Le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, estime que le président français n'a "occulté ni le passé ni l'avenir".
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Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, François Hollande a reconnu solennellement jeudi à la tribune du Parlement algérien les "souffrances que la colonisation française" a infligées à ce pays, sans pour autant formuler les excuses de la France. "Je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien (...), pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal", a lancé le président français dans un discours historique devant les deux chambres du Parlement algérien réunies.
De nombreux Moudjahidine, combattants d'une guerre de libération sanglante et cruelle qui a mis fin à 132 années de colonisation française, siègent encore dans ce Parlement qui l'a applaudi debout à l'issue de son discours.
François Hollande avait cependant prévenu dès mercredi, au premier jour d'une visite d'État de 36 heures en Algérie, qu'il n'entendait ni faire acte de "repentance" ni présenter des "excuses".
Une dizaine de partis politiques algériens, dont quatre islamistes, ont dénoncé en amont de cette visite "le refus des autorités françaises de reconnaître, excuser ou indemniser, matériellement et moralement, les crimes commis par la France coloniale en Algérie".
Ce discours "n'a occulté ni le passé ni l'avenir", a en revanche estimé le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci.
La relation franco-algérienne à laquelle le président français aspire, a-t-il dit, doit reposer sur un "socle de vérité", car "rien ne se construit sur des dissimulations, dans l'oubli ou le déni". Et cette vérité, a-t-il souligné, passe par la reconnaissance des "injustices", des "massacres" et de "la torture".
Massacres de Sétif, Guelma et Kherrata
Comme Jacques Chirac en 2005, François Hollande a reconnu le massacre de Sétif perpétré le 8 mai 1945, "le jour même où dans le monde triomphaient la liberté et la justice, la France manquait à ses valeurs universelles". Mais le chef de l'État a évoqué aussi ceux de Guelma et de Kherrata, qui demeurent de la même manière "ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens".
Interrogé par l'Agence France-Presse, l'historien Jean-Luc Einaudi, spécialiste de la guerre d'Algérie, a jugé que le discours du président, s'il comportait certains points "positifs", n'était "pas inédit". Rappelant que Nicolas Sarkozy avait lui aussi dit en décembre 2007 que le "système colonial a été profondément injuste, contraire aux valeurs de la République", il a estimé que les propos de François Hollande ne constituaient "pas une grande innovation".
La veuve de Maurice Audin, le mathématicien communiste disparu à Alger en 1957 après son arrestation par des militaires français, a qualifié de "minimum du minimum" le discours du président, lui reprochant d'avoir "prononcé le mot torture entre deux ou trois autres, en passant très vite alors qu'il aurait été bien qu'il ne passe pas sous silence ce genre de choses hautement répréhensibles".
"Accueillir mieux" les Algériens en France
François Hollande a en outre promis" d'accueillir mieux" les Algériens qui demandent des visas pour se rendre en France, afin que ces demandes ne deviennent pas un "parcours d'obstacles ou, pire encore, une humiliation". "Nous avons besoin que se poursuivent et même s'amplifient les allers-retours des étudiants, des entrepreneurs, des artistes, des familles, bref tous ceux qui animent la relation" entre la France et l'Algérie, a-t-il fait valoir.
La France attend de l'Algérie "qu'elle ouvre plus largement ses portes aux Français qui souhaitent se rendre sur votre territoire", a poursuivi François Hollande. Il a évoqué ceux qui "ont des souvenirs, des attaches familiales, affectives ou des projets professionnels ou personnels à réaliser", dans une allusion aux pieds-noirs et harkis, notamment.
Le président français a promis d'autres ouvertures en direction de la jeunesse algérienne, cette fois, avant de s'adresser directement aux étudiants algériens dans l'après-midi à l'université de Tlemcen, 580 kilomètres plus à l'ouest. Il a ainsi évoqué la mise en oeuvre à l'échelon méditerranéen d'un système d'échanges universitaires similaire à Erasmus, le programme européen d'échange d'étudiants, la création de quatre "instituts d'enseignement supérieur de technologie" algériens, sur le modèle des IUT français, et celle d'une maison de l'Algérie à la cité universitaire internationale à Paris.
Accueilli mercredi en grande pompe par son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika, François Hollande avait assisté avec lui à la signature d'une demi-douzaine d'accords dont celui, âprement négocié, sur la construction près d'Oran (Ouest) d'une usine de montage de Renault susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25 000 véhicules par an.
Article Source : AFP