2 Avril 2019
Azzedine Sellaoui, le charismatique président-fondateur du Conseil des Harkis du Var, devant l’un des trois derniers bâtiments du camp de La Capelle à Collobrières, le dernier hameau de forestage encore occupé dans le Var. P.-L. P.
Soixante ans après leur arrivée dramatique en France, la communauté attend toujours la prise en compte du préjudice moral et matériel subi
Le 25 septembre dernier, à l’occasion de la Journée nationale d’hommage aux harkis, Geneviève Darrieussecq, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, avait annoncé de nouvelles mesures, en faveur notamment des harkis de la seconde génération en situation de grande précarité.
Six mois plus tard, alors que ces annonces ont été traduites dans le décret 2018-1320 du 28 décembre 2018, la déception née de ces « mesurettes » a laissé place à la colère dans les rangs de la communauté harkie varoise, l’une des plus importantes du pays.
Parmi les personnes les plus remontées, Azzedine Sellaoui, le président-fondateur du Conseil des harkis du Var, ne veut pas croire, « vu l’intelligence qu’on prête à Emmanuel Macron », que le président de la République ait pu signer ledit décret tant il juge son contenu « insignifiant ». Voire « humiliant ». Inutile de dire qu’Azzedine Sellaoui ne se rendra pas à la réunion de présentation du dispositif d’aide aux enfants de harkis, qui doit se tenir demain matin dans les locaux toulonnais de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (1).
« Parqué comme des bêtes »
« Une mascarade pour faire la promotion d’un décret qui ne correspond en rien aux attentes légitimes des harkis », assène le représentant de la communauté qui appelle bien sûr au boycott de ce rendez-vous.
Près de soixante ans après le rapatriement des harkis en France - une expression à laquelle Azzedine Sellaoui préfère le mot « exode », dans la mesure où « l’arrivée des harkis en Métropole n’avait absolument pas été préparée » - il est grand temps que les préjudices subis par les familles de harkis soient reconnus et indemnisés à leur juste valeur. Or le décret du 28 décembre 2018, qualifié de « social », est perçu comme de « l’aumône », de « l’assistanat ». Sans compter que le dossier pour faire valoir ses droits n’est pas des plus simples à remplir.
Azzedine Sellaoui, qui a vécu son enfance dans le hameau de forestage de La Londe-les-Maures comme une mise à l’écart du reste de la population française - « on était parqué dans des camps comme des bêtes indésirables », se souvient-il, amère - estime que la communauté harki a été suffisamment patiente.
Jurisprudence du conseil d’État ?
Exaspérés, certains harkis n’ont d’ailleurs pas hésité à attaquer l’État français devant la justice. Avec succès. Le 3 octobre dernier, le Conseil d’État a ainsi accordé une indemnité de 15 000 euros à un fils de harki « au titre des préjudices matériel et moral subis du fait des conditions dans lesquelles il a vécu entre sa naissance au camp Joffre en 1963 et son départ du camp Bias en 1975 ».
Un jugement qui pourrait bien faire jurisprudence. D’où le fameux décret pondu à la hâte, « en guise de contre-feu », accuse Azzedine Sellaoui.
Le président du Conseil des harkis du Var organise d’ailleurs la grande offensive. Outre un recours en annulation du décret 2018-1320 aux côtés de l’Association Génération Harkis, il affirme avoir saisi un avocat pour étudier la possibilité de lancer prochainement une action collective en justice. P.-L. PAGÈS
27/03/2019
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