27 Mai 2025
Ancien camp de harkis de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) ©Radio France - Nina Valette
Quatre familles saisissent la justice pour comprendre comment les corps de leurs proches morts durant leur passage au camp de harkis de Rivesaltes ont pu être déplacés dans les années 1980, sans qu'elles soient tenues informées.
Elle compte sur la justice pour écrire enfin l'Histoire noir sur blanc. Marie fait partie des quatre familles qui viennent de déposer plainte auprès du Procureur de la République de Perpignan pour violation de sépulture et recel de cadavre.
Sa sœur est morte en 1963, à l'âge de trois jours, dans le camp de Rivesaltes. Ses parents ne lui ont jamais caché son existence, mais l'ont poussée, comme pour ses frères et sœurs, à avancer et à ne pas se laisser définir par cette partie de l'histoire familiale.
Le passé a rejailli à la faveur d'un travail mémoriel national, quand l'État a décidé d'opérer des fouilles pour retrouver le cimetière de Rivesaltes, un camp de harkis où près de 150 personnes - dont une centaine d'enfants - sont mortes dans les années 1960. À l'automne dernier, les chercheurs de l'INRAP trouvent l'emplacement de cimetière. Le 10 décembre 2024, ils présentent les résultats de leurs fouilles : " Les archéologues présentent leur travail. Et tout d'un coup, on nous annonce que les 19 tombes sont vides. Le choc ", raconte Marie .
Des corps déplacés sans prévenir les familles
Les corps des morts du camp de Rivesaltes ont en fait été transférés en septembre 1986, apprennent les familles lors d'une réunion en mairie en février dernier. Les dépouilles ont été déplacées vers le cimetière communal Saint-Saturnin de Rivesaltes à l'occasion de la cession du terrain par l'État au département, sans que les familles aient été informées à l'époque. " Si on avait alerté à l'époque, mon père serait allé chercher les restes de ma sœur pour l'enterrer dans le village où on s'est installés, à 75 kilomètres de Rivesaltes, et où mes parents sont eux-mêmes désormais enterrés. Ce qui est terrible et triste pour moi, c'est de devoir aujourd'hui régler ce problème que mon père aurait pu régler simplement et rapidement à l'époque. "
Les familles de descendants de harkis ont appris que quatre caisses avaient depuis été retrouvées, sous une dalle du cimetière Saint-Saturnin. Envoyées dans un laboratoire de Marseille, elles ont commencé à être examinées par une équipe d'anthropologues qui ont déterminé que les ossements de quatre adultes et cinquante enfants y avaient été déposés. Les analyses de datation carbone 14 et ADN doivent encore être ordonnées pour être menées.
En portant plainte, Marie et les trois autres familles espèrent accélérer les analyses et peut-être récupérer les ossements de leur proche pour pouvoir leur offrir une sépulture et faire le deuil de leur sœur, leur oncle, leur fils. Mais aussi déterminer les responsabilités de ce transfert de corps dont personne n'a été avisé.
Réparer le passé
Les familles estiment, peut-on lire dans la plainte, que " la commune de Rivesaltes, l'État et le département ont sciemment organisé le transfert des dépouilles enterrées dans le cimetière de fortune du camp de Harkis à l'insu des familles dans un lieu inconnu à ce jour ".
" Les familles sont face à une situation où on leur dit un peu : ça s'est passé, et c'est comme ça", déclare leur avocat, maître Antoine Ory, auprès de France Inter. "On a le sentiment que l'État et la mairie se renvoient la balle, alors qu'on sait que, tant la mairie que l'État, ont supervisé pour l'État, et organisé cette session de parcelle pour la mairie. Donc ce que l'on voudrait comprendre exactement, c'est qui a donné les ordres, pourquoi cela s'est fait, et surtout à l'insu des familles ". Maître Ory espère qu'un travail sur les archives va pouvoir permettre aux familles d'obtenir des réponses.
Marie veut "réparer" ce qui a été fait, l'outrage que sa famille a subi, que ce soit ce rapatriement dans un camp de fortune à Rivesaltes, mais aussi l'enterrement des enfants dans un terrain vague du camp plutôt que dans un cimetière communal, puis le transfert des corps sans avertir les proches. " Ma sœur, ce n'est pas un être anonyme, ou des petits bouts d'os dans une caisse. Notre deuil ne sera fait que lorsque nous arrivons au bout de cette histoire, notamment en récupérant les ossements de notre sœur pour les ramener dans le caveau familial. "
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22/05/2025
https://www.harkisdordogne.com/
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