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Camps de harkis : la famille d’un militaire privée d’indemnisation attaque l’administration

Allaoua Bouglouf.

INFO FRANCE INTER - La famille d'un militaire de carrière algérien, qui a combattu aux côtés de la France pendant la guerre d'Algérie, a vécu sept ans dans un camp de harkis après son rapatriement, a vu son dossier de demande d'indemnisation rejeté. Elle attaque cette décision en justice.

C’est un pan de la guerre d’Algérie passé sous les radars : le destin des militaires de carrière algérien qui ont combattu aux côtés de la France durant le conflit. Une partie a été rapatriée sur le territoire métropolitain après les accords d’Evian de mars 1962. Ils ont été, avec leur famille, envoyés dans des camps d’accueil de harkis, ces supplétifs musulmans engagés dans les Forces armées françaises sans avoir le statut de militaire. Mais ce ne sont pas des harkis.

Rachitisme et maladie de Bouillaud

C’est le cas d’Allaoua Bouglouf. Au sortir de la guerre d’Algérie, ce gradé de l’armée se retrouve au camp de Cattenom (Moselle), avec sa femme et leurs enfants. Ils vont y rester sept ans, jusqu’à sa retraite en 1969. " Les maisons n'étaient pas chauffées, il y avait des nuisibles, des rats, des punaises", raconte Mireille Bouglouf, née dans le camp de Cattenom. L’une de ses filles, aujourd’hui lourdement handicapée, y contracte la maladie de Bouillaud, qui s’attaque aux articulations et au cœur. "Ça a attaqué sa valve mitrale, qui est aujourd'hui calcinée", explique Mireille, qui, elle, a développé un rachitisme dans les premiers mois de sa vie.

Les années passent, la politique mémorielle de la France évolue. En septembre 2021, Emmanuel Macron demande dans un discours " pardon " aux harkis et annonce un projet de loi en ce sens. " Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon. Nous n’oublierons pas. Le souvenir des harkis, l'honneur des harkis doit être gravé dans la mémoire nationale " , lançait-il le 20 septembre 2021.

En février 2022, la loi sur la reconnaissance de la Nation envers les harkis, et la réparation pour leurs conditions d'accueil et de vie à leur arrivée en territoire métropolitain, est publiée au Journal officiel. Mireille Bouglouf a alors un déclic. Avec sa famille, elle constitue un dossier pour demander une indemnisation pour les sept années vécues dans le camp de Cattenom.

Il est une première fois rejeté car Cattenom n'est pas mentionné dans la liste des structures éligibles à une indemnisation. Mais le nom du camp est finalement rajouté en septembre 2023, et la famille relance les démarches. Après un nouvel envoi du dossier en décembre, et quelques contacts avec l'ONACVG (l'Office National des Combattants et des victimes de guerre) et la CNIH (Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis), Mireille Bouglouf garde espoir.

"Une deuxième fois exclus"

Mais ce 5 juin 2024, elle n’a toujours pas reçu de réponse de l’administration. Ce qui équivaut à un refus implicite. Avec son avocat, maître Antoine Ory, elle a donc décidé de déposer un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Nancy, pour dénoncer un système d’indemnisation injuste, qui ne dédommage qu’une partie des habitants du camp de Cattenom malgré des conditions de vie similaires. " Vous avez des familles qui ont été accueillies dans les mêmes camps et donc dans les mêmes conditions indignes ", explique Antoine Ory, " mais pour certaines d'entre elles, on considère que leurs souffrances justifient une indemnisation et pour d'autres non. C'est quelque chose que nous n'arrivons pas à comprendre ". Mireille Bouglouf ajoute : " On nous a doublement exclus : une première fois en nous parquant dans ces camps, et aujourd'hui, nous les descendants de ces militaires d'active qui ont vécu exactement dans les mêmes conditions que les harkis, sommes une deuxième fois exclus ".

En avril 2024, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour les "conditions de vie pas compatibles avec la dignité humaine" des harkis dans les camps après la guerre d’Algérie.

50.000 musulmans non harkis ont été rapatriés en France après la guerre d’Algérie selon le site de la CNIH.

