans le Loiret, les harkis militent pour que la cité de l'Herveline à Semoy ne soit pas oubliée : 350 familles y ont vécu entre 1963 et 1978.

Ils se prénomment Djouher, Djamel, Salah, Ahmed, Kouider, Annie... et ont vécu dans la cité de l'Herveline à Semoy © Radio France - François Guéroult

Il y a 60 ans, le 18 mars 1962, étaient signés les accords d'Évian qui mirent fin à la guerre d'Algérie. Et qui marquèrent aussi le début du calvaire pour les harkis, les supplétifs musulmans engagés dans l'armée française. Certains furent massacrés après le cessez-le-feu en Algérie ; d'autres furent rapatriés en France dans des conditions déplorables.

Des préfabriqués sans eau chaude ni chauffage

Le 23 février dernier, la France a voté une loi "de reconnaissance de la Nation envers les harkis et de réparation pour les préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français" : un décret doit préciser la liste de ces camps de transit, hameaux de forestage et autres bidonvilles. Dans le Loiret, les harkis et leurs descendants militent pour que la cité de l'Herveline, à Semoy, figure bien dans la liste.

Une famille de harkis devant un des logements de la cité de l'Herveline à Semoy - DR

Cette cité, dont il ne reste plus rien aujourd'hui (sinon une stèle commémorative près de l'usine Merck Santé), avait été construite en urgence en 1963 : "une cité-champignon" comme on disait à l'époque, en fait des préfabriqués équipés de mobiliers simples (chaises, lits métalliques et poêle pour la cuisine) gérés par ce qu'on appelait alors la Sonacotral (Société Nationale de Construction de logements pour les Travailleurs Algériens, devenue aujourd'hui Adoma). Jusqu'en 1978, environ 350 familles de harkis (mais aussi de pieds-noirs) y ont séjourné, pendant une durée plus ou moins longue.

La cité de l'Herveline à Semoy avait une capacité de 100 logements - DR

"Les conditions de vie y étaient très dures, sans eau chaude, dans des 2 pièces très mal isolés avec des toits amiantés, on avait hyper froid l'hiver", témoigne Djamel Chaouaou, petit-fils de harki, il est né dans la cité de l'Herveline et y a vécu pendant 6 ans. "On était coupés de tout, on ne savait même pas qu'Orléans était à côté ! On vivait entre nous, en vase clos, sous la surveillance d'un gardien qui contrôlait toute entrée et toute sortie. Et encore, la seule sortie c'était le bus pour aller à l'école.... Il y avait une assistante sociale qui faisait ce qu'elle pouvait, mais les faits sont là : 95% d'échec scolaire pour les enfants qui sont passés par ce camp. Malheureusement, les pouvoirs publics n'ont pas fait leur devoir." Un témoignage à écouter ci-dessous :

Un enjeu de mémoire

Certains ont même subi des séquelles physiques. C'est le cas d'Annie Cook-Benaouda, qui a habité à la cité de l'Herveline jusqu'à ses 11 ans : elle y a contracté la polio, faute d'avoir été vaccinée. "Je suis comme une bête tamponnée, souffle-t-elle, je n'ai pas eu de vie normale à cause de mon séjour dans ce camp, parce qu'il y a eu une négligence dans le dispensaire. Et le plus douloureux pour moi, c'est que lorsque j'explique que j'ai eu la polio, les gens me disent : "Ah ? Tu es née en Algérie ?" Eh bien non, je suis née en France."

La stèle commémorative : seule trace encore visible de la cité de l'Herveline à Semoy © Radio France - François Guéroult

Pour les harkis et leurs descendants, il y a urgence à ce que la France reconnaisse l'existence de la cité de l'Herveline au même titre que les camps de Risevaltes (Pyrénées-Orientales), St-Maurice-l'Ardoise (Gard) ou Bias (Lot-et-Garonne), mieux connus dans la mémoire collective. "Nos parents ont tout perdu en venant ici, et ils croyaient naïvement que la France les accueillerait comme il se doit, résume Djouher Boualam, native également de la cité de l'Herveline. Pour toutes les familles, que ce soit dans la prise en charge médicale, dans le logement, dans le service social, on a été abandonné. Vraiment. Aujourd'hui, je veux que cette reconnaissance soit là, que notre histoire soit intégrée à l'Histoire française."

Le reportage diffusé par France Bleu Orléans est à retrouver ici :

18/03/2022

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Dates des rassemblements, pour la Reconnaissance, la mémoire, et la culture.
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