8 Décembre 2017
Le président Macron, le 6 décembre 2017, lors de sa conférence de presse à l'hôtel El Aurassi d'Alger. © Ludovic Marin / AFP
Le président français Emmanuel Macron était très attendu sur nombre de questions souvent soulevées dans les relations entre la France et l'Algérie. À côté de la conférence de presse au cours de laquelle il a répondu sans détour aux interrogations des uns et des autres, il a accordé un entretien exclusif à notre confrère TSA (Tout sur l'Algérie), le site d'information le plus consulté d'Algérie. À la journaliste Hadjer Guenanfa qui l'a interrogé, il a d'abord indiqué qu'il assumait pleinement les propos qu'il avait tenus en février dernier, en tant que candidat, sur le colonialisme, qu'il avait qualifié de « crime contre l'humanité ». « J'ai dit une chose qui était forte et que j'assume pleinement. Il y a eu en effet ce crime contre l'humain qui a été fait », a-t-il avancé. Et d'ajouter : « Je regarde toutes les histoires et toutes les mémoires de nos pays. Ce sont des histoires faites d'humiliations, de violences, qu'il faut condamner et que j'ai reconnues. Ce sont également des histoires qui sont faites parfois d'amour et de moments heureux. »
Ni déni ni repentance
Emmanuel Macron a souhaité une « reconnaissance entière » de part et d'autre, une manière d'éviter « une histoire en quelque sorte officielle qui nie les parts sombres de ce qui a été fait ». Mais pas question de parler de repentance pour le président français. « Il n'y a pas de repentance chez moi. Il y a un espace, celui de la reconnaissance mutuelle qui n'est ni le déni ni la repentance », a-t-il tranché. « Rester dans le déni », « ne jamais en parler » ou « être dans la repentance permanente » est un « piège », selon lui. « Je crois que le cœur de notre relation, c'est de reconnaître ce qui a été fait de bien comme de mal », a-t-il dit. Dans ce contexte, il a assuré qu'il était prêt à restituer les crânes de résistants algériens tués dans les années 1850.
De « ceux qui sont nés en Algérie » aux harkis
En même temps, Emmanuel Macron dit s'attendre à des gestes du côté algérien. « Je pense que c'est important que l'Algérie fasse des gestes à l'égard de ceux qui sont nés en Algérie et qui veulent pouvoir y revenir. Je pense que ça serait un geste fort de réconciliation », a-t-il estimé. Le président français a cité le cas des harkis qui « voudraient pouvoir revenir » en Algérie. « Aujourd'hui, en fin d'année 2017, on doit pouvoir savoir regarder ensemble de manière apaisée tout ça. Je ne dis pas que la solution est facile. Je sais qu'il y en a qui ont encore ce traumatisme, mais je dis qu'on doit pouvoir ensemble, étape par étape, régler chacun de ces problèmes et dénouer les choses », a-t-il affirmé.
Se construire sans le poids du passé
Selon lui, les jeunesses des deux pays doivent pouvoir se construire « avec le goût de l'avenir » sans regarder un « passé qu'elles n'ont pas connu ». « Je veux que la jeunesse française issue de l'immigration ou nouvellement arrivée ait envie de réussir en France, qu'elle ait sa part d'identité culturelle, religieuse et historique. (…) Je veux qu'il y ait une jeunesse en Algérie qui regagne son pays en disant : Je veux faire de l'Algérie de demain un très grand pays qui rayonne sur la Méditerranée », a-t-il déclaré. « J'ai envie qu'on crée ici de l'activité économique et de l'entrepreneuriat là où nous avons parfois comme des blocages ou des relations qui sont encore déterminés par le passé. C'est pour cela que je suis venu aussi avec des entrepreneurs », a-t-il ajouté.
« Un visa pour la France, ce n'est pas un projet »
Aux jeunes Algériens qui rêvent d'obtenir un visa pour la France, Emmanuel Macron répond que la « France peut être une étape, mais pas un objectif ». « Avoir un visa pour la France n'est pas un projet. (…) La France elle-même a un immense travail d'intégration et de construction de sa vie économique », a indiqué le président français, qui souhaite des partenariats entre les établissements universitaires des deux pays. « Il faut que la France vienne développer aussi des filières académiques d'excellence en partenariat avec les universités algériennes. (…) Je veux des jeunes qui ont envie de réussir ici, qui réussissent ici et qui montrent l'exemple », a-t-il insisté.
« Il faudrait moderniser l'économie algérienne »
Interrogé sur le peu d'engouement des investisseurs français pour le marché algérien, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d'encourager les entreprises françaises à venir investir en Algérie, tout en rappelant les contraintes rencontrées dans le pays. « Nos entreprises doivent venir investir en Algérie. Mais il faudrait aussi qu'il y ait un cadre d'investissements plus ouvert et plus protecteur pour toutes celles et tous ceux qui viennent sur ce marché. Il faudrait moderniser aussi l'économie algérienne pour les Algériens qui entreprennent et pour les étrangers qui sont prêts à venir entreprendre », a estimé le président français, qui a évoqué notamment le contrôle des changes qui reste « très contraignant », selon lui. « Je souhaite aussi qu'il y ait des Algériens qui puissent davantage investir en France parce que vous avez de grands entrepreneurs. M. Rebrab a, par exemple, racheté des marques françaises, des structures et des entreprises en France. Je m'en félicite. Il faudrait qu'il y en ait d'autres puisque le marché français doit être ouvert au marché algérien », a-t-il dit.
Que restera-t-il de ce voyage d'amitié et de travail au détour du style qu'y a introduit le président français. Attendons de voir comment la partie algérienne va réagir sur le terrain.
Amayas Zmirli Alger
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