18 Décembre 2013
Comme pour chasser les vieux démons qui rôderaient encore par ici, les pales des grandes éoliennes installées à quelques mètres de l’ancien camp coupent l’air épais et silencieux à un rythme régulier. Sur cette plaine de l’Agly, à quelques kilomètres de Perpignan, s’écrit une page noire de l’Histoire de France.
Nous sommes en 1938 : au nord, les bruits de bottes et de chars font craindre le pire. Au sud, pas très loin au-delà des crêtes, les balles sifflent aux oreilles des Républicains. La Légion Condor a rasé Guernica l’année précédente et les jours de la deuxième République espagnole sont comptés. Les réfugiés vont s’entasser dans les camps de plages (Argelès, Saint -Cyprien). Leurs conditions sont rudes. Minimales.
La Retirada va jeter sur les routes des milliers de réfugiés. A Rivesaltes, les 600 hectares du terrain militaire vont peu à peu changer d’affectation. Des baraquements sont construits. Un peu à la va vite. Parfois par les réfugiés eux-mêmes.
1938 : le gouvernement prend un décret qui autorise «l’internement des étrangers indésirables».
Janvier 1941 : une partie du camp va être transformée, selon la dénomination officielle de l’époque, en «centre d’hébergement». En mai de la même année, il y aura déjà plus de 6 000 «hébergés» et 16 nationalités.
Signé Rudy Ricciotti
Aujourd’hui, le conseil régional de Languedoc-Roussillon se bat pour que vive la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui ont transité par ces travées. Certains ne reviendront pas de déportation. Les juifs seront parqués puis transférés par le train qui s’arrête juste à côté, vers leur destination finale : Auschwitz.
D’autres mourront ici, fatigués par un trop long voyage. C’est Rudy Ricciotti qui conçoit le mémorial. Une œuvre architecturale qui sera semi-enterrée et dont l’architecte a voulu qu’elle soit un hommage à ceux qui sont passés ici. Elle devrait faire date, comme toutes ses créations.
De janvier 1941 à novembre 1942, plus de 21 000 personnes vont transiter
par Rivesaltes. L’invasion de la zone libre par les Allemands entraînera la fermeture du camp, l’armée allemande le gardant pour elle.
Il resservira en 1962 pour accueillir les Harkis. Dans des conditions difficiles. Parfois dans des villages de tentes en attendant la réfection des bâtiments. Ils seront aussi près de 21 000 à avoir vécu ici.
Jusqu’à la fin des travaux, le camp ne se visite plus ou presque. Le conseil régional a acquis l’îlot F pour sauvegarder ce patrimoine. L’armée reste propriétaire du reste du camp mais en interdit désormais l’accès.
Quelques baraquements sont encore debout. Alignés au cordeau, bâtis sur le même modèle, aux mêmes dimensions dans une rigueur toute militaire. De temps en temps, l’un s’écroule sur lui-même comme un château de cartes trop fatigué de ce qu’il a vu, entendu, ou de ce qui s’est murmuré en ses murs.
À espace égal, les latrines surélevées sont encore debout. Curieusement, ce sont elles qui ont le mieux résisté à l’usure du temps.
On imagine les conditions de détention. Le froid ? Il est mordant, renforcé par cette satanée tramontane qui, l’hiver, vous glace jusqu’aux os. La chaleur ? Elle vous ratatine l’été comme une vulgaire peau de lézard, dans cette garrigue où ne pousse pas un arbre. L’hygiène ? Quelle question ! L’intimité ? Il n’y en a pas.
C’est un lieu qui appelle désormais au silence et au recueillement, mais qui ouvre aussi les portes à l’espoir, au-dessus de la violence. Ainsi cette rencontre entre un jeune bénévole allemand qui a fait visiter le camp à des lycéens de Tel Aviv : plus qu’un symbole. Un devoir de mémoire et de réconciliation.
Article Source :
*******
l'Association Départementale Harkis Dordogne Veuves et Orphelins , et le site http://www.harkisdordogne.com/ Périgueux