2 Novembre 2018
Je me souviens de ce restaurant oriental, j’étais enfant. Le serveur était un ancien harki. Ma mère, qui a vécu à la frontière algéro-marocaine, m’a appris ce jour-là qui étaient les harkis, quels furent leur sort et notre abandon. J’ai levé les yeux vers cet ancien soldat, grand pour moi, silencieux et digne. Plus de 30 ans après, je n’ai pas oublié son visage.
Je me souviens de ce mois de juin 2005, j’ouvrais mon blog. Un ami m’avait interpellé sur la futilité de mes sujets ; il voulait que je me consacre au sort des Hmong. J’ai appris qui étaient les Hmong, peuple du Nord-Vietnam qui s’est battu aux côtés des Français, puis des Américains. Trente ans après la fin de la guerre, leurs derniers représentants, leurs enfants puis petits-enfants vivaient dans les forêts du Laos, impitoyablement traqués, sans toit, armés de rares, dérisoires et antiques fusils, blessés, mutilés sans être soignés, tirés comme des bêtes depuis des hélicoptères militaires. J’ai espéré naïvement et en vain que mon pays réagirait. Je revois leurs visages, évanouis depuis dans la mort et notre oubli.
Aurions-nous une tradition d’abandon et d’ingratitude ?
Qader Daudzai, ancien interprète de l’armée française en Afghanistan, avait vu sa demande de visa pour la France rejetée. Le 20 octobre, il est mort dans l’attentat-suicide qui a frappé le bureau de vote dans lequel il était observateur. Ils sont encore quelques dizaines – seulement – comme lui, dont le destin balance au gré de débats juridiques et d’opportunité entre un bureau du Quai d’Orsay et un autre au ministère des Armées, suspendus à une mémoire qui s’effiloche avec le temps et les nouveaux théâtres d’opérations. Qader Daudzai avait 33 ans, il laisse une épouse et trois petits garçons – de 2, 3 et 4 ans. La France les aidera-t-elle, ou les oublierons-nous aussi, eux et les autres « personnels civils de recrutement local » ?
Ce n’est pas ce que j’imagine lorsque flottent haut nos couleurs, ce qui m’anime quand je prononce le nom « France ». Nous aimerions aussi que, lorsque de l’étranger une conscience se tourne vers la terre française, elle pense encore Liberté, Fraternité et Humanité. Aurions-nous une tradition d’abandon et d’ingratitude ? Il est trop tard pour les harkis comme il l’est pour les Hmong, mais, pour les Afghans, il est encore temps d’éviter le déshonneur.
29/10/2018
Afghanistan : un interprète que la France avait promis de protéger tué dans un attentat.
Qader Daudzai "était un traducteur et interprète habillé comme un soldat français avec des tenues militaires. Il travaillait côte à côte avec l'armée française dans différentes opérations militaires dans la province de Taghap pour combattre les terroristes talibans", explique Adeel Abdul Razeq, de l'association des interprètes afghans de l'armée française. Qader Daudzai est mort le 20 octobre dans un attentat-suicide à Kaboul. 3 orphelins En quittant l'Afghanistan, la France s'était engagée à protéger ses interprètes. Mais en 2015, sur 252 demandes de visa, 152 ont essuyé un refus. Kader Daudzai, débouté par deux fois, devait lancer cette semaine une nouvelle demande. Sur place, sa vie était menacée par les Talibans. Pour aller voter, Qader Daudzai a pris le risque de sortir de chez lui. Il laisse derrière lui trois enfants de 2,3 et 4 ans dans un pays en guerre.
24/10/2018
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