28 Octobre 2018
Katia Khemache est professeur d'histoire à Libourne. De sa thèse sur la population harki de Lot-et-Garonne de 1962 à aujourd'hui, elle a tiré un livre, « Harkis, un passé qui ne passe pas».
Pour les harkis de la première génération, le temps continue de faire son œuvre. Les enfants et les petits-enfants ont pris la relève. À la fois pour perpétuer la mémoire des «supplétifs» de l'armée française qui avait choisi la France dans cette période troublée que l'on nomma longtemps «les événements d'Algérie».
S'ils poursuivent le combat pour la mémoire, les harkis de Lot-et-Garonne et d'ailleurs au sein, par exemple, du Comité national de liaison espèrent une juste indemnisation au nom des pères. C'est un peu au nom du père que Katia Khemache s'est penchée sur l'histoire des harkis. Professeur à Libourne et docteur en histoire, elle était à la librairie Martin-Delbert en fin de semaine dernière pour présenter son ouvrage «Harkis, un passé qui ne passe pas». «C'est en réalité une partie de ma thèse sur «La Relation entre les pouvoirs publics français et la population harki lot-et-garonnaise de 1962 à nos jours».
«Quête identitaire»
Que reste-t-il aujourd'hui du camp de Bias ? Quelques baraquements pour raconter l'histoire. Une stèle pour rappeler l'histoire. Katia Khemache s'est toujours intéressée à la question harki. Son père, d'origine kabyle, est né en Algérie. «C'est ce qui explique pourquoi, depuis mon plus jeune âge, je me questionne sur mes racines familiales».
C'est aussi ce qui a poussé l'actuelle professeure à entreprendre des études en histoire. «Une réalité, peu de productions sur le sujet ont été menées. Pour moi, le choix de travailler ce sujet des harkis répondait à un besoin en matière de recherche, le tout doublé d'une quête identitaire personnelle», précise Katia Khemache.
«Il y avait un réel besoin de matériau historique sur cette période relativement récente. Je suis issue de l'immigration. C'est donc une quête historique et personnelle», poursuit l'auteure qui éclaire le terme harki. «Cela désigne tous les Français musulmans qui ont travaillé au service de l'armée et de l'administration française pendant la guerre d'Algérie (1954-1962).
Menacés sur le sol algérien, accusés de traîtrise au lendemain des accords d'Evian, victimes d'exactions massives après l'Indépendance de l'Algérie, les lendemains ont été difficiles».
Le livre «Harkis, un passé qui ne passe pas» s'inscrit dans le prolongement des travaux universitaires de Katia Khemache. Il raconte les arrivées des anciens supplétifs en France dans les années 1960 et éclaire la révolte du camp de Bias menée en 1975 par une frange de la seconde génération.
- Dans le futur, d'ailleurs, Katia Khemache aimerait publier un cahier photographique sur le camp de Bias et sur les prémices de la première révolte.
- Elle envisage également de faire traduire son ouvrage en langue algérienne pour «commencer à parler de la question harki en Algérie».
25/10/2018
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Katia Khemache dédicace son livre à la librairie Martin-Delbert à Agen (47) . / Photo Katia Khemache
Katia Khemache à présenté le samedi (20/10/2018) son ouvrage, « Harkis, un passé qui ne passe pas» paru aux éditions du Cairn, à la librairie Martin-Delbert de 14h30 à 18h30. Cette professeure d’histoire-géographie dans le secondaire exerce à Libourne et mène en parallèle ses recherches sur la question Harkie. Elle raconte l’histoire de ces familles qui ont vécus dans la peur puis la révolte, et qui réclament une reconnaissance de la responsabilité de la France.
Quand on parle de Harkis on désigne tous les Français musulmans qui ont travaillé au service de l’armée et de l’administration française pendant la guerre d’Algérie (entre 1954 et 1962) et qui ont été accusé de traitrise au lendemain des accords d’Evian. Ils ont été menacés sur le sol algérien et victimes d’exactions massives après l’Indépendance d’Algérie et l’abandon de l’Etat Français qui a refusé de les rapatrier. Le million de pieds-noirs était la priorité nationale pas les Harkis. Ils ont subi une discrimination raciale.
Pourquoi publier un livre sur cette question 56 ans après la fin de la guerre d’Algérie ?
Il y avait un réel besoin de matériau historique sur cette période qui est relativement récente puisque lorsque j’ai commencé mes recherches universitaires, les archives commençaient à peine à s’ouvrir. Cette question a longtemps été tue en France.
D’autre part je suis issue de l’immigration, avec des parents kabyles, et c’était tabou familial que j’ai eu envie de percer. Finalement c’est une quête historique et personnelle.
Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’abandon des Harkis en Algérie, cela va-t-il permettre de lever définitivement un tabou national ?
Cela a relancé la question Harkie d’un point de vue médiatique et auprès de l’opinion publique donc je pense que ca va dans le bon sens. Cette reconnaissance permet de faire connaître les revendications portées par le monde associatif que ce soit en matière de réparation matérielle suite aux conditions d’accueil déplorables, mais aussi de reconnaissance mémorielle et historique.
Une enveloppe de 40 millions d’euros sur 4 ans a été annoncée par le président, cela est-il suffisant ?
Tout dépend de comment cette enveloppe va être répartie. Je ne pense pas que l’on puisse chiffrer les séquelles ou le traumatisme à l’origine de cette identité Harkie. On est plutôt sur une quête de reconnaissance mémorielle avant tout puisqu’il s’agit d’une seconde génération âgée maintenant d’une cinquantaine ou une soixantaine d’années.
Une partie de ces fonds devraient revenir au fonctionnement du mémorial du camp de Rivesaltes, ce que je trouve fondamental pour la transmission de l’histoire.
L’Etat a récemment été condamné par le Conseil d’Etat pour les conditions de vie « indignes » dans le camp de Bias.
Quelle est l’impact de cette décision de justice ?
Il serait formidable que cette décision fasse jurisprudence, et je pense que ce sera le cas. C’est le résultat d’un combat mené par le Comité national de liaison des harkis basé à Bias et qui avait déjà porté plainte contre la France pour crime contre l’humanité. Ce combat juridique devrait être relancé après cette première condamnation.
Le camp de Bias était l’un des deux camps en France où étaient placés les hommes seuls, handicapés mentaux ou physiques, ceux que les notes de l’époque nommaient les « inclassables » ou les « indésirables ». C’est une frange très minoritaire d’exclus qui vivaient dans des baraquements isolés, dans des conditions très difficiles. Ce sont des familles qui se sont construites dans une violence quotidienne, encadrés par des militaires et entravés dans leur intégration à la société française.
Quel est l’état d’esprit actuel des Harkis du Lot-et-Garonne ?
Les Harkis du département sont dans une colère intarissable. Il faut bien comprendre que la révolte est pour eux une manière d’exister, de trouver leur place dans la société. Ils sont également très dubitatifs concernant les promesses étatiques puisque ce n’est pas la première annonce d’un gouvernement de la Ve république.
19/10/2018
Prochaine rencontre à Pau (64)
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