7 Mai 2022
Michel Messahel a travaillé pendant près de quatorze ans sur l’histoire des harkis et celle de ses parents, racontée dans la troisième édition de son livre « Itinéraire d’un harki mon père », parue début 2022 chez L’Harmattan. © Crédit photo : T.D.
À l’approche du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962, Michel Messahel présente la troisième édition de son livre « Itinéraire d’un harki mon père », enrichie de nouveaux témoignages et documents historiques sur cette page de l’histoire encore mal connue
Un cavalier et son cheval photographiés en train de sauter un grand obstacle, sous le regard de plusieurs adultes et enfants se tenant debout près d’une voiture, devant la façade d’une maison aux pierres apparentes. L’image, en noir et blanc, a été prise vers 1963 sur une propriété privée située à Saint-Michel-Léparon, en Dordogne. Celle appartenant à Bernard Duffau Lagarosse, le frère du capitaine Louis Dufau-Lagarosse, militaire français affecté pendant la Guerre d’Algérie au sein du 28e régiment de dragons.
Sous ses ordres à partir de 1958, un certain Ali Messahel, un Algérien originaire du village de Borély-laSapie, au sud d’Alger et qui fut incorporé dans l’armée française après avoir intégré l’année d’avant une harka, une unité supplétive participant à la sécurité territoriale. Comme près de 42 500 harkis, il fut contraint après l’indépendance de son pays de prendre le chemin de l’exil vers la France. « Question de vie ou de mort », résume soixante plus tard son fils Michel Messahel, né à Libourne en 1968 et toujours installé à Lussac.
Le cavalier sur la photo, c’est son père, Ali. Sur son cheval, Spoutnik, qu’il perdit de vue en Algérie en 1962 avant de le retrouver en France chez le frère du colonel Dufau-Lagarosse. Au-delà de sa valeur affective et historique, ce document exceptionnel a une portée symbolique. « À travers cet obstacle, c’est toutes les épreuves qu’il saute, la Méditerranée, la Guerre d’Algérie… », en observant l’image publiée en couverture de son livre : « Itinéraire d’un harki mon père. De l’Algérois aux portes de l’Aquitaine ». L’image constitue la première nouveauté de cette édition revue et augmentée. La troisième, parue chez L’Harmattan en début d’année, et enrichie des témoignages que Michel Messahel n’a cessé de collecter depuis la première, parue en 2014 et augmentée en 2017.
Michel Messahel est toujours installé dans le village de Lussac, où il a grandi avec ses parents et ses sept frères et sœurs. Karine Poullain
Coutumes ancestrales
« La troisième édition s’est imposée à moi, explique l’auteur. Parce que j’ai réuni d’autres témoignages qui m’ont permis d’équilibrer le récit », poursuit-il, citant, parmi eux, « les appelés du contingent mobilisés pendant la Guerre d’Algérie et qui m’ont apporté un autre regard ». Mais aussi des pieds noirs, des militaires de carrière, rencontrés sur des salons du livre ou lors de conférences sur l’histoire des harkis, cette part d’ombre de l’histoire franco-algérienne encore « mal connue de l’histoire de notre pays ». Où ses parents Ali et Khédidja, qui « ont grandi dans un monde de tradition orale, quasi moyenâgeux dans son fonctionnement où les autochtones avaient acquis une très grande connaissance de la nature » - la première partie du livre est consacrée aux coutumes ancestrales et à l’Algérie rurale des années 1930 jusqu’à l’indépendance - arrivèrent avec ses sœurs aînées fin 1962, au camp du château de Lascours (Gard).
« Dans des conditions si précaires qu’elles en devenaient insalubres, mes parents ont su saisir leur destin », raconte Michel Messahel, qui s’est efforcé d’enquêter avec « un maximum d’honnêteté » pour livrer ce récit parfois bouleversant, notamment sur les représailles des indépendantistes sur les harkis après l’indépendance de l’Algérie. « Il leur fallut se reconstruire, surmonter le déchirement d’avoir quitté un pays dans lequel ils auraient dû continuer à vivre, mais aussi s’imprégner d’une culture et d’un mode de vie qui leur était étranger ». C’est l’histoire que raconte l’auteur en rendant aussi hommage « à des gens remarquables, d’une grande humanité ». Dont le colonel Louis Duffau Lagarosse, qui leur permit de quitter « l’enfer du camp de transit » et « d’entrevoir une perspective d’avenir » en leur trouvant un logement et un emploi en Dordogne. Chez son frère, avant, par une succession d’étapes, d’arriver à Lussac, « terre d’accueil et de tolérance » où ils furent guidés « par leur volonté permanente de s’intégrer dans la société française, en gardant cependant l’authenticité de leurs origines rurales algériennes ».
Un travail « abouti »
« En découvrant le drame, l’abnégation et la force de vie d’une famille déracinée, puis profondément intégrée en France, chacun pourra se forger un avis sur cette page de notre histoire contemporaine », résume l’éditeur en quatrième de couverture du livre. Avec « plus d’assurance » que par le passé pour en parler, confie-t-il, Michel Messahel, lui, considère son travail aujourd’hui « abouti » et dit être « riche des enseignements tirés du passé tragique de mes parents. Ma famille a été saisie dans l’Histoire comme un fétu de paille sur une rivière agitée. L’héritage de nos parents exilés est précieux ».
03/05/2022
itinéraire d'un Harki, mon père: De l'Algérois à l'Aquitaine.
Histoire d'une famille Troisième édition revue et augmentée
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378 pages 15,5 x 21,8 x 24 cm Broché· 38 €
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