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Exactions durant la guerre d’Algérie : Les archives à l’épreuve de l’opacité des dossiers des disparus

Pour Sylvie Thénault, qui signe un important article dans le mensuel L’Histoire N°466 daté décembre 2019, les disparitions participaient de la terreur de la guerre coloniale.

A la une du dernier numéro de L’Histoire qui vient de paraître, en bas de page la photo de Mustapha Lounnas, l’un des 300 disparus identifiés à ce jour durant La Bataille d’Alger, par le site 1000autres.org, tenu par les historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi. A l’intérieur du magazine, un dossier approfondi de l’historienne Sylvie Thénault sur le pourquoi et le comment de tant de victimes durant la lutte de Libération nationale.

Ce sont des dizaines des milliers de combattants pour l’indépendance dont on a perdu la trace. Il faut y ajouter les harkis, supplétifs de l’armée coloniale. Parmi les disparus aussi des dizaines d’Algériens en France, victimes de la répression, dont celle d’octobre 1961. S’y ajoutent enfin 1583 Français disparus à l’été 1962 et 200 soldats français manquant à l’appel du retour en 1962.

D’emblée, l’historienne restitue le sujet après la déclaration du président français Emmanuel Macron qui, le 13 septembre 2018, reconnaissait «la responsabilité de l’Etat français sur la disparition de Maurice Audin». Il annonçait également l’ouverture de toutes les archives. Un an après, un arrêté publié au Journal officiel, concrétise cette ouverture. Les délais de 75 ans ou 100 ans sont levés en vertu de cette dérogation.

Pourtant, écrit Sylvie Thénault, rien n’est simple : «Les disparitions furent innombrables et les archives ne sont pas faciles à décrypter

Selon la chercheuse, «pour être complète, l’ouverture des archives doit en outre inclure une déclassification des documents couverts par le ‘secret défense’.»

Pour Sylvie Thénault, le cas Audin et ceux de toutes les disparitions «découlent de la logique de guerre à l’œuvre». Ainsi, pour couper l’ALN de la population, «dans les villages comme en ville, l’armée française en lutte contre l’indépendance arrêtait, par dizaines, par centaines ou plus encore, des hommes et des femmes, pour les contrôler, les ficher, les interroger, mais aussi pour faire peur et dissuader tout un chacun de s’engager».

Ainsi, la chercheuse note que clairement, «les disparitions, consécutives à des exécutions sommaires ou des décès sous la torture, participaient de la terreur». Elle précise d’autre part que «la réglementation de la guerre offrait une couverture des exécutions sommaires. En 1955, une instruction a préconisé de tirer sur tout suspect tentant de prendre la fuite. Les exécutions pouvaient donc être mises en scène ou maquillés et déclarés en gendarmerie par des procès-verbaux de ‘‘fuyards abattus’’»

«Des anonymes aux histoires restées dans l’ombre»

A l’origine de cette tragédie, «la loi des pouvoirs spéciaux» qui a permis en 1956 la délégation des pouvoirs de police à l’armée : «Progressivement (elle) a concerné l’ensemble du territoire.»

Pour gérer les prisonniers, l’armée coloniale s’était dotée des centres de triage (ou de tri) et de transit (CTT). Ainsi, l’emblématique Maurice Audin avait été assigné au CTT d’El Biar. Au sujet des CTT, l’historienne lève un coin de voile troublant sur des personnes manquantes : «Officiellement en novembre 1959, il y avait 113 centres de triage et de transit dans toute l’Algérie.

Or, selon un rapport du 2 avril 1960, d’un inspecteur adjoint des Finances sur la gestion des CTT (conservé au Service historique de la Défense nationale sous la cote 1H 1100/2), il existait une différence ‘‘entre le nombre de rationnaires nourris au sein des CTT et les effectifs déclarés par la voie du commandement militaire’’. de janvier 1959 à août 1959, la moyenne mensuelle des rationnaires était de 19950 personnes alors que la moyenne mensuelle des ‘suspects déclarés le 25 de chaque mois’ était de 17740. L’écart mensuel moyen était donc de 2510».

L’inspecteur en question expliquait la différence par «des détentions officieuses»…

C’est ainsi que globalement, «les disparus sont dans leur ensemble des anonymes aux histoires restées dans l’ombre». Dans l’opacité totale, difficile de savoir combien ils sont, sachant que l’armée elle-même avait «un déficit de contrôle sur leur sort».

Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, les disparitions ont continué, qu’elles soient le fruit odieux de l’OAS ou des électrons libres du FLN. Aujourd’hui, les «associations luttant pour la reconnaissance des responsabilités françaises ont dénoncé les conditions d’application du cessez-le-feu et la non-intervention de l’armée». Le cas des tueries et disparitions d’Oran le 5 juillet 1962 étant particulièrement frappant.

Au terme de son exposé, Sylvie Thénault se demande si on n’est pas dans le contexte d’«une guerre de disparus ?» : «Les familles étaient rarement informées des morts et leurs circonstances. Les inhumations collectives de combattants, sans identification, ont été pratiques courante dans les cimetières de martyrs érigés dans le nouvel Etat.» Aujourd’hui, 67 ans après la fin de la guerre, cela reste une douleur incompressible.

26/11/2019

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R
Parlons des exactions en 'Algerie mais de toutes les exactions !! Non comme le font ces historiens nouvelle génération qui réduisent les crimes du FLN après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 à "des électrons libres du FLN." Et qui évoquent "la responsabilité de l'Etat français mais oublient celle plus grave de l'Etat algérien. La monstruosité du FLN n'a pas de limite. Durant la guerre déjà ce mouvement assassinnait ses opposants et massacrait des villages entiers. Après le cessez le feu ce sont 150000 morts chez les Harkis désarmés et des dizaines de milliers d'autres emprisonnés, torturés, travaux forcés, envoyés sur les champs de mines,...ect. <br /> L'article de ce journal pro FLN n'évoque qu'une petite fois le mots "harkis". Grave !
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