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M’hamed Boudjemaa, harki châlonnais, est passé du camp en béton à la Légion d’honneur

M’hamed, sa femme Khedidja et leur petit fils, en vacances chez ses grands parents

Un harki châlonnais a été décoré de la Légion d’honneur lors de la fête nationale. Rencontre avec M’hamed Boudjemaa, ancien caporal chef qui va fêter ses noces d’or le 18 août.

Lorsqu’on lui demande où il est né, M’hamed Boudjemaa, 78 ans, répond toujours « Orléans ville ». L’agglomération située au sud-ouest d’Alger s’est depuis débarrassée de son appellation coloniale pour prendre le nom de Chlef.

Sa ville, M’hamed l’a quitté définitivement à l’âge de 17 ans lorsqu’il a commencé son service militaire. Un engagement au sein de l’armée française qui s’étale de 1959 aux accords d’Évian. Date à laquelle il est rapatrié en France.

Envoyé dans un camp à l’indépendance de l’Algérie

De nature pudique, M’hamed Boudjemaa n’aime pas s’étaler sur les épreuves qu’il a dû traverser. Il ouvre tout de même des fenêtres sur les parts sombres de son histoire : « À l’indépendance, j’ai été envoyé à Perpignan dans un camp en préfabriqué. Je ne pouvais pas sortir sans autorisation et on était nourri avec des rations ».

Le camp de Rivesaltes a servi à parquer des centaines de harkis, parfois pendant de longues années. M’hamed n’y passera qu’un an et demi, tout de même éprouvant. « Heureusement que j’étais célibataire. Il y avait des familles et pour elles, c’était plus dur. » Sur la question du traitement réservé aux harkis par l’État français, M’hamed affiche un air gêné et balaye d’un revers de la main : « J’ai été rapatrié tout de même ! » Sa fille, Malika, n’est pas de cet avis : « Il y a eu une reconnaissance dans les mots, mais pas dans les actes ».

Il sort des baraquements en 1963 pour aller  travailler avec une cinquantaine d’autres harkis dans une usine de rails en Meurthe-et-Moselle. Un département qu’il quitte rapidement. « J’avais des cousins à Châlons, j’ai pu les rejoindre. »

Noces d’or

C’est là qu’il a construit sa vie, dans un contexte économique favorable : « À l’époque, les patrons se promenaient dans les rues et dès qu’ils croisaient quelqu’un d’un peu bronzé, ils lui proposaient du travail », s’amuse le retraité qui a passé le plus clair de sa carrière comme agent d’entretien dans un hôpital psychiatrique.

C’est aussi à Châlons qu’il a rencontré Khedidja qui est devenue sa femme en 1968. Le couple fête ses noces d’or le 18 août prochain en mairie et habite aujourd’hui dans le quartier Mont-Saint-Michel.

De ses années passées sur les champs de batailles, M’hamed Boudjemaa conserve des souvenirs amers : « Je n’ai plus de sensibilité sur trois doigts ». En cause : une balle reçue à hauteur du coude qui a abîmé ses nerfs. Le sang a giclé sur son livret militaire, encore taché aujourd’hui. Il a conservé des stigmates psychologiques également, avec des cauchemars qui reviennent encore des années après : « J’ai vu mes camarades mourir. J’ai vu des égorgements ».

Médaillé sur le tard

Mais il en garde également des souvenirs plus doux : une croix de valeur militaire, une médaille militaire reçue il y a deux ans, et enfin la Légion d’honneur qui lui a été remise le 13 juillet dernier. Toujours aussi modeste, M’hamed marmonne qu’il perçoit la décoration comme « une reconnaissance ». Sa fille ajoute : « Il clôt un chapitre de sa vie ».

Aujourd’hui M’hamed a quatre enfants et onze petits enfants. Avec l’âge, les plaies se referment et il raconte plus facilement son passé. « Quand on était petit, on ne se rendait pas compte de tout ce qu’il a vécu, explique sa fille. Maintenant, il rentre plus dans les détails. »

04/08/2018

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Merci M. M'hamed Boudjemaa et respect pour votre témoignage qui préserve la mémoire et enseigne sur le vécu de nos anciens qui sont restés digne malgré la relégation, les souffrances et la non reconnaissance.
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