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Compte rendu analytique officiel du 10 mai 2012 au Sénat (Fatima Besnaci-Lancou)

      Fatima Besnaci-Lancou, fille de harki 1

Première table ronde au senat   10 mai 2012

Mme Fatima Besnaci-Lancou. - Notre association (Association harkis et droits de l'Homme ) est née lors de la préparation d'une loi qui va tous vous faire bondir, celle du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. A l'époque, nous avions formé un groupe informel de femmes et de filles de harkis pour suivre l'écriture de ce texte, ce qui nous avait amenés à en percevoir un certain nombre de ses travers, notamment l'alinéa 2 de l'article 4, qui a fort heureusement été abrogé, ainsi que de l'article 13. En 2004, ce groupe informel s'est constitué en association pour poursuivre son action, en commençant par la publication d'un communiqué condamnant ces deux articles. J'insiste sur le fait que cette loi a été vécue comme un véritable drame pour les familles de harkis car nous entendons encore aujourd'hui des propos scandaleux qui laissent entendre que nous aurions souhaité une loi rendant hommage au colonialisme. C'est archi-faux, comme en témoignent les nombreuses signatures par des harkis et des enfants de harkis dans les pétitions opposées à cette loi !

J'ai immédiatement accepté de participer à cette table ronde car nous avons toujours en tête cette loi qui a suscité des réactions très fortes de notre part, dans la mesure où elle « reconnaissait » l'œuvre positive de la colonisation. Comment cela serait-il acceptable pour les harkis alors que tout cela s'est pour eux finalement traduit par un enfermement dans des camps en France ? Si la colonisation française s'est heureusement terminée le 5 juillet 1962, elle a joué les prolongations, pour les familles de harkis, compte tenu de la manière dont elles ont été traitées sur le sol français. On leur a appliqué une gestion coloniale.

C'est pourquoi les harkis ont très mal vécu cette loi, ressentie de façon douloureuse et contre laquelle ils se sont élevés. En outre, pendant très longtemps, on a inscrit ce groupe social dans l'histoire de l'Algérie française, en les présentant comme des idéologues voulant maintenir le système colonial. Or ce n'est pas du tout la réalité, les travaux des historiens montrent les motivations multiples et très différentes de l'enrôlement des harkis. Si, pendant des années, les harkis ont ainsi été maintenus dans une mauvaise case de l'histoire, l'on est aujourd'hui heureusement en train de les désenclaver et de les intégrer pleinement à l'histoire de la colonisation française.

Pour répondre aux questions posées, il est important d'intégrer la mémoire et l'histoire des harkis car, comme toutes les autres mémoires de la colonisation, elle fait partie de celle de la communauté nationale. Les mémoires qui ne sont pas portées disparaissent de la mémoire collective, ce qui peut aboutir au communautarisme et au repli sur soi.

Comment lutter contre cela ? Il y a bien sûr la science et la transmission scolaire mais il faut tenir également compte de l'importance des lieux de mémoire, comme le camp de Rivesaltes où ont été aussi enfermés des juifs, des Espagnols, des Indochinois, puis des harkis. Sa transformation en musée mémorial pourrait contribuer à faire connaître et partager cette histoire. Il faut ensuite multiplier des initiatives comme celle d'aujourd'hui et je propose donc que chaque association porteuse de mémoire organise à tour de rôle ce type de rencontres, afin d'échanger et de publier collectivement le fruit de nos travaux. Grâce à cela, j'espère que nous parviendrons à mieux nous connaître et ainsi à mieux vivre ensemble. (Applaudissements.)

l'Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins , et le site http://www.harkisdordogne.com/ Périgueux  

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