3 Décembre 2024
Conférence et débat sur les prisonniers musulmans de l’île de Sainte Marguerite (06)
Le 1er Novembre 2024 le Collectif Départemental des Harkis du 06, a été convié par Fouzia Nehari organisatrice de cet événement à une conférence qui avait fait longtemps débats, et lancé les investigations sur la Smala de l'Emir Abdelkader, à quelques encablures de Cannes, et précisément sur l’île de Sainte Marguerite.
Cet événement a rassemblé des représentants du Collectif Départemental des Harkis du 06, les associations Vivre Ensemble à Cannes, de AISA ONG Internationale, ont été conviés par Fouzia Nehari organisatrice de cet événement historique.
Une conférence qui avait fait longtemps débats, et qui lance à nouveau les investigations sur la Smala de l'Emir Abdelkader, à quelques encablures de Cannes, et précisément sur l’île de Sainte Marguerite.
Anna Damon doctorante et universitaire est venue partager ses connaissances en matière d'histoire de la Colonisation d'Algérie devant un public captivé et attentif tant au sujet proposé, qu'au débat.
La paix était au rendez-vous de la mémoire collective, pour honorer le douloureux passé ancestral, et pour construire un avenir tous ensemble.
La paix ne se limite pas à l’absence de conflit, elle se nourrit aussi de la mémoire et du respect des histoires oubliées...
C’est dans cet esprit qu'en cette journée du 1er novembre dédiée à la paix et à la mémoire collective,
à l'initiative de Mme Fouzia Nehari , que s'est tenue ce moment unique de partage et de réflexion.
L'Association des A.C Harkis de Mouans-Sartoux présidée par Patrice Nemri, s’est investie en Hommage de leurs pères qui avaient découvert au détour de leur travail, cette page méconnue de l’histoire : celle des prisonniers, et du cimetière de l’île Sainte-Marguerite pendant la conquête de l’Algérie.
La matinée a été marquée par une présentation d'Anna Damon, doctorante en histoire, qui a éclairé cette période fascinante et bouleversante.
Elle a permis de découvrir l’histoire de plusieurs centaines de prisonniers, issus en partie de la Smala de l’Émir Abdelkader, déportés sur cette île-prison, et qui s'est poursuivie par un cercle de parole et un repas partagé.
Inutile de dire que le débat été passionnant et passionné à l'heure du déjeuner, laissant apparaître les prémices de nouvelles rencontres en 2025 !
Un moment de prise de conscience et de connaissances partagée par des héritiers d'une histoire commune restée longtemps enfouie dans la Mémoire collective au large de la Baie de Cannes...
Enfants de Harkis, de Métropole ou d'Algérie de la seconde génération, se sont retrouvés l'espace d'une conférence face à leur Histoire, unis dans cette période de la colonisation, celle "des Prisonniers de l'île Sainte Marguerite", dont les détenus auraient pu être leurs aïeux communs...
Une rencontre placée sous le signe de la Réconciliation, qui a réunie quelques novices et autres férus de l'histoire, et qui s'est tenue dans une salle de restaurant du Boulevard Jean Hubert, non loin de l'embarcadère...
Le thème de cette rencontre, était consacré aux prisonniers musulmans
de la Smala de l'Emir Abdelkader, qui ont été incarcérés pendant de nombreuses années au Fort du célèbre Masque de Fer...
Et le public venu nombreux, issu des deux rives de la Méditerranée, a contribué au succès de cet événement qui laisse présager les prémices de la Réconciliation entre les deux pays.
Parfois, le hasard fait bien les choses pour que certaines vérités ressurgissent des méandres de l’oubli, et soient dites au public longtemps laissé dans l'ignorance, malgré les traces des archives scrupuleusement gardées comme un secret d'Etat !
L'histoire de cette période ne serait jamais connue, si dans les années 1975-80, des ouvriers forestiers anciens Harkis de Mouans-Sartoux, n'avaient mis à jour l'un des plus anciens cimetières musulmans de l'Hexagone...
Ce mystérieux cimetière musulman perdu au milieu de nulle part, enseveli sous la végétation dense et sauvage à proximité d'un Carré militaire datant de la Guerre de Crimée en 1851, dont les sépultures sont bien entretenues à l'image du site paradisiaque de l'île Sainte-Marguerite...
Dès la découverte de ce lieu de mémoire, et après de multiples et difficiles actions et investigations, toutes les portes se sont fermées, se souvient l'un des intervenants Jean Pierre Behar : " Nous obtenions les informations au compte-gouttes, malgré nos démarches successives auprès des Archives municipales, départementales ou régionales.
" En y réfléchissant avec un peu de recul, j'avais comme une impression de déjà vu " !
Cela lui rappelait curieusement une période similaire, comme l'internement des Harkis dans les camps de Rivesaltes, Bias ou de Saint Maurice l'Ardoise, où furent découvertes plusieurs centaines de tombes d'enfants de Harkis en bas âges...
