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Les harkis de Vic-le-Comte ( Puy-de-Dôme )

Mohamed, 81 ans, se souvient comment, en 1963, il a retrouvé une partie de sa famille dans le cam...

Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme)

 

C'est un bourg tranquille et coquet du Puy-de-Dôme, à une trentaine de kilomètres de Clermont-Ferrand, en bordure du plateau de Gergovie, là où les Gaulois de Vercingétorix résistèrent aux légions de César, en 52 avant Jésus-Christ.

C'est ici, à Vic-le-Comte, 5 012 habitants aujourd'hui, qu'en 1964 une poignée de familles de harkis, supplétifs de l'armée française durant la guerre d'Algérie, vint trouver refuge après l'exil forcé provoqué par la victoire des indépendantistes du FLN.

Considérés comme traîtres dans leur pays, devenus poids gênant pour la France, oubliés de l'Histoire, ils n'ont laissé que peu de traces dans le paysage: ni mémorial, ni association, ni mosquée.

Le seul signe de leur présence est dans le bottin qui égrène les noms de leur clan: Mares, Fedlaoui, Azrou, Mermad…

 

« IL EST TROP TARD »

Mohamed, 81 ans, se souvient comment, en 1963, il a retrouvé une partie de sa famille dans le cam...

Mohamed, 81 ans, se souvient comment, en 1963, il a retrouvé une partie de sa famille dans le camp de Rivesaltes et pu s’installer ensuite à Vic-le-Comte.

De ce passé douloureux, la plupart refusent de parler. « Pendant cinquante ans, personne ne s'est intéressé à nous.

Il est trop tard maintenant », ont répondu certains. Seul Mohamed, 81 ans, a accepté de témoigner. Calé dans son fauteuil, face à la télé qui bourdonne, le vieil homme se souvient, le regard lointain.

En 1957, pour faire vivre sa famille, ce fils de paysan pauvre, jusqu'alors employé d'un colon, s'engage dans une « harka », groupe mobile chargé de protéger la région fertile de Novi, arrière-pays de Cherchell, des attaques de l'Armée de Libération Nationale (ALN).

Après la signature des accords d'Évian, en mars 1962, il est congédié par l'armée et doit fuir précipitamment vers la France afin d'échapper aux représailles qui feront des milliers de victimes à travers la nouvelle Algérie.

 

COUP DE POUCE DU DESTIN

 

Exilé en région parisienne, il apprend, durant l'été 1963, que les siens sont à Rivesaltes, près de Perpignan, dans un de ces camps où les autorités parquent les harkis réfugiés en France.

Il y retrouve sa femme et leur fils ainsi qu'une dizaine de membres du clan familial qui vivent entassés dans un baraquement.

Quelques mois plus tard, il obtient, avec d'autres chefs de famille originaires de Novi, les certificats d'hébergement et d'embauche qui ouvrent la porte du camp.

Ce coup de pouce du destin, ils le doivent à un coreligionnaire, Brahim Kherroubi, et à un maçon d'origine italienne, Milou Santuz, tous deux installés à Vic-le-Comte.

C'est ainsi que plusieurs familles berbères, toutes plus ou moins liées par des liens de parenté, viennent s'installer dans un petit village auvergnat pour se reconstruire un avenir.

 

« SANS PROBLÈME DE RACISME »

 

Certains ont fait souche à Vic-le-Comte comme Mohamed, sa femme Melkheir et leurs quatre fils. À force de travail, d'abord comme manœuvre puis comme employé municipal à Clermont, Mohamed a retapé patiemment une vieille grange, près de l'église, puis s'est acheté une seconde maison, plus moderne, où il coule sa retraite.

Les enfants ont grandi au milieu des autres petits Français. « Sans problème de racisme particulier », précisent-ils.

Trois ont épousé des Françaises et se sont installés à proximité des parents. L'aîné, ­Mohamed, né en Algérie, est devenu boucher; Kader est responsable logistique d'une société de métallurgie à Issoire; Ouahib est éducateur sportif à la mairie de Vic, et Rachid, le plus jeune, travaille pour une entreprise d'insertion.

LA CHAPE DE SILENCE ET DE HONTE

« Pendant longtemps, l'histoire familiale a été taboue »,

se souvient Kader.

« Adolescent, j'avais lu que les harkis étaient des traîtres et j'en voulais secrètement à mon père d'avoir fait le mauvais choix », poursuit-il.

Jusqu'au jour où le jeune homme tombe sur un livre de Mohand Hamoumou (1), actuel maire de Volvic, qui rompt la chape de silence et de honte pesant jusque-là sur la communauté.

Suivront dix années intenses à militer au sein de l'association AJIR pour les harkis (2) pour faire connaître et défendre la « cause ».

De fait, depuis quelques années, les langues se délient dans la seconde génération. En 2005, Fatima Besnaci-Lancou publiait ainsi Fille de harki (3), bouleversant témoignage sur l'épopée de sa famille. Elle y raconte notamment son arrivée, en 1964, à Vic-le-Comte, ce « Nouveau Monde » qui s'ouvrait alors à la petite fille qu'elle était.

 

Un mémorial pour les « indésirables »

Il n'existe, à ce jour, aucun lieu pour témoigner du sort et du traitement réservé par la France aux quelque 300 000 harkis durant la guerre d'Algérie.

Cet oubli honteux sera réparé cet automne avec l'inauguration du Mémorial de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), à l'emplacement même du camp où furent relégués 21 000 d'entre eux et leurs familles en attente d'un « reclassement ».Réfugiés espagnols, juifs, anciens supplétifs de l'armée française: de 1939 à 1964, le camp de Rivesaltes a servi de lieu d'internement et d'exclusion à des milliers de personnes tenues pour « indésirables ».

Lancé en 1998 par la région Languedoc-Roussillon, le projet de mémorial veut rendre hommage à ces communautés victimes de l'Histoire en restituant, à destination du grand public, leur destin tragique.

 

(1) Et ils sont devenus harkis, Fayard, 349 p., 24 €

(2) http://www.harkis.com

(3) Les éditions de l'Atelier, 128 pages, 13 €.

Article Source : D'ABBUNDO Antoine

 

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