22 Mars 2016
Il commémore le cessez-le-feu du 19 mars 1962. Une date qui fait polémique
Chaque année, Harkis et Pieds-Noirs sont nombreux à protester contre les commémorations du 19 mars 1962, jour où intervint un cessez-le-feu qui ne fut pas respecté. PHOTO ARCHIVES PIERRE-ANTOINE SCHIPMAN
C’était un petit village, quelque part en Algérie. Les habitants, des Harkis, y avaient hissé un drapeau tricolore, preuve de leur attachement à la France. Au lendemain des "Accords d’Evian", le 19 mars 1962, qui mettait théoriquement fin à la guerre, ils virent débarquer des militaires français venus leur annoncer qu’ils quittaient l’Algérie. "Ok, on continuera à se battre seuls s’il le faut" s’exclama-t-on dans les rangs harkis.
Le problème c’est que, en plus d’annoncer leur départ, les militaires avouèrent qu’ils venaient aussi récupérer... les armes. Une manière de livrer les Harkis aux combattants du FLN qui n’étaient pas disposés, eux, à déposer les leurs. Cette histoire résume le destin des Harkis dont des milliers furent abandonnés et massacrés, sans espoir d’être rapatriés de l’autre côté de la Méditerranée. "Même si ce fut le cas pour certains, raconte l’historien Gérard Crespo, mais dans des conditions effroyables."
Voilà pourquoi les Harkis, et avec eux bien des Pieds-noirs, rejettent la commémoration du 19 mars, devenue par une loi de décembre 2012 "Journée nationale du souvenir". Et ils s’insurgent d’autant plus que François Hollande participe, à 16h30, aux cérémonies prévues au Mémorial du Quai Branly. Il faut dire que c’est la première fois qu’un président de la République apparaît aux côtés des anciens combattants, ceux de la Fnaca par exemple pour qui, cela ne fait aucun doute, la date anniversaire doit être le 19 mars. Et non pas le 5 décembre, date choisie par Jacques Chirac à l’occasion de l’inauguration du Mémorial du Quai Branly en 2002. Date sans aucune valeur historique mais date apaisante, destinée à éteindre les polémiques, voire à endormir cet épisode historique bien encombrant pour les mémoires.
François Hollande peut compter sur le soutien des anciens combattants
Avec l’intervention du Président, la date du 19 mars reprend donc "du poil de la bête". Ce qui exaspère les Harkis. "On est stupéfait. C’est la première fois qu’un président de la République agit ainsi, s’emporte Mohamed Otsmani, délégué régional Paca du "Comité national de liaison des Harkis". Même François Mitterrand ne l’avait pas fait. N’oubliez pas que 100 000 Harkis ont été tués après les accords.
En plus, Hollande s’était engagé le 5 avril 2012 à reconnaître la responsabilité de la France dans les massacres des Harkis mais il n’y a jamais eu de reconnaissance officielle. C’est ça qu’on réclame.
Et on veut que le 5 décembre, une date neutre, soit retenu à la place du 19 mars. Le président de la République agit ainsi parce qu’il y a des enjeux électoraux."
Face à ce front de la contestation, renforcé par les élus LR et FN, le président de la République pourra bénéficier du soutien des anciens combattants. "C’est une très bonne décision, estime Jean Thiec, secrétaire général de la Fnaca des Bouches-du-Rhône. Ça fait 50 ans qu’on se bat pour cette date. C’est sensationnel. Puis tous les Harkis n’y sont pas opposés. Beaucoup commémorent avec nous. Les autres sont des nostalgiques de l’OAS. Et ils sont minoritaires."
Des Harkis "déçus et en colère"
Au total, selon les sources, de 10 000 à 150 000 Harkis ont été massacrés entre mars et novembre 1962. Les forces françaises, alertées, ont reçu l’ordre de rester l’arme au pied.
La fidélité à la France des Harkis est d’autant moins bien récompensée qu’alors que les Pieds-Noirs sont évacués vers la Métropole, rien de tel n’est prévu pour les Harkis.
Bien au contraire, Louis Joxe, le ministre d’État aux Affaires algériennes, dans une directive secrète datant 12 mai 1962, menace de sanctions les militaires français qui organiseraient le repli en métropole de leurs alliés musulmans. Il ordonne même le renvoi en Algérie des supplétifs débarqués en France.
Les Harkis vivant aujourd’hui en France n’ont, pour la majorité, dû leur salut qu’à des officiers qui ont contrevenu aux ordres. Au final, 91 000 Harkis ont, semble-t-il, pu gagner la France entre 1962 et 1968. Mais toujours pas de reconnaissance. Les Harkis ont été "installés" dans des camps en France, dont plusieurs dans notre région, notamment à Peyrolles, La Roque d’Anthéron, Septèmes-les-Vallons, Manosque, Fuveau ou encore Jouques, où un mémorial a fini par être érigé au camp du Logis d’Anne.
Un geste symbolique qui ne dissipe pas chez les Harkis un sentiment d’amertume. Amertume en raison de leurs conditions de vie, toujours précaires, et des engagements non tenus, notamment en matière de formation vis-à-vis des plus jeunes.
Amertume d’avoir eu à constater que, en 2000, les députés présents sont restés à écouter le président algérien à l’Assemblée nationale alors même que ce dernier insultait les Harkis, les traitant de "collabos".
Amertume de constater que François Hollande va commémorer la date du 19 mars, qui a également été retenue à l’occasion de l’alternance à l’Élysée, alors que, comme Nicolas Sarkozy avant lui, il s’était engagé sur celle du 5 décembre choisie par leur prédécesseur Jacques Chirac.
Amertume, enfin, de voir qu’en dépit des promesses qui leur ont été faites par Nicolas Sarkozy, le 31 mars 2007, comme par François Hollande, le 5 avril 2012, l’instauration d’une reconnaissance officielle de "la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis" en 1962 n’est toujours pas à l’ordre du jour.
source :
*******
*******
Si vous le souhaitez, vous pouvez laisser un commentaire sous chaque article en bas à gauche, dans commenter cet article