4 Novembre 2017
«Traumatisme des mémoires et mémoire des traumatismes. Autour de la guerre d’Algérie», tel était le thème d’un colloque récemment organisé à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris).
A chaque anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, dont nous célébrons, ce 1er Novembre 2017, le 63e anniversaire, le thème de la violence et du déchirement humain a une résonance particulière. Les conséquences brutales de la spoliation que représente la colonisation sont appréhendées jusque dans des catégories sociales insoupçonnées, au-delà des colonisés proprement dits, tant l’asservissement joue sur des ressorts subtils de domination.
La Société franco-algérienne de psychiatrie a organisé un colloque dans le but de «contribuer à mieux comprendre pourquoi cette guerre continue de produire des effets particuliers sur la mémoire. Quels en sont les mécanismes, les processus en cause ?» Ses initiateurs ajoutaient qu’«il semble assez clair que la mémoire individuelle interagisse en lien étroit avec les représentations collectives et la manière dont sont traités les événements historiques par le corps social tout entier».
Et qu’«il est probable qu’elle soit également soumise à de nombreuses influences, évolutions et modifications que lui imprime ‘‘la conscience’’ (et/ou l’inconscient) collective. Il y a intrication entre traumatismes, mémoire individuelle, mémoire collective et mémoire historique dans des interactions et enchevêtrements multiples».
«Ces phénomènes peuvent être appréhendés en tenant compte des mécanismes neuro-psychologiques de la mémoire mais, à l’inverse, il est difficile de comprendre ces mécanismes sans prendre en compte les influences sociales et collectives». Il est donc d’emblée essentiel de «souligner la nécessité d’aborder ces questions de manière pluri et interdisciplinaire.
Une lecture qui consisterait à réduire les traumatismes de la mémoire à une configuration personnelle singulière ou celle encore qui relèverait d’une démarche exclusivement sociale et politique, au risque de dissoudre l’expérience subjective personnelle dans une approche historique globalisante, risque d’être restrictive et réductrice».
Aussi «au même titre que l’existence d’une problématique individuelle en rapport avec les états post-traumatiques, pourrait-on invoquer une forme de traumatisme propre à la société toute entière pour expliquer certaines manifestations de souffrance individuelle. On voit là toute la complexité de ces questions auxquelles la psychiatrie est soumise».
«Un silence général embarrassé»
Il s’agissait d’avoir les avis des analystes et regards d’historiens, de neuro-psychologues, psychiatres, universitaires, écrivains... pour «tenter de comprendre un peu mieux les particularités liées à la guerre d’Algérie et pourquoi elle demeure l’objet d’un silence général embarrassé». Et pour illustrer cette forme «d’amnésie collective» (NDLR : en France), il est assez significatif de constater la rareté des travaux des psychiatres des deux pays sur cette question essentielle, «contrairement à d’autres guerres ou conflits qui ont donné lieu à une littérature scientifique plutôt abondante».
Parmi les interventions, «L’articulation mémoire individuelle/mémoire collective», par Denis Peschanski (directeur de recherche au CNRS-France); «Lien entre le traumatisme colonial, son omniprésence dans le présent et l’impossible mémoire collective», par Pascal Blanchard (chercheur LCP/CNRS et Groupe de recherche Achac) ; «La guerre de Libération nationale (1954-1962) dans la mémoire des Algériens», par Mohand-Amer Amar (historien, chercheur au Crasc, Oran).
Ou encore, «Les immigrés algériens en France pendant la guerre d’Algérie. Traumatismes et identités», par l’historien Benjamin Stora ; «Retour sur le modèle du traumatisme historique, à propos du vote Front national chez les pieds-noirs» ; enfin, «Harkis : rapatriés ou réfugiés ? L’épreuve d’une identité singulière» par Fatima Besnaci-Lancou (historienne).
Nous reviendrons dans ces colonnes sur quelques-unes de ces interventions.
31/10/2017
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