15 Novembre 2016
Hamid Garah et son père Mébarek (en fauteuil), ancien de l’ONF dans les années 80. DR
Hamid Garah est le fils de Mébarek, ancien supplétif. La stèle commémorative inaugurée fin septembre a été à nouveau vandalisée le mois dernier...
Maintenant, je relativise beaucoup, je ne suis pas en guerre..." Hamid Garah fut l'un des rares membres de la communauté des harkis à pouvoir s'exprimer lors de l'inauguration, fin septembre, de la stèle du hameau de Ravin, sur les hauteurs de La Grand-Combe.
Avec une émotion à fleur de peau, la voix tremblante, le fils de supplétif avait signifié, en présence de son père, Mébarek, combien était attendue"la reconnaissance officielle du statut des harkis". Le jour même, François Hollande, à Paris, avait reconnu "les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis ".
Quelques jours après, Hamid Garah avait accepté de parler, contrairement à la plupart de ses aînés, toujours meurtris par la peur de représailles.
Il évoqua l’histoire de son père et la colère d’un fils : "En Algérie, mon père était un jeune agriculteur.
Il travaillait la terre, dans les Aurès.
D’un côté, il y avait le FLN (Front de Libération Nationale, NDLR) et de l’autre, l’armée française.
Il y avait des pressions des deux côtés et surtout, la peur. Certains ont fait des choix, par idéologie, d’autres n’avaient pas le choix… Mon père protégeait sa famille, on lui avait donné des armes pour ça.Et même s’il ne racontait jamais ces années-là, il nous a assuré, à nous ses enfants, qu’il n’avait jamais tué personne."
"Qu’on donne à nos pères, leur vraie place, chez les anciens combattants "
Vint le temps de l’exil. L’obligation de quitter la terre natale vers laquelle Mébarek Garah" n’est jamais retourné.
Là-bas, des listes rouges existent encore…", explique son fils.
Dans les années 60, après de courts passages à Saint-Maurice-l’Ardoise, le camp militaire de transit du Gard Rhodanien, puis en Auvergne, Mébarek Garah arrive à la Grand-Combe, en 1973, intègre l’ONF (Office National des Forêts) et installe les siens dans les anciens logements des mineurs," si vétustes que le confort était meilleur dans les camps.
En plus, les Harkis étaient toujours logés dans des lieux isolés, à l’extérieur de la ville, et éloignés des quartiers habitués par les familles algériennes…", souligne Hamid Garah.
Né dans la Cantal." L’endroit le plus froid de France !", il avait été rebaptisé.
" On nous a dit : ‘ Maintenant, vous êtes français, alors vous aurez des prénoms français !’Je me suis appelé Christophe.
Et mes frères Djamel et Amar, Jean-Claude et François. Les filles, mes sœurs, elles, n’ont pas eu de prénoms français."
"Ce qui m’a sauvé, c’est l’école. Je ne me suis senti intégré que grâce à l’école"
Malgré cette " francisation", le jeune Garah subit les insultes,
" des " espèce de traites de harkis !", j’en ai entendus…", et vit mal" d’être loin de tout, à Trescol (30)"." Ce qui m’a sauvé, c’est l’école. Je ne me suis senti intégré que grâce à l’école, aux professeurs et la confiance qu’ils plaçaient en moi."
Contrairement à son père, "qui n’a jamais voulu quitter le hameau forestier de Ravin", où Mébarek Garah, à 96 ans, vit toujours, le fiston s’est émancipé et a quitté le quartier pour construire sa vie.
Il a lui aussi, porté l’uniforme de l’ONF," six mois", puis, en 1994, il est devenu policier municipal, à Alès.
"Et je ne me sens pas comme un supplétif, pas du tout ! Je relativise beaucoup, je ne suis pas en guerre. Mais je ne veux pas que mes enfants vivent ce que j’ai vécu. Et, surtout, j’attends qu’on donne à nos pères, leur vraie place, chez les anciens combattants."
Mébarek Garah vivra-t-il ce moment ? Pour mémoire, vandalisée avant même son inauguration, la stèle commémorative a été, une nouvelle fois brisée, le mois dernier…
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