05/06/2024

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M
Bonjour Mme Mireille Bouglouf, merci pour votre témoignage et l'espoir que vous suscitez car cette injustice ma famille la vie depuis le rapatriement en 1962. Mon père était militaire d'active musulman fonctionnaire de l'armée et cela a été son combat depuis 1980 (courriers). A ce jour, Ma mère n'a reçu aucune indemnisation sur le préjudice subit lors du rapatriement malgré les démarches administratives. Merci de m'indiquer comment rejoindre votre combat juridique. Mme Merouane, fille de rapatrié d'Algérie
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M
Bonjour Madame Mérouane,<br /> <br /> <br /> Merci de me contacter via email: m.bouglouf@organge.fr; je vous préciserai la marche à suivre.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> Mireille.
M
Bonjour Mérouane, <br /> <br /> Merci pour votre message. Vous pouvez me contacter via mail, je vous indiquerai la marche à suivre pour faire valoir vos droits ! Les militaires d'active sont dorénavant inclus dans le dispositif de réparation de 2022 (suite à mon action en justice et ma médiatisation).. le décret Macron n'a pas été modifié pour autant mais sachez que vous y avez bien droit !<br /> Le seul fait d'avoir séjourné dans un camp de la honte vous ouvre ce droit, le contraire était juste inadmissible. Il faut également vous assurer que votre camp fait partie des camps à réparer, sinon, il faut en faire la demande.<br /> <br /> Mon mail est le suivant: m.bouglouf@orange.fr<br /> <br /> Au plaisir d'échanger avec vous.<br /> Mireille.
M
Situation lamentable ! Pour cette famille et tant d'autres dont les pères se sont engagés auprès de la France et que l'on a mal reçus, sinon abandonnés... Alors que d'autres, qui avaient peut-être du sang sur leurs mains, ont été accueillis, logés et nourris. Quelle honte, quelle injustice !
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M
Bonjour Madame Jirard, <br /> <br /> Votre commentaire me touche beaucoup. Les militaires d'active musulmans (fonctionnaires de l'armée) ont été parqués dans les camps de Harkis et ont subi ces mêmes lois de parcage ségrégationnistes de façon honteuse, mais pire, ils sont toujours exclus des dispositifs d'entraide et de réparation, au motif qu'ils étaient militaires de carrière.<br /> <br /> De qui se moque-t-on ? En quoi ce statut de militaire de carrière les a-t-il protégés de ces lois de parcage indignes ?<br /> <br /> Je continuerai de faire entendre la voix de ces militaires d'active dont personne ne parle… ils étaient 50 000 dans l'armée française, soit le double de Harkis, plus leurs familles... il serait grand temps que l'Etat Français fasse son examen de conscience et répare ces familles pour le traitement inqualifiable qu'il leur a infligé. <br /> <br /> Beaucoup de ces militaires d'active étaient gradés, continuaient d'exercer leur métier mais vivaient dans ces camps de façon dégradante, honteuse ! Quel était leur tort au juste, servir leur pays ?<br /> Mon père a été nommé au Grade de Chevalier dans l'Ordre National du Mérite... voilà comment ces fonctionnaires, dévoués à leur pays, ont été traités !<br /> <br /> Par ailleurs, ce sont les femmes et les enfants qui ont le plus souffert dans ces camps, ces prisons à ciel ouvert desquelles ils ne sortaient jamais... Il y aurait tant à dire sur les conditions de vie déplorables où les enfants n'avaient pas de suivi médical, pas de carnet de santé. Nous avons été accueillis comme des réfugiés et non comme des citoyens français.<br /> Imaginez, ma sœur alors âgée de 6 ans qui est tombée gravement malade dans ce camp insalubre, devait se rendre à l'école via les camions bâchés de l'armée française, les enfants du camp y entassés tel du bétail. Les bâches de ces camions ne protégeaient ni du froid, ni de la pluie, ni de la neige (dans cette campagne lorraine hostile), les enfants des villageois eux, avaient droit au bus de ramassage scolaire.. <br /> <br /> Votre indignation témoigne de votre humanité chère Madame Jirard. Merci et bonne journée à vous.<br /> Mireille Bouglouf
M
Bonjour Monsieur Behar,<br /> <br /> <br /> Je fais suite à votre commentaire bienveillant concernant notre parcage abusif dans un camp de Harkis alors que notre père était militaire d'active (non Harki).<br /> <br /> Ce statut nous a exclus de tous les dispositifs d'entraide destinés exclusivement aux Harkis alors que nous avons subi les mêmes lois de parcage dans ces camps de la honte, et pire même, puisque le statut de notre père, fonctionnaire de l'armée française, toujours en activité après son rapatriement, n'a pas été respecté.<br /> <br /> Nous attendons toujours des excuses du gouvernement, une réparation à la hauteur de notre préjudice, nous qui avons été parqués abusivement durant 7 longues années dans un camp sordide !<br /> <br /> <br /> Je serais ravie d'échanger avec vous sur le sujet. A cet effet, je vous ai envoyé un message mail avec mes coordonnées.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> Mireille Bouglouf;
J
Je suis absolument d'accord avec vous ma Chère Michelle, et si les faits sont avérés comme ils nous ont été présentés par cette famille ; il y a tout lieu de croire que leur requête mérite un examen plus que favorable.<br /> <br /> Je m'etonne d'ailleurs qu'aucune initiative associative à ma connaissance, n'a pu être entreprise pour accompagner cette famille, si son statut le justifie !<br /> <br /> C'est dans ce type de situations, que les associations de Harkis doivent faire preuve de solidarité pour soutenir cette famille dans ses démarches tant auprès de la Cnih, <br /> qu'auprès du Tribunal administratif dans le cadre d'un recours<br /> <br /> Sous réserves de l'état actuel du dossier, et pour soutenir cette action , j'invite cette famille à prendre contact avec les associations, et au besoin de me contacter à mon adresse mail :<br /> <br /> bjp030854@gmail.com <br /> <br /> Bon courage !<br /> Fraternellement bien à vous.<br /> <br /> Jean Pierre Behar