En guise de réponse de l'administration, cela voulait dire en clair : " Circulez il n'y a rien à voir " !
En réalité une fin de non-recevoir, un peu à l'image des enfants de Harkis morts de froid et de maladies, qui avaient été inhumés sans sépultures dans des cimetières sauvages découverts récemment dans le Gard et les Pyrénées Orientales.
À l'ordre du jour de cette conférence, Anna Damon a développé tous les détails, les tenants et les aboutissants sur les conséquences de la Colonisation française en Algérie, qui ont conduit à l’exil et l'incarcération de la Smala de l'Emir Abdelkader.
Autant dire que c'était un secret bien gardé, sur les conditions de vies et d'incarcération...
Bref, plus d'un millier de personnes sur l'île, dont des membres de la Smala d'Abdelkader, des Mamelouks d'Egypte, ainsi qu'une trentaine de corps de combattants de la Guerre de Crimée, qui reposent à proximité du Cimetière militaire, lui très bien entretenu !
En 1975, le Chargé de la Communication du Collectif Harki 06, Jean Pierre Behar avait recueilli quelques informations d'anciens ouvriers forestiers travaillant sur l'Ile, avant de se lancer avec le soutien d'une association de Harkis de Cannes dans des investigations interminables auprès des Archives municipales, départementales, et celles de Aix en Provence.
Un long travail de recherches, qui malgré les obstacles de l'administration... l'obstination de l'Association de Harkis de Cannes, a fini par payer par la découverte de ce cimetière musulman qui comptait près de 300 tombes anonymes enfouies sous une végétation dense et sauvage...
Au milieu de ces cercles orientées selon le rite musulman, une stèle saluait leur mémoire, sans donner pour autant, ni l'origine de leurs présences, ni leurs engagements.
Pourtant, selon quelques rares archives d'époque, à quelques centaines de mètres, dans l'enceinte du fort, on y voit des hommes en djellaba qui se chauffent au soleil dans une cour du fort de l’île Sainte-Marguerite entourée de hauts murs de près de 6 mètres pour prévenir toute évasion...
Les femmes et les enfants sont à l’intérieur des baraquements. Venus d’Alger, ce sont des prisonniers de la guerre de conquête de l’Algérie.
Selon la conférencière, Anna Damon et des archives d'époque, entre juin et juillet 1843, il y a avait 49 hommes, 113 femmes, 89 enfants et 39 domestiques ont été débarqués sur l’île, escortés d’un contingent de soldats.
Ces prisonniers constituaient la Smala de l’Emir Abd El-Kader. Un chef de guerre qui a résisté longtemps à l’armée coloniale française du Général Bugeaud, avant sa reddition pour protéger les siens.
Parmi les détenus de l'Ile Sainte Marguerite, ses trois épouses, ses deux fils, sa famille, ses proches et ses subordonnés ont vécu plusieurs années dans la prison du fort.
« Il y avait aussi des mamelouks égyptiens et des insurgés criminels algériens, environ 350 personnes en tout » précise le président de l’Association de défense du patrimoine historique de l'une des deux ’îles de Lerins
Beaucoup de ces prisonniers sont morts sur l’île, notamment les enfants, dont les conditions de vie étaient particulièrement difficiles : « Au début, ils étaient à l’intérieur du fort, à vingt par cellule. Ils ne sortaient pas et dormaient sur des paillasses. Il y avait beaucoup de maladies à cause de l’eau qui venait des gouttières et stockée dans des citernes. »
En 1842, alertées par un médecin, les autorités ont amélioré leurs sorts.
Désormais, diverses actions et autres projets continuent d’être menés sur le plan scientifique et historique.
Anna Damon et tous les participants ont su le rappeler lors de la Conférence, en se rendant ensemble sur ce haut lieu de Mémoire, pour déposer des gerbes, lire une prière et se recueillir sur ces tombes anonymes ...
La visite s'est clôturée dans l'après-midi par une visite guidée et un moment de recueillement au cimetière musulman de l’île Sainte-Marguerite où une prière pour la paix a été récitée.
Cet hommage à ces hommes, femmes et enfants qui y reposent, a permis de se rassembler dans un esprit de respect et de mémoire partagée, renforçant le lien entre histoire, spiritualité et paix.
Le mystère du cimetière musulman de l’île Sainte Marguerite, demeure entier...et témoigne encore aujourd’hui de cette partie méconnue de l’histoire de l’île, similaire à celle des Harkis longtemps internés dans les camps de Rivesaltes, du Larzac, de Bias et de Saint-Maurice-l’Ardoise...dans le silence...
Comme quoi, parfois l'histoire se répète...
Jean Pierre Behar Chargé de Communication auprès du Collectif Harkis 06.
https://www.harkisdordogne.com/
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