15 Janvier 2019
2019
Joyeux Noël et bonne année les harkis !!!
Emmanuel Macron s'est déguisé en Père Noël pour vous gâter en cette période de fêtes: pas moins de 4 textes parus avant le 31 décembre 2018 rien que pour vous. De mémoire de Père Noël on n'avait jamais vu ça. De mémoire de harkis non plus d'ailleurs. Quatre textes: une loi (en fait, juste un article, il ne faut pas non plus déconner), un décret et deux arrêtés en l'espace d'une journée. Il a fait fort le gamin pour vous impressionner et vous montrer qu'il tient ses promesses ! Et tout ça malgré la crise des « gilets jaunes », malgré l'affaire Benalla, malgré le casse-tête du prélèvement à la source, malgré les piques de l'ami Trump…
Bravo l'artiste !! Mais au fait qu'y a-t-il dans son chapeau ou plutôt dans sa hotte ?
Hé bien, il y a d'abord l'article 223 de la loi de finances pour 2019 (article 223 de la loi de finances pour 2019). Cet article prévoit une revalorisation de 400 € de l'allocation de reconnaissance dont le montant annuel est porté à 4 109 €, soit 342,42 € par mois (pour ceux ayant choisi le versement d'une rente viagère) et à 2 987 € par an, soit 248,92 € par mois (pour ceux ayant choisi le versement d'un capital et d'une rente viagère).
L'allocation viagère est également revalorisée de 400 € pour atteindre 4 109 € par an (342,42 € par mois). Ce n'est pas un vrai cadeau ça, c'est juste le rattrapage de l'inflation qui a stagné ces cinq dernières années, les deux allocations étant indexées sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages, hors tabac.
Il y a ensuite deux arrêtés concrétisant cette revalorisation: arrêté du 28 décembre 2018: montant allocation de reconnaissance et arrêté du 28 décembre 2018: montant de l'allocation viagère
Enfin, au fond de la hotte, un décret (décret du 28 décembre 2018) instituant un fonds de solidarité pour certains enfants d'anciens harkis pour la période 2019-2022. Ce décret pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel compte tenu de la nature hautement discriminatoire des mesures qu'il édicte.
Là non plus, il n'y a pas de quoi pavoiser. En voici la preuve.
Ce décret précise dans son article 1 que ce fonds est destiné à apporter une aide financière de solidarité à ceux « (…) qui ont séjourné au moins quatre-vingt-dix jours dans un camp ou un hameau de forestage (…) lorsque leurs ressources ne leur permettent pas de s'acquitter de dépenses ayant un caractère essentiel dans les domaines de la santé, du logement, de la formation, ou de l'insertion professionnelle (…). »
Le montant de l'aide est fixé en fonction de la durée du séjour du demandeur dans le camp ou le hameau de forestage, des conditions de sa scolarité, des éléments de sa situation personnelle et des sommes qui restent à sa charge après intervention du droit commun (article 2).
Les heureux élus vont tenir dans une cabine téléphonique…en compagnie de ceux autorisés à racheter des trimestres de retraite ! Pour les autres, et surtout ceux qui ne sont pas passés par les camps et les hameaux de forestage, ceux qui ont vécu dans les cités de transit et les ghettos urbains, ceux dont les parents ont été retenus en Algérie, circulez, il n'y a rien à voir. Le Père Noël fait du tri sélectif, le Père Noël est vraiment une ordure.
Vous êtes déçus ? Cela ne me surprend pas. Vous êtes surpris ? Cela me surprend beaucoup.
Bien sûr, "promis, juré craché", vous ne croyez pas au Père Noël. Pourtant, j'ai cru entendre ici et là des voix pleines d'espoir comme quoi cette fois c'est la bonne. C'est sûr et certain, nous allons toucher le pactole puisque le Père Noël allait augmenter l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère pour les anciens harkis et leurs veuves, mettre en place un fonds de solidarité pour les enfants de harkis doté de 40 millions d'euros (sur 4 ans, faut pas pousser non plus !).
Mais il faut avouer que c'est un peu notre faute non? Le Père Noël nous avait pourtant envoyé son lutin, le préfet Ceaux, pour nous aider à rédiger notre lettre et nous n'avons pas été capables de choisir et d'imposer le cadeau que pourtant tous réclamaient: la reconnaissance de la responsabilité de la France dans nos déboires et la loi de réparation qui va avec.
Il faut reconnaître qu'avec leurs nombreux lutins tapis partout, tous les pères Noël, de de Gaulle à Macron, nous ont toujours pris de haut, pris pour des cons et pris pour des grands enfants. Depuis plus d'un demi-siècle, avec notre aide de victimes inconscientes et consentantes, ils nous baladent: ils nous font les yeux doux, nous promettent la lune et…pendant toute la durée de leur mandat nous avons du mal à nous asseoir. Autant dire tout le temps.
C'est qu'ils nous connaissent bien les bougres ! Ils jouent comme des virtuoses sur notre soif de reconnaissance, notre méconnaissance des institutions et du monde politique, nos faiblesses, nos egos et nos divisions pour ne pas admettre et réparer leur faute. A la place, grands seigneurs, ils nous font la charité et nous distribuent des cacahuètes…et encore si nous sommes bien sages.
Allez, ne vous laissez pas aller, il nous reste encore un peu d'espoir, du côté des juges français (merci Kader Tamazount !), même si j'ai une confiance très limitée en la justice de mon pays, mais surtout du côté des juges internationaux pour contourner notamment le principe des actes de Gouvernement dans le domaine des relations internationales.
Nous reviendrons prochainement sur tous ces sujets.
En attendant, cessons de subir, allons voir des avocats, étudions nos chances de réussir (il y en a), séparément ou ensemble (c'est le mieux) et attaquons massivement l'Etat.
Bonne année quand même !!!
Saïd Balah
05/01/2019